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Comment mettre l'IA au service des directions commerciales ?

Publié par Clément Fages le - mis à jour à

Si l'utilisation de l'IA semble de plus en plus incontournable pour remplir ses objectifs de vente dans un contexte tendu, le succès de l'incorporation de ces innovations au sein de sa force de vente tient plus au management du changement qu'à la résolution de défi technologique. Explications.

L'intelligence artificielle est certainement le grand sujet de ces deux dernières années pour l'ensemble des professionnels. Mais par quoi cela se traduit-il au sein des directions commerciales ? Alors que les gains de productivité et de performance légitimement attendus de l'utilisation de l'IA dépendent avant tout de l'adoption de ces outils par les équipes, l'équilibre entre technologie et intelligence humaine était au coeur de la dernière édition de Strada Morning, événement réalisé par l'agence Strada Marketing en partenariat avec Action Co.

Faire équipe avec l'IA, une révolution

« On me demande de faire équipe avec l'IA, mais on ne m'a jamais demandé de faire équipe avec mon ordinateur ou ma clé USB », s'amuse Violette Bouveret. L'autrice, fondatrice du cabinet de conseil Mecylium, introduit la matinée en expliquant comment l'émergence de l'IA a pu déstabiliser les entreprises et les collaborateurs, et comment faire appel à sa pensée logique, créative et critique pour dépasser la peur du remplacement et les craintes légitimes liées à l'intégration de l'IA générative aux processus d'une organisation. « Il faut arrêter avec le mythe de l'IA toute-puissante. L'IA ne peut rien faire si vous n'avez pas au préalable la bonne donnée, mais aussi les bons experts pour la manipuler. L'enjeu n'est pas d'augmenter les performances, mais d'atteindre l'excellence qui résulte de cette combinaison », indique-t-elle, précisant toutefois que l'IA ne remplacera que « ceux qui ne s'y forment pas ». Après avoir dépassé ses craintes originelles, elle conseille de s'informer et d'identifier les bons cas d'usage de l'IA au sein des entreprises qui l'utilisent, avant de bien planifier son déploiement au sein de sa propre organisation. Et pour ceux qui craignent toujours l'IA, elle se veut rassurante : « À terme, on risque de se trouver face à un mur de la data, c'est-à-dire que demain, toutes les IA auront exploité toutes les données disponibles. La différence se fera sur les qualités humaines, et sur la capacité à aller identifier et exploiter de nouvelles sources de données, à l'image de celles issues des activations terrain menées par les forces de vente externalisées de Strada. »

Des gains de performance avérés

Ces données issues des points de vente sont justement mises à profit par Pernod Ricard au travers de D-Star, un outil de planification des tournées des forces de vente. Né d'ateliers métiers dès 2019, D-Star s'appuie sur un modèle prédictif développé en interne et permet aux commerciaux de bénéficier de conseils adaptés aux spécificités de chaque magasin. « Nous avons testé l'outil en France, en Allemagne, en Inde et aux États-Unis avant de le déployer plus largement. Cette possibilité de passer rapidement l'outil à l'échelle a été déterminante dans le choix de ce cas d'usage, la planification des tournées concernant l'ensemble de nos équipes sur le terrain », explique Étienne Coulon, Global Commercial Operations Director de Pernod Ricard. Avec des gains notables : « Les commerciaux passaient plusieurs heures par semaine pour définir leur plan de visite. Nous avons dû faire face à quelques réticences de la part de certains qui disaient ne pas avoir besoin d'une IA pour leur dire où aller. Mais ces heures gagnées permettent de se focaliser sur d'autres tâches. À cela s'ajoute l'augmentation de l'efficacité de la visite elle-même, D-Star étant doté d'un outil de recommandation de type "next best action". » Le responsable prévient toutefois que les recommandations font l'objet d'une surveillance constante, afin de s'assurer qu'aucune hallucination de l'algorithme ne vienne les vicier : « D'où l'importance de garder un certain niveau d'expertise chez les commerciaux. »

Même constat chez Cegid. Selon Sylvain Jauze, Senior Vice-President Sales & International Operations, l'éditeur intègre l'IA à ses produits, mais aussi au profit de ses 700 commerciaux : « Nos cas d'usage vont de la retranscription automatique d'une réunion pour alimenter le CRM à l'analyse de l'état d'esprit des interlocuteurs, sans oublier la traduction des démos et le scoring d'opportunités. Résultat : + 10 points de taux de transformation et division par deux du temps passé à alimenter le CRM. Pour une PME, le ticket d'entrée n'est pas prohibitif : certaines solutions SaaS sont accessibles pour 50 à 100 € par commercial », assure-t-il, prônant un mix « make & buy » pour rester maître des coûts et des données. « Mais le problème n'est pas le coût : c'est l'inutilisation de l'outil ou son manque d'efficacité. »

Des humains bien formés à l'IA et par l'IA

Enfin, la matinée s'est terminée sur l'exemple de Guy Hoquet. « Nous avons 500 agences et 3 000 collaborateurs, mais au siège nous ne sommes que 45 », explique Delphine Herman, directrice de l'offre et de la marque. Ce réseau 100% franchisé a intégré l'IA pour former ses agents : « Nous sommes les rares à inclure la formation métier dans la redevance plutôt que de la facturer en supplément. Nous avons développé une plateforme d'e-learning propriétaire, façon Netflix. » Grâce à l'IA et aux avatars des formateurs, « le coût de production d'un module est passé de 7 000 € à 300 €, et nous pouvons mettre en ligne un nouveau contenu le jour même », se félicite Delphine Herman. L'assistant vocal, accessible sur mobile, permet aux agents d'interroger la base en situation de vente. « Avant la plateforme, seulement 24% des collaborateurs avaient plus de deux ans d'ancienneté. Nous atteignons désormais 47%. Enfin, un collaborateur formé réalise 26% de chiffre d'affaires additionnel par rapport aux autres. » Preuve qu'au-delà de l'IA, c'est l'humain qui fait la différence.