Pour gérer vos consentements :

Sécurité routière des commerciaux, un objectif aussi important que le chiffre d'affaires

Publié par Aude David le | Mis à jour le

Les déplacements sont souvent inhérents à la fonction de commercial terrain. Mais de longues heures de route peuvent induire des comportements à risque. Lors d'une soirée organisée par les DCF Île-de-France, plusieurs entreprises font le point sur les pratiques à mettre en place pour une conduite plus sûre chez les forces de vente.

« Qui a déjà téléphoné au volant ? Pris la route après un repas d'affaires arrosé ? Monté des tournées sans se soucier du temps de conduite ? ». À ces questions, une bonne partie des directeurs commerciaux présents ce soir répond par l'affirmative. Car souvent, les commerciaux passent de longues heures dans leur voiture pour visiter prospects et clients. Sans songer aux risques.

Or, l'insécurité routière a coûté 53 milliards d'euros à la France en 2024 (hospitalisations, décès...) et pèse aussi sur les entreprises. Plus de cinq millions de journées de travail sont ainsi perdues chaque année suite à des accidents de la route, soit l'équivalent de 22 000 temps-plein. Et les entreprises peuvent être pénalement responsables en cas d'accident avec un véhicule de fonction. 575 professionnels sont morts dans un accident de la route en 2024.

C'est pourquoi les DCF Ile-De-France organisaient, le 26 mars dernier à Paris, une conférence sur le thème « Mobilité : innover pour réduire les risques, c'est possible », en partenariat avec l'association Antoine Alléno, qui cherche à faire évoluer la prévention routière. Plusieurs entreprises y ont témoigné des enjeux et procédures mises en place.

Encadrer la consommation d'alcool

Si l'alcoolémie n'est pas la première cause d'accidents, elle demeure un enjeu. Chez Socotec, groupe spécialisé dans le conseil en maîtrise des risques dans la construction, les infrastructures et l'industrie, et qui possède une flotte de 5000 véhicules, « il y a dans cette activité beaucoup de repas d'affaires, et donc un sujet avec l'alcool », reconnait son directeur qualité et sécurité Yves Colliard. Alors, l'entreprise, en accord avec les représentants du personnel, a fini par interdire l'alcool dans le cadre professionnel, mettant en avant l'argument de la sécurité. Quitte à parfois créer un certain décalage avec les clients. Si l'entreprise organise un événement avec alcool, elle charge certains salariés de ne pas boire pour jouer les chauffeurs, ou organise un service de taxis et VTC.

Comme les salariés bénéficient de leur véhicule de fonction dans leur vie privée, l'entreprise a étendu cette interdiction d'alcool aux usages de la voiture dans un cadre non professionnel. « Le véhicule, logoté, représente l'entreprise, qui travaille sur la sécurité. Un collaborateur qui le conduit se doit donc d'être exemplaire, quelle que soit la situation, justifie Yves Colliard. Cela devient une fierté, même s'il y a quelques exceptions. »

Mettre en place un suivi des salariés

Du côté de Würth, qui vend aux professionnels des matériaux de fixation et d'assemblage et possède 2640 véhicules en France, Marc Hartoin, directeur grands comptes, reconnait que la culture de proximité physique avec les clients mène à une « multiplication des contacts, donc des visites et des kilomètres ». Un cadre professionnel qui exerce parfois une forte pression sur la force de vente.

Würth demande à ses managers de proximité de contrôler tous les six mois la validité du permis de conduire de leurs commerciaux. Car l'entreprise ne connait pas les infractions commises en dehors du travail, et donc le statut du permis. Plusieurs intervenants demandent l'accès des entreprises privées au site gouvernemental Vérif Permis, réservé aux entreprises de transport public pour qu'elles puissent vérifier la validité des permis de conduire. Dès qu'il s'agit de véhicules de fonction, en revanche, les contraventions sont envoyées directement à l'entreprise. Et justement, pour Marc Hartoin, « une répétition des PV doit être un signal d'alerte ».

La question se pose d'ailleurs pour le responsable grands comptes : « Que faire quand un collaborateur n'a plus son permis ? Il n'est pas licenciable pour ce motif. Mais il peut être remercié dans le cas où il ne peut plus se rendre à son travail ». D'où, parfois, des commerciaux temporairement privés de permis de conduire, qui trouvent des solutions avec un proche qui leur sert de chauffeur pour venir au travail et visiter les clients.

