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[Interview] « La vente est aux avant-postes de l'intelligence artificielle », Billy Oriental (LinkedIn)

Publié par Laure Tréhorel le - mis à jour à
Billy Oriental, directeur commercial de LinkedIn
Billy Oriental, directeur commercial de LinkedIn

Billy Oriental est directeur commercial de LinkedIn, le réseau social aux 29 millions d'abonnés en France. Un poste privilégié pour observer dans quelles mesures les entreprises font évoluer leurs techniques de vente et de prospection vers le social selling, le modern selling, et l'IA.

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Selon vous, quels-sont les défis majeurs auxquels font face les départements commerciaux des entreprises en matière de vente et de prospection ?

Billy Oriental : L'une de nos études confirme que 68% des organisations commerciales n'ont pas atteint leur objectif de chiffre d'affaires en 2022¹. Dans le même temps, elles déclarent qu'en moyenne, les commerciaux consacrent uniquement 32% de leur temps exclusivement à la vente. La majorité de leur temps est dédié à d'autres activités typiques du quotidien du commercial : formation aux méthodologies de vente, formation technique aux produits ou services, coaching, préparation des rendez-vous clients, remplissage du CRM... Autrement dit, les directions commerciales font face à un enjeu fort : optimiser le temps de vente pur, pour maximiser la performance commerciale.

Autre difficulté : la complexité accrue du processus de décision d'achats de leurs clients...

B.O : Tout à fait. Alors que ce parcours n'impliquait que cinq personnes en 2014, il nécessite aujourd'hui 11 intervenants en moyenne. Il est donc nettement plus difficile aujourd'hui pour les commerciaux d'engager, d'influencer et de maîtriser l'ensemble des décideurs impliqués, d'autant que, en plus d'être plus nombreux au sein d'un même parcours de vente, les décideurs sont sursollicités. Ils répondent peu aux emails classiques, surtout lorsqu'ils ne sont pas assez qualifiés. Avec l'essor du digital, ces mêmes acheteurs accèdent directement en ligne aux informations dont ils ont besoin, comparent les prix, les caractéristiques des produits et services, étudient les offres des concurrents, et ce sans attendre qu'un commercial les contacte. D'ailleurs, en moyenne, un acheteur n'accorde que 5% de son temps aux rendez-vous avec des commerciaux. Les forces de vente doivent donc être capables d'intervenir auprès des décideurs avec une parfaite compréhension des priorités de leurs interlocuteurs, de leurs besoins et sentir le meilleur moment possible pour entretenir des conversations tout en apportant le plus de valeur possible.

« Les directions commerciales font face à un enjeu fort : optimiser le temps de vente pur pour maximiser la performance commerciale »

En parallèle, quelles tendances percevez-vous chez les acheteurs en matière de relations commerciales ?

B.O : Dans le contexte macro-économique actuel, les services achats des entreprises sont toujours guidés par la volonté de « faire plus avec moins », dans une logique de maîtrise budgétaire. Cependant, notre récente étude réalisée en collaboration avec Ipsos² prédit une augmentation des budgets jusqu'à +24% chez les acheteurs en 2024, avec une tendance forte dans le secteur du manufacturing.

Autre tendance dégagée par cette étude : le regain d'enthousiasme des acheteurs vis-à-vis des rendez-vous en présentiel. 67% d'entre eux confirment l'importance de rencontrer le commercial physiquement avant la finalisation d'un contrat. Les acheteurs sont aussi sensibles aux relations de long terme avec un commercial, puisque 3 sur 5 déclarent avoir répliqué un acte d'achat lorsque leur interlocuteur était un vendeur auprès duquel ils avaient déjà validé un contrat. Une fidélisation d'autant plus importante à prendre en compte que 54% des acheteurs maintiennent une relation de confiance avec un commercial lorsque ce dernier change d'entreprise.

