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"Tout déconstruire pour tout reconstruire", le retour d'un directeur commercial expatrié

Publié par Laure Tréhorel le - mis à jour à

Romain Vet, directeur du développement commercial de Cabasse, revient sur son parcours entrepreneurial entre les États-Unis et le Canada. Un voyage riche d'expériences, marqué par des différences culturelles, un modèle économique singulier, et une gestion du temps et des relations commerciales résolument plus pragmatique.

De retour de plus de 7 ans d'expatriation en Amérique du Nord, Romain Vet vient d'accepter le poste de directeur du développement commercial de Cabasse, fabricant français d'enceintes audio, depuis la France.

Romain Vet

Il revient sur son expérience à l'international, une opportunité qui s'est présentée alors qu'il était responsable commercial export pour une autre entreprise française spécialisée dans le matériel d'écoute sonore : Focal Naim. À la suite du rachat d'Audio Plus Services et de Plurison par l'entreprise, les filiales canadienne et américaine sont nées. « Une opportunité d'exercer mon métier de directeur commercial outre-Atlantique qu'il m'était difficile de refuser », convient Romain Vet. C'est en 2018 qu'il s'installe avec sa famille à Montréal, pour y occuper le poste de VP Ventes et Marketing pour Focal Naim Amérique.

Moins de réunionite, plus de facilité de contact

Le modèle économique de l'entreprise reste le même : à savoir la vente indirecte, via un réseau de revendeurs. Nouveauté marquante, en revanche : l'absence de commerciaux intégrés. « Le business se réalise via des compagnies de Rep (Representatives, NDLR) ; ainsi, une quinzaine de ces organisations représentaient une force de vente de 60 commerciaux, tous agents indépendants, rémunérés à la commission, entre 4 et 15 % selon les produits et les segments de marché », précise Romain Vet.

L'avantage ? « Si l'on est mécontent d'une collaboration, celle-ci peut s'arrêter très simplement. »

L'inconvénient ? « En dehors de leur mission principale - vendre -, ces vendeurs indépendants ne partagent pas les problématiques de l'entreprise, et il est plus difficile d'obtenir d'eux des éléments hors vente, comme des debriefings ou des rapports clients. »

Le droit à l'échec est permis outre-Atlantique

D'autres différences marquent cette expérience en tant que directeur commercial aux États-Unis et au Canada. « Là-bas, pas de réunionite ni de perte de temps. Les décisions se prennent très vite, ce qui encourage la prise de responsabilité et l'autonomie », souligne Romain Vet. Et d'ajouter : « Si cela fonctionne, tant mieux ; sinon, on essaye tout de suite autre chose. »

Le revers de la médaille concernant la vente indirecte : « Toute promesse commerciale faite aux revendeurs doit rapidement être suivie d'un passage à l'action. La patience n'est pas de mise. » Par ailleurs, si les partenaires revendeurs acceptent facilement d'appliquer des promotions et de rogner un peu sur les marges pour réaliser plus de volume, c'est moins le cas au Canada, où les acteurs préfèrent maintenir leurs marges.

« Je préfère la franchise à la française »

Sur la forme, Romain Vet a aussi pu constater des différences, parfois de taille. « Tout d'abord, l'absence du vouvoiement aide à instaurer naturellement des contacts plus chaleureux, et somme toute plus fluides et faciles », note le manager.

L'emploi du pronom personnel « vous », marque de respect dans la langue française, implique aussi une forme de distanciation, et constitue « une barrière dans les communications commerciales ».

Surtout, aux États-Unis comme au Canada, il n'est pas envisageable d'annoncer clairement que quelque chose ne va pas - a fortiori dans les relations managériales. « Lorsque je suis arrivé, je n'avais pas conscience de cette subtilité. Aussi, je pratiquais un management à la française, et je n'hésitais pas à parler ouvertement lorsque je repérais quelque chose qui n'allait pas dans le travail d'un collaborateur », explique Romain Vet, qui s'est d'emblée heurté à des incompréhensions.

« À la moindre remarque négative, l'interlocuteur pensait qu'il allait se faire licencier. Après quelque temps, un rapport de confiance et de compréhension s'est instauré », relate-t-il, en concluant sur ce point : « Je préfère la franchise à la française. »

De retour en France depuis quelques jours seulement, Romain Vet va devoir reprendre ses marques.

Sur le plan professionnel, il a pour mission de mettre en place le système de distribution de Cabasse à l'international et de déployer l'accompagnement commercial qui s'ensuit.

Et sur le plan personnel ? « Le système éducatif, calibré de sorte que les enfants sont moins fatigués, va me manquer, mais je suis heureux de retrouver les produits de la gastronomie française », résume-t-il.

« Il faut en quelque sorte déconstruire ce qui a été fait là-bas, pour tout reconstruire ici », conclut-il. Un challenge partagé par tous les expatriés de retour en France.