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Défense des prix : Transmettre la culture de la marge à sa force de vente

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Les commerciaux sont plus enclins à penser chiffre d’affaires que marge. Pour leur faire adopter ce réflexe, pédagogie et réflexion stratégique sont de mise.

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La marge, c’est ce qui fait vivre l’entreprise ! » Pour Michel Calliau, gérant d’Acor Process, cabinet conseil en organisation commerciale, il n’existe pas l’ombre d’un doute : si les commerciaux n’ont pas spontanément la culture de la marge, il est indispensable de la leur transmettre. « De la marge dépend la rentabilité, qui est la raison d’être de toute affaire, renchérit Jacques Inizan, consultant associé au sein du cabinet conseil Comanagement. Seulement voilà : les vendeurs sont naturellement plus sensibles aux notions de volume et de chiffre d’affaires – sur lesquelles ils s’appuient volontiers pour exprimer leur importance. Leur donner un réflexe “marge” nécessite un travail d’évangélisation. »

La valeur du client

Pour préserver la marge, plusieurs pistes sont à explorer. Primo, la défense des prix de vente. « Sur les produits banals, explique Joël Mathias, directeur associé du cabinet conseil Algoé, il est difficile, voire impossible, d’éviter la course aux bas prix et aux ristournes maximales, qui érodent inévitablement la marge. » C’est donc du côté des produits et des services à valeur ajoutée que le manager commercial devra rechercher sa planche de salut. La bonne méthode ? Le porte-parole d’Algoé conseille aux entreprises de privilégier la notion de “customer value” ou “valeur du client”. « Il s’agit, développe-t-il, de repérer, au sein de son fichier, les clients susceptibles d’acheter des produits à plus forte valeur ajoutée et acceptant, bien entendu, de les payer plus cher. Dès lors, l’équipe commerciale renouvellera son discours de vente en tâchant de trouver les arguments adéquats, qui créeront de la valeur. » Un point de vue que partage Michel Calliau (Acor Process), qui préconise de faire plancher les vendeurs sur la préparation de l’entretien de vente et sur l’élaboration d’offres véritablement personnalisées. « Une proposition circonstanciée, c’est-à-dire qui tient véritablement compte des enjeux et priorités du client, se vend nécessairement plus cher, affirme-t-il. Lorsque le commercial accepte de réduire le prix au détriment de la marge, c’est, bien souvent, le signe d’un mauvais travail en amont. »

Moduler la marge selon les produits

Mais ce travail de montée en gamme ne suffit pas. Tous les experts s’accordent à le dire : pour transmettre aux forces de vente la culture de la marge, rien de tel qu’un système de rémunération partiellement indexé sur cet indicateur clé. « Pour que les commerciaux se sentent vraiment concernés par cette question, poursuit Joël Mathias (Algoé), il faut qu’ils aient quelque chose à y gagner ! » Et quoi de plus motivant, pour un vendeur, que le numéraire… Toutefois, selon Michel Calliau, un système ne tenant compte que du paramètre marge serait incomplet : « Il est bon de lier le salaire à ces deux indicateurs : le chiffre d’affaires, d’une part, et la marge, de l’autre ; cette dernière ne devant pas peser plus de 50 % de la part variable. » De plus, si le système de rémunération prend en considération la notion de marge, les challenges et autres concours de vente doivent en faire autant : question de cohérence. Autre clé de succès : moduler le pourcentage de la marge en fonction des produits, des marchés et des clients. « Il peut être judicieux d’accorder une remise substantielle sur de nouveaux produits que l’on souhaite imposer », argumente Michel Calliau (Acor Process). L’entreprise accepte alors d’éroder sa marge, mais elle le fait à titre exceptionnel et en parfaite connaissance de cause. Ce genre d’exception peut obéir à des règles de calcul simples permettant au commercial de connaître exactement la latitude dont il dispose en matière tarifaire. Mais dans les entreprises ayant une forte habitude de la “ristourne”, on préférera soumettre chaque demande de remise à l’autorisation préalable de la direction commerciale ou du contrôle de gestion. « Cette seconde méthode, très interventionniste, peut être adoptée à titre transitoire, indique Jacques Inizan (Comanagement), le temps que le réflexe marge entre dans les mœurs de la force de vente. »