Aude DAVID - ActionCo

Conférence DCF Mobilité : innover pour réduire les risques, c'est possible - Paris, Chateauform Monceau, 26 mars 2025

Socotec a créé un « système d'incident routier significatif, IRS. Pour chaque utilisateur, nous captons les plaintes de tiers, les infractions, les accidents dont il est à 100% responsable, les réparations supérieures à 1000 euros. Les 250 patrons d'agence reçoivent le taux d'IRS mensuel de leur agence », détaille Yves Colliard. En cas d'IRS, les managers doivent obligatoirement mener un entretien avec le collaborateur concerné, et les multirécidivistes sont convoqués pour des demi-journées de sensibilisation dispensées par la Préfecture.

Selon le responsable, ces informations, stockées sur une application, permettent de détecter « des tournées trop tendues, une planification trop musclée, le stress des collaborateurs... Ainsi, nous avons analysé que le jour le plus propice aux accidents est le mercredi. Nos jeunes collaborateurs avec enfants sont soumis à rythme plus intense ce jour-là ». Il assure que le taux d'IRS est passé de 50% au lancement du dispositif en 2020 à moins de 20%. Le nombre de multirécidivistes a sensiblement baissé, et alors qu'ils pouvaient être impliqués dans six à huit accidents annuels, le maximum est désormais de deux à trois par an.

Carglass, de son côté, a équipé tous ses véhicules de télématique depuis plus de dix ans. Outre la géolocalisation, cela donne surtout accès aux données des tableaux de bord de toute la flotte, pour remédier rapidement à toute anomalie, explique son responsable santé et sécurité au travail (SST) Olivier Portron.

Mobiliser les managers

Si la procédure est importante, la sensibilisation des managers est primordiale. Marc Hartoin estime que sans guide clair, les managers peuvent être tentés de ne pas relever une première infraction d'un commercial, et ne pas savoir quand réagir. « Il faut imposer une discipline propre aux managers ; créer des rituels pour capter l'attention sur autre chose que le chiffre d'affaires et les KPI, à savoir le comportement routier d'une équipe », estime le directeur grands comptes de Würth.

Mais Olivier Portron rappelle que « si le PDG ne s'engage pas, c'est difficile ». Et toute la ligne managériale doit suivre. Ainsi, chez Carglass, le directeur national des ventes et le responsable SST ont mis en place des webinaires réguliers sur le sujet, réunissant les commerciaux. Un expert de la sécurité routière analyse avec eux les images d'un accident de la route filmé.

Socotec et Carglass sont signataires de la Charte des 7 engagements, rédigée en 2022, recommandant de :

  1. Limiter aux cas d'urgence les conversations téléphoniques au volant.
  2. Prescrire la sobriété sur la route.
  3. Exiger le port de la ceinture de sécurité.
  4. Ne pas accepter le dépassement des vitesses autorisées.
  5. Intégrer des moments de repos dans le calcul des temps de trajet.
  6. Favoriser la formation à la sécurité routière.
  7. Encourager les conducteurs de deux-roues à mieux s'équiper.

Plus largement l'entreprise doit diffuser une nouvelle perception de la conduite pour obtenir des résultats durables. Yves Colliard note ainsi qu'auparavant, le trajet pour aller visiter les clients n'était jamais perçu comme un potentiel moment de danger. Et ce, alors qu'il y a chez Socotec plus d'accidents au volant qu'en effectuant des vérifications sur les installations des clients.

La formation est aussi nécessaire pour sensibiliser. Carglass a commencé par cibler les collaborateurs avec le nombre de kilomètres le plus important, dont de nombreux commerciaux. L'entreprise forme depuis quatre ans une trentaine de salariés par an. Socotec a cependant connu quelques déconvenues, car les modules de conduite apaisée et les tests pratiques ont conduit certains salariés, ayant réussi ces tests, à faire preuve d'un « trop-plein de confiance ». L'entreprise a donc priorisé une remise à niveau, notamment pour les conducteurs d'un certain âge, sur le partage de la route avec de nouvelles formes de mobilité : vélos, trottinettes... Second axe : les jeunes permis, qui manquent de pratique. Pour Yves Colliard, « le sujet ne doit pas être évoqué une fois par an, il doit être aussi ritualisé que les KPI, le chiffre d'affaires, la marge. »

La rédaction vous recommande

  • [Juridique] Etat de fatigue du commercial : attention à la faute inexcusable de l'employeur
  • L'IA dans le retail, un impératif stratégique !
  • Merchandising : les mises en avant du mois