Enfin, au regard des canaux de contact, les acheteurs privilégient l'email pour une première approche, devant le téléphone (18%) et les InMails de LinkedIn (12%). Ils précisent cependant que ces emails doivent impérativement être personnalisés avec des informations spécifiques à leur activité, ce qui semble être une lacune dans de nombreux cas d'emails de prospection.

Le social selling constitue-t-il une réponse pertinente à ces challenges ?

B.O : Au sein des entreprises, les départements Sales Ops et Marketing, qui contribuent à l'amélioration des processus de vente, s'alignent de plus en plus étroitement avec les directions des ventes, afin d'élaborer des stratégies mieux adaptées, souvent davantage tournées vers le modern selling, technique de commercialisation et de prospection s'appuyant sur le digital, dont les réseaux sociaux (social selling).

Nous comptons aujourd'hui plus d'un milliard de membres dans le monde, dont 29 millions en France, soit 90% de la population active. Parmi ces utilisateurs, plus de 1,3 millions de commerciaux, toutes nationalités confondues, profitent de Sales Navigator comme outil d'intelligence commerciale. Celui-ci s'inscrit la catégorie "Deep Sales" de notre plateforme, développée au printemps 2022. Cette technologie permet d'accéder à des données exhaustives de qualité et à des signaux d'achats en temps réel. Les équipes commerciales peuvent alors engager les actions adéquates, en phase avec les attentes des acheteurs, et ainsi optimiser leurs résultats. Il s'agit donc d'un outil de soutien de l'activité commerciale permettant le développement de relations qualitatives avec des contacts ciblés.

On observe qu'un fossé s'est créé entre ces méthodes de social et modern selling d'une part, et les approches historiques plus traditionnelles d'autre part. Les entreprises françaises ont pris conscience que les anciennes techniques de vente seules, comme le porte-à-porte ou les appels à froid suivant une liste de prospects, n'apportent plus le niveau de résultats escomptés. Pire, elles deviennent même contre productives dans certains cas, notamment en termes d'image de marque employeur.

Dans quelle mesure des outils d'intelligence commerciale comme Deep Sales aident les forces de ventes dans l'atteinte de leurs objectifs de chiffre d'affaires ?

B.O : L'investissement dans des solutions d'intelligence commerciale reste un sujet majeur pour les entreprises de toutes tailles qui souhaitent se différencier et rester compétitives. De nombreux outils d'intelligence commerciale peuvent soutenir le succès des forces de vente. La condition essentielle à leur réussite est de les imbriquer les uns aux autres, et de les intégrer au système d'informations interne à l'entreprise. Il est également indispensable pour une entreprise de s'assurer que l'utilisation des outils d'intelligence commerciale soit parfaitement assimilée par l'ensemble de la force commerciale.

Modèle de vente BtoB hybride, plus d'efficacité

La vente dite hybride, c'est-à-dire mêlant vente traditionnelle et social selling, devient le modèle adopté par la majorité (90%) des entreprises américaines BtoB en 2024. Cette place croissante du social selling dans le panel des techniques de vente va de pair avec l'avènement du télétravail, accéléré avec le Covid. On observe un certain niveau de maturité sur le sujet, avec 92% des entreprises déclarant que leur modèle de vente est aujourd'hui autant voire plus efficace que lorsqu'elles l'ont mis en place lors de la crise en 2020. Cette évolution vers des dispositifs hybrides a aussi vu le nombre de canaux de vente proposés doubler, passant de 5 à 10 entre 2016 et 2021. Les acheteurs en profitent allègrement, puisqu'en 2021, deux tiers d'entre eux ont opté pour un contact commercial à distance ou encore un service digital en autonomie totale. Enfin, les revenus supplémentaires générés par ces modèles hybrides seraient 50% plus élevés que les modèles 100% classiques. Le cabinet met en avant l'effet « engagement client » suscité par le social selling, qui est largement profitable aux entreprises qui le mettent en place.