Réduire les coûts commerciaux

Enfin – dernier axe stratégique –, la défense de la marge ne peut se passer d’un travail sur la maîtrise des coûts commerciaux. Les frais de déplacement (automobile, restauration, hébergement, etc.), par exemple, peuvent, en effet, grever le budget des directions commerciales s’ils ne font pas l’objet d’un suivi attentif. C’est la raison pour laquelle il est prépondérant de leur attribuer un cadre budgétaire strict : tel montant pour un déjeuner, tel autre pour un dîner, etc. Toutefois, cela n’est pas toujours suffisant. « On démontre qu’au-delà d’une certaine fréquence, les visites chez un client ne génèrent plus de valeur, argumente le porte-parole de Comanagement. Il est donc a priori souhaitable de définir, à l’intention de chaque vendeur, un quota annuel de visites pour chaque compte. Mais, attention, poursuit l’expert, c’est également le poste le plus difficile à comprimer sans heurts : un commercial a beaucoup de mal à comprendre que l’on puisse lui reprocher de se rendre chez ses clients, car il a le sentiment de ne faire que son métier. » Pour faire passer le message en douceur, sans provoquer de levée de boucliers, pédagogie, écoute et communication sont donc plus que jamais indispensables.

Témoignage

Daniel Pandard, chef des ventes régionales chez Canon Bureautique « Je ne parle plus de chiffre d’affaires, mais de rentabilité » « Lorsque j’analyse les chiffres avec mon équipe, je ne parle plus de chiffre d’affaires ou de prix d’achat, mais de taux de rentabilité, explique Daniel Pandard, qui encadre neuf vendeurs de la région Val-de-Loire. Mois après mois, je leur donne le montant exact de ce qu’ils ont rapporté à l’entreprise. » Autre levier efficace : le plan de rémunération est en grande partie indexé sur la marge. Grâce à un variable qui dépend à 60 % de ce critère, l’entreprise encourage les ventes de produits à forte valeur ajoutée – comme les services, par exemple –, qui donnent droit à des primes exceptionnelles. « Nos challenges sont, eux aussi, très orientés marge. » Les concours – régionaux et nationaux – incitent la force de vente à se concentrer sur les solutions les plus rémunératrices. Enfin, pour moduler la marge selon la profitabilité des produits ou services, Canon accorde un pouvoir de négociation tarifaire variable. « Ils ont une bonne latitude sur les produits à marge forte. A contrario, ils ne peuvent pratiquement rien “lâcher” sur les produits à prix plancher. »

Témoignage

Jacques Inizan, consultant associé chez Comanagement, cabinet conseil en développement commercial « Les faire plancher sur la marge, c’est élargir leur champ de compétences » Selon Jacques Inizan, transmettre une culture de la marge à une force de vente est un chantier passionnant. « C’est l’occasion de la faire monter en compétences, estime l’expert, et d’enrichir sa mission tout en la valorisant. Et contrairement à une idée reçue, si la notion de marge est bien expliquée aux commerciaux, elle peut être bien accueillie. » Pour y parvenir, l’expert conseille à ses clients d’organiser une ou deux journées de formation sur le thème de la marge et des coûts commerciaux, « histoire de montrer aux vendeurs que leurs agissements ont des répercussions qui peuvent éroder la marge bénéficiaire de l’entreprise. Le raisonnement est simple et le discours logique ; les participants y adhèrent vite et bien. »

Lexique

- La marge commerciale est la différence entre le montant des ventes de marchandises et leur coût d’achat. - La marge brute résulte de la comparaison entre les ventes et leur coût. Elle est mesurée avant la prise en considération des frais commerciaux, généraux et financiers. L’équilibre du compte de résultat suppose donc un fort niveau de marge brute en amont. - La marge nette mesure la rentabilité d’une entreprise. Pour l’obtenir, on divise le bénéfice net par le chiffre d’affaires ; plus le chiffre est élevé, plus la rentabilité est forte.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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