La vente éthique ou comment sortir de l'obsession du chiffre
Publié par Laure Tréhorel le | Mis à jour le
« Ethique », « responsable », « bienveillance »... Des mots qui restent parfois encore bien éloignés du milieu commercial. Fayçal Netiche, responsable du développement commercial de Gereso, milite pour une vente éthique et bienveillante : le futur de la relation commerciale selon lui.
« J'entends trop souvent : "Je veux des vendeurs agressifs", "Être un bon vendeur, c'est avoir du bagou", ou encore "La vente bienveillante c'est pour être gentil, pas pour vendre" », témoigne Fayçal Netiche, responsable du développement commercial de l'organisme de formation Gereso, et qui intervenait lors d'un webinaire sur la vente bienveillante mercredi 14 mai 2025.
Lui-même, auteur du livre La vente éthique et bienveillante (Gereso Édition, juin 2024), se décrit comme un « vendeur éthique et bienveillant ». Pourtant, il reconnaît que la profession n'a pas vraiment la cote. « Une étude d'Ipsos (décembre 2024) met en relief les perceptions du public envers différentes professions. Les médecins obtiennent les meilleurs résultats, avec 87% des Français qui en ont une image positive, tandis que 70% ont une image négative de la vente et des vendeurs », souligne l'expert qui interroge : « Comment en arrive-t-on à un tel résultat ? » Il poursuit en citant trois autres chiffres relatifs au déficit d'image dont souffrent les commerciaux :
Fayçal Netiche pointe ensuite l'une des conséquences de ce déficit d'image pour les entreprises : la complexité à recruter. « Nous constatons aujourd'hui une grande difficulté à trouver et à engager les commerciaux », atteste-t-il. Et de citer que plus de la moitié (52%) des entreprises françaises rencontrer des écueils quant au recrutement des commerciaux (étude Pôle Emploi / BMO de 2024) et que le métier de commercial figure dans le top 3 des métiers les plus en tension en France depuis 5 ans d'après la Dares et France Travail. « C'est un métier qui n'attire plus ou qui attire de moins en moins », en conclut-il, ajoutant cette donnée issue de l'étude Gartner Sales Research de 2023 : « 57% des directions commerciales déclarent qu'attirer de nouveaux talents est un défi majeur pour les 3 prochaines années. »
L'illusion du « toujours plus »
L'expert met en avant l'une des illusions qui persistent dans la vente « classique » : celle de vendre à tout prix. Le vendeur est alors guidé par le fait « de conclure la vente, peu importe les besoins réels du client, avec une approche centrée essentiellement sur la pression, impliquant une forme de manipulation ». S'ensuit une démotivation des vendeurs qui se mettent en situation d'inconfort en allant à l'encontre de leur éthique et de leurs valeurs.
Fayçal Netiche dresse un tableau noir de cette pratique de vente : « démotivation, usure, fatigue, pression... et puis forcément un rejet et une saturation des clients ». Le tout alimenté par « cette illusion du toujours plus : plus de volume, plus d'appels, plus d'e-mails, plus de clients, plus de rendez-vous... de la croissance permanente ! ». Selon lui, cette approche, basée sur le quantitatif, s'effectue au détriment de la qualité et de la pertinence de l'approche commerciale. « L'essentiel, c'est de signer vite et de passer au client suivant », regrette l'expert, soulignant qu'il est gênant de considérer le closing comme un but ultime, au lieu de fidéliser ou satisfaire le client : « En poussant le client à une signer rapidement, sans lui laisser le temps de la réflexion, celui-ci a l'impression d'avoir été bousculé, et perd confiance. »
Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain
Si la vente transactionnelle n'est plus adaptée aux besoins actuels de conseil, de transparence et d'authenticité du client, Fayçal Netiche estime que « la vente transactionnelle a également apporté de bonnes choses qu'il faut continuer d'exploiter tout en gardant à l'esprit que nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins ». Et celui-ci de citer notamment les méthodes de communication, les techniques de questionnement, l'écoute active, ou encore la reformulation pour « se synchroniser avec le client et s'assurer que son attente est bien comprise ». Par ailleurs, certains outils issus de la vente dite « traditionnelle » restent intéressants du point de vue de l'expert, donnant comme exemples la loi de Pareto, la méthode Pomodoro, la matrice Eisenhower ou encore la pyramide de Maslow.
Ethique et performance
« Une démarche authentique, éthique et bienveillante n'empêche pas d'être performant, bien au contraire ! Mais à condition de l'inscrire dans la durée », insiste encore Fayçal Netiche, partageant les 3 piliers de la vente éthique :
- un état d'esprit bienveillant
- des qualités relationnelles et de communication authentiques
- des techniques de vente éthiques et respectueuses.
Ces piliers font partie des programmes de formation commerciale promus par Fayçal Netiche, qui raconte comment certains directeurs commerciaux, qui demandent de la formation aux techniques de vente pour leurs équipes, se voient répondre que « la première étape, la plus importante, n'est pas la technique de vente mais l'état d'esprit. Un commercial qui maîtrise la technique ne peut être efficace s'il est usé et fatigué ! »
Pour aller plus loin : Sophie Vannier (La Ruche) : « Le commercial ne vend plus qu'une offre mais aussi ses aspects durables »
Quelles réponses apporter aux sceptiques de la vente bienveillante ? « La confiance accélère la décision. Elle doit être le socle de la vente », martèle-t-il. Les clients achètent plus facilement auprès de personnes qu'ils jugent sincères et fiables, cqfd.
Le responsable grands comptes appuie ses propos par des exemples d'entreprises faisant appel aux services de Gereso - Nature & Découverte, la Fnac ou Leroy Merlin - qui « tous développent une forme de sincérité dans leur démarche de vente » et enregistrent de bons résultats commerciaux.
Savoir dire « non »
Pour Fayçal Netiche, il ne fait aucun doute que le succès commercial passe par le fait de « concilier les objectifs financiers avec le bien-être et l'épanouissement des individus, et donc de rassurer le client sur votre capacité à bien vendre, à bien le conseiller et à le respecter », soulignant également un alignement avec le bien-être du commercial en phase avec ses valeurs.
Faire prendre conscience aux futurs vendeurs de leur responsabilité
Pour convaincre les vendeurs d'adopter la vente éthique, Fayçal Netiche explique profiter de sa position de jury aux examens de BTS : « J'essaye d'inscrire cette démarche dès le plus jeune âge ; de faire prendre conscience aux futurs vendeurs de leur responsabilité. » Allant jusqu'au bout de sa démarche, il ajoute : « S'il vend une offre qui ne respecte pas l'écologie, qui va à l'encontre de la santé humaine, etc., le vendeur doit assumer cette responsabilité ; être capable de dire 'non', et s'opposer à cette quête du chiffre à tout prix. »
« Dans ce contexte, réinscrire la façon de vendre sous le signe de l'éthique et de la bienveillance s'impose à nous », conclut-il, rappelant que le sens du mot « bienveillance » a été détourné pour devenir un synonyme de « gentillesse », alors que le dictionnaire d'étymologie de la langue française indique qu'il provient du latin bona vigilantia (bonne vigilance) soit le fait de « bien veiller », ou veiller à bien...vendre.