Source : Mc Kinsey, 2024

En ce qui concerne Deep Sales et Sales Navigator, nous observons que les meilleures pratiques des utilisateurs se décomposent en trois rituels. Le premier est de constituer et prioriser la liste des comptes représentants les plus gros potentiels de croissance sur les marchés-cibles. La technologie s'appuyant sur l'IA Générative permet de faire émerger tous les critères différenciants au sein des comptes, qu'ils appartiennent au portefeuille de clients existants ou qu'ils soient des prospects. Le deuxième rituel vise à identifier les profils de décideurs à adresser afin d'établir une cartographie des points de contact. Les meilleurs commerciaux établissent ce mapping afin de mieux visualiser les centres d'intérêts de chaque interlocuteur et de trouver les mises en relation pertinentes pour créer une relation de confiance avec leur cible. Enfin, le troisième rituel différenciant consiste à trouver tous les membres de votre réseau étendu qui peuvent jouer le rôle d'allié dans le cadre d'une mise en relation professionnelle élargie. Les commerciaux qui ont du succès profitent de l'intelligence artificielle générative de Sales Navigator pour recevoir des flux d'informations spécifiques aux cibles sauvegardées dans l'outil.

L'IA générative va débloquer de formidables opportunités de croissance pour nos clients et nos membres

Comment percevez-vous la place grandissante de l'intelligence artificielle dans les processus de vente ?

B.O : L'intelligence artificielle existe déjà depuis quelques années mais son usage est désormais accessible à tous, comme c'est le cas de la solution d'intelligence artificielle générative offerte par ChatGPT. Chez LinkedIn, nous sommes convaincus que le monde de la vente est aux avant-postes de cette révolution technologique et que l'IA générative va débloquer de formidables opportunités de croissance pour nos clients et nos membres. Les organisations commerciales des entreprises doivent considérer cette technologie comme un co-pilote qui accompagnera les commerciaux au quotidien et leur fera gagner du temps sur les tâches les moins productives.

C'est-à-dire ?

B.O : Selon nos données, l'IA Générative augmenterait jusqu'à 59% des compétences nécessaires aux métiers du secteur commercial. Appliquée aux forces de ventes, l'Intelligence Artificielle permet par exemple d'obtenir en un seul clic une vue consolidée des informations-clés d'une entreprise : top priorités, principaux challenges, environnement concurrentiel, croissances des effectifs, etc. Ce niveau d'informations devient indispensable face aux attentes des acheteurs, tout en étant difficilement accessible pour un vendeur qui n'est pas équipé d'une technologie qui l'accompagne au quotidien.

Les organisations commerciales comptent bien profiter de l'intelligence artificielle générative. Ainsi, 70% des commerciaux devraient utiliser l'IA Générative dans leur quotidien d'ici les six premiers mois de l'année 2024². Les trois axes d'intérêt privilégiés étant de gagner du temps en automatisant les tâches administratives et la conception d'emails, d'obtenir des informations centralisées sur les comptes clients et d'affiner la stratégie de prospection sur les comptes prioritaires.


Pensez-vous que de plus en plus de commerciaux s'emparent de cette technologie ?

B.O : Il semblerait, puisque nous observons une croissance mensuelle moyenne de 75% du nombre de membres dans le monde ajoutant des compétences liées à des domaines tels que "ChatGPT", "IA Générative" ou encore "Prompt Crafting" sur leur profil LinkedIn.

Cela étant, le coeur de la relation commerciale se reposera toujours sur les hommes et les femmes, qui doivent mettre en avant aujourd'hui plus que jamais leurs softs skills : capacité d'écoute active, communication, habilité à créer une relation de confiance. C'est l'humain qui déterminera l'aboutissement des projets et le succès des transactions commerciales. D'ailleurs, dans leurs critères d'importance au sein des relations commerciales, les acheteurs placent la confiance en tête (44%) suivi par de la transparence (40%) et de la compréhension de leur secteur d'activités (36%).

(1) Etude Tendances des ventes BtoB en France, 2022

(2) Etude LinkedIn/Ipsos, février 2024

 
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