[Juridique] Etat de fatigue du commercial : attention à la faute inexcusable de l'employeur
Les commerciaux cumulent souvent les kilomètres, pour se rendre de rendez-vous en entretiens clients. Quid d'un excès de fatigue, et comment se prémunir juridiquement de toute faute en tant qu'employeur ? Le tour de la question avec Yann Bougenaux, avocat associé spécialiste en droit du travail.
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La Cour de cassation a accordé le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur à un salarié qui avait alerté son employeur sur son état de fatigue particulièrement important (Cass. Civ2ème, 16 novembre 2023, n° 22-10.357). Il convient de rappeler que la faute inexcusable de l'employeur permet à un salarié de bénéficier d'une indemnisation plus importante en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
La difficulté rencontrée par les salariés est la nécessité de prouver que les conditions de la faute inexcusable sont réunies. Ainsi, le salarié doit prouver :
- La conscience du danger par l'employeur,
- L'absence de protection mise en place.
Des exceptions permettent d'alléger la charge de la preuve qui pèse sur le salarié. Parmi celles-ci, l'article L.4131-4 du Code du travail permet à un salarié de bénéficier de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur s'il démontre avoir informé ce dernier d'un risque particulier et que ce risque s'est matérialisé.
Reste alors à définir la notion de risque et l'information qui en est faite à l'employeur. En l'occurrence, un salarié, chauffeur routier, avait informé son employeur de son état de fatigue important dû à l'absence de sommeil dans la mesure où il avait dû conduire son enfant aux urgences pédiatriques la veille.
Devant les juridictions, le salarié démontrait avoir dû se rendre aux urgences pédiatriques et disposait d'attestations de collègues qui confirmaient qu'il avait bien alerté son employeur. Son employeur lui a malgré cela demandé de réaliser sa journée de travail comme habituellement. Le salarié a alors été victime d'un accident de la route.
Il convient de préciser que le salarié a été parallèlement condamné pénalement pour violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par le Code de la route, en raison de son écart de conduite dangereux à l'origine de l'accident. La question qui se posait alors était de savoir si l'employeur aurait dû prendre des précautions particulières suite au signalement par son salarié d'un état de fatigue important. La Cour de cassation, valide la position de la Cour d'appel, en retenant l'existence d'une présomption de faute inexcusable.
Selon la Cour de cassation, le fait que le salarié ait signalé un état de fatigue très important est suffisant pour remplir les conditions de l'article L.4131-4 du Code du travail et permettre ainsi au salarié de bénéficier de la présomption de faute inexcusable. Cependant la Cour de cassation apporte une précision qui permet de tempérer l'analyse. En effet, elle précise :
- Que le poste du salarié, chauffeur routier, nécessitait « un état de vigilance particulièrement soutenu »,
- Qu'il avait été établi un lien entre la fatigue et les fautes de conduite et donc l'accident survenu.
En l'absence de ces éléments, la seule alerte par le salarié devrait être insuffisante pour permettre de bénéficier de la présomption de faute inexcusable.
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En conclusion, il apparaît que la Cour de cassation est particulièrement vigilante s'agissant des conditions de travail des salariés et appréciera avec d'autant plus de sévérité dans un contexte de surmenage ou burn-out. Il apparaît comme essentiel pour les employeurs d'anticiper ces problématiques afin d'éviter des situations potentiellement explosives. Plus généralement un employeur doit être attentif à la charge de travail de ses salariés et tenir compte des signalements effectués par ses salariés.
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