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Management interculturel : 6 pièges à éviter

Invitée lors de la Masterclasse d'Incenteev du 3 octobre 2024, Virginia Drummond, chercheuse et enseignante en management intercuturel, met en garde sur les pièces à éviter en la matière.

Publié par Laure Tréhorel le - mis à jour à
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Management interculturel : 6 pièges à éviter

Qu'il manage une équipe internationale ou non, chaque directeur commercial doit faire face à une réalité : tous ses commerciaux viennent de différents horizons, et embarquent avec eux plusieurs bagages culturels avec eux. Origine géographique, genre, appartenance religieuse, expérience professionnelle... l'interculturalité est inéluctable. Voici 6 pièges à éviter, d'après l'intervention de Virginia Drummond, chercheuse et enseignante en management interculturelle, lors de la Masterclasse organisée par la plateforme de motivation Incenteev le 3 octobre 2024.

#1 Faire fi des spécificités régionales

Une même façon de faire peut être naturelle à un endroit de la planète, et sembler tout à fait incongrue à l'autre bout. "Par exemple, la simple rédaction d'un e-mail peut soulever une polémique. Là où un ton direct et assertif paraît être une preuve de pragmatisme et d'efficacité pour certains, il peut être taxé d'agression par d'autres", souligne Virginia Drummond. Autre méfiance pointée par l'expert, celle relative à l'emploi du "non", prohibée dans certaines régions du monde. Et celle-ci de raconter sa propre déconvenue, alors qu'elle travaillait au service RH d'une entreprise française : "J'utilisais beaucoup la formule 'Merci de bien vouloir faire ci ou ça', pensant qu'elle traduisait une politesse certaine. En fin de compte, je me suis aperçue que c'était perçu comme un ordre. En supprimant cette formulation, j'ai pu observer les réactions changer." Méfiance donc quant à l'emploi du vocabulaire, "surtout lorsque l'on s'exprime dans une langue étrangère", un mot peut en cacher beaucoup d'autres.

Il n'y a pas qu'en matière de communication écrite que le directeur commercial peut avoir des surprises. Autre exemple cité par la spécialiste en management interculturel : la gestion du temps. "En France, il existe le quart d'heure de politesse. Pour une réunion indiquée démarrer à 9h, les collaborateurs arrivent à 9h mais d'abord pour s'échanger des paroles de sociabilisation, prendre un café, etc. En Suisse, ce serait inacceptable", prévient-elle.

# 2 Attention aux stéréotypes

Qu'ils aient un fondement légitime ou non (ce fameux "fond de vérité" dont les origines restent parfois obscures), mieux vaut se méfier des stéréotypes d'après Virginia Drummond : "Les stéréotypes sont en fait des mécanismes de défense. Pour contourner la peur de la différence, un individu va projeter ses frustrations sur l'autre." Attention à ces images pleines d'affect dont nous sommes tous imbibés (les Allemands sont stricts, les Français sont arrogants, etc.), qui nous rassurent dans la mesure où l'on pense naviguer en terrain connu. "Les stéréotypes en disent en réalité davantage sur nous-même que sur l'autre. Mieux vaut se concentrer vers une réflexion plus approfondie et moins superficielle que celle offerte par les stéréotypes", recommande l'experte.

Titulaire d'un doctorat de gestion de l'Université Paris Dauphine, Virginia Drummond est professeur associé à l'EMLyon business school, et travaille comme consultante et formatrice en management interculturel depuis 1999. Après avoir contribué au programme de dialogue interreligieux de l'Unesco en 2001, elle a également été chargée de cours dans de nombreuses institutions de prestige en France et a dirigé plusieurs séminaires destinés à préparer les cadres internationaux à leur future expatriation. Elle a écrit Le management interculturel : Comprendre la diversité culturelle pour mieux manager les collaborateurs et les équipes, 9e édition, 2024, aux éditions Gereso.

# 3 Mettre le focus (uniquement) sur les différences

À trop vouloir se concentrer sur les différences culturelles et autres, le manager en oublie les convergences. "J'accompagne les entreprises, dont certaines appliquent des quotas pour promouvoir en interne l'ascension de certaines catégories de personnes : femmes, mais aussi Aborigènes comme je travaille actuellement en Australie. C'est un système de promotion par la différence, et non par la compétence, qui peut poser problème car ces privilèges accordés peuvent être mal perçus de l'extérieur", souligne l'experte. Pour résumer, il ne faut pas que ces rééquilibrages, qu'ils soient guidés par un cadre légal ou non, gomment les performances au profit des différences culturelles seules.

# 4 Négliger le risque de choc culturel

Lorsqu'un commercial français s'apprête à rencontrer un partenaire japonais, il va s'y préparer, car il sait que la culture y est très différente. "Il va alors se mettre en 'mode découverte' activé", précise Virginia Drummond. L'erreur serait de ne pas faire pareil quelle que soit la destination. "Si ce même manager se rend en Italie, il va baisser sa garde car il peut se dire que c'est un pays européen voisin, partageant la même culture latine", prévient l'experte. Se fier à ces apparences et négliger la préparation psychologique peut induire "des chocs culturels, voire de lourds échecs", avertit-elle.

# 5 Croire que 1+1=2

En management, et encore plus en management interculturel : 1+1=3 ! La confrontation de deux mondes culturels ne se résume pas en une simple addition. Chaque interaction apporte de la nouveauté : un manager anglais, au contact d'un collaborateur français, développera d'autres interactions que ce même manager au contact d'un collaborateur indien. "Les comportements culturels interagissent entre eux, il n'en existe pas de représentations figées", remarque l'enseignante-chercheuse.

# 6 Les relations à distance évincent la question culturelle

Certes, les réunions Teams mettent généralement toutes les nationalités d'accord sur le fait d'arriver à l'heure, même les Français ! Mais croire que le management à distance multiculturelle aura une meilleure efficacité est une erreur. "Parce qu'ils travaillent à distance, les managers ne prennent pas ou moins de temps pour apprendre à découvrir les membres de l'équipe virtuelle. Or, les études montrent que les équipes travaillant à distance remportent davantage d'efficacité que les autres si elles se voient physiquement, même une seule fois ! Prévoir donc des séminaires et surtout l'aménagement de temps de rencontres conviviales permet au manager de mieux appréhender les membres de son équipe, et surtout de se faire découvrir aux autres. "La question du management interculturel est finalement moins de comprendre l'autre que d'essayer se comprendre soi-même", résume Virginia Drummond.

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