Tribune | La vente éthique commence par un cadre explicite
Imaginez un monde où chaque interaction commerciale se déroule dans un climat de confiance et de respect mutuel. Ce monde idéal est possible grâce à un concept simple mais puissant : le cadre. Plus qu'un ensemble de règles et de consignes, il constitue une notion symbolique essentielle pour le bien-être de chacun, englobant les rituels, les activités et les attentes mutuelles.

Dans toutes nos relations, y compris commerciales (n'oublions pas que nous sommes tous vendeurs selon Daniel Pink !), il est crucial de définir un ensemble d'éléments fondamentaux. Ce pacte moral, consciemment accepté par tous les participants, établit les paramètres de la discussion, les rôles, les domaines d'intervention, et bien plus encore. Intangible mais dynamique, le cadre peut être ajusté et réaménagé en fonction des expériences vécues, assurant ainsi la sécurité et la stabilité nécessaires à des dynamiques réflexives.
Perversité de la transgression
Mais que se passe-t-il lorsque ce cadre est transgressé ? Imaginez demander si vous pouvez prendre une frite dans l'assiette de quelqu'un tout en l'attrapant déjà, sans attendre son accord. Vous êtes alors passé à l'acte de manière compulsive, sans avoir respecter le cadre : « Dis-moi, j'ai encore un peu faim, est-ce que je peux te demander quelques frites ? » - si vous obtenez le consentement, alors vous pouvez éventuellement vous servir. Ce respect du cadre permet aussi à votre interlocuteur, qui ne désire peut-être pas que vous mettiez votre main dans son assiette, de se saisir de la sienne pour vous servir une quantité conforme à ce qu'il aura décidé.
Cette petite transgression illustre comment des actions inadéquates peuvent perturber l'équilibre et provoquer des conflits. Un jeu qui, en psychologie, s'appelle : le « Schlemiel », et dont l'objet est de commettre des bassesses en causant des désagrément aux autres et en s'excusant ensuite pour obtenir le pardon de ses victimes, dont la frustration augmente à la mesure de l'itération du comportement inapproprié. La transgression survient lorsqu'on se permet de confronter les limites du cadre, souvent sans en considérer les conséquences. Imaginez-donc dans le cadre d'un entretien de vente !
Expliciter le cadre
Un cadre implicite ne saurait être suffisant. Chacun interprète la réalité à travers ses propres expériences, valeurs et croyances. Il est donc normal que chacun y aille de sa propre définition. Pour une coopération efficace, le cadre doit être explicitement défini, englobant les attentes, les normes de comportement et les règles de communication. Ce cadre dépasse les simples responsabilités énumérées dans une fiche de poste, il touche à tous les aspects de l'interaction professionnelle, y compris la vente et le marketing.
L'établissement et le maintien du cadre exigent la responsabilisation de chacun quant à ses actions sur son périmètre et à leur impact sur autrui. Cela nécessite également une anticipation des conséquences pour prévenir tout conflit ou malaise. Le respect du cadre est essentiel non seulement en entreprise mais aussi dans toutes les sphères de la vie sociale, garantissant un climat de confiance et de coopération mutuelle.
Par exemple, lors d'un entretien de vente, respecter le cadre est crucial pour garantir des interactions harmonieuses et productives. Un comportement respectueux, éthique et transparent favorise un climat de confiance et de coopération.
Afin de poser un cadre de relation commercial clair, il s'agira de suivre plusieurs étapes :
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1/ Accueil et présentation : Dès le début de l'entretien, le vendeur établit le cadre en accueillant chaleureusement le prospect, se présentant et expliquant le déroulement de la rencontre. Exemple : « Merci pour ce rendez-vous. Nous allons commencer par une présentation de vos enjeux, puis discuter de la mission et des conseils. »
2/ Écoute et compréhension des besoins : Le vendeur pose des questions ouvertes pour comprendre les besoins du prospect, montrant un intérêt sincère et respectant le cadre de l'entretien. Exemple : « Vous souhaitez donc lancer une campagne sur 1500 prospects, c'est bien cela ? »
3/ Présentation de l'offre : Le vendeur présente les solutions de manière structurée, en restant centré sur les besoins du prospect. Exemple : « Je propose un forfait de 500 € HT pour corriger vos textes et expliquer mes interventions. »
4/ Gestion des objections : Le vendeur accueille calmement les objections, les considérant comme une partie normale et constructive de la discussion. Exemple : « Je vous suggère cependant d'effectuer des A/B tests sur 100 prospects pour tester et mesurer les messages afin de les adapter. »
5/ Conclusion et engagement : Le vendeur récapitule les points discutés et définit les prochaines étapes, respectant le cadre initial. Exemple : « Nous sommes d'accord pour une prestation de reformulation ? Pour vous être agréable, je vous offre le débrief avec votre consultant technique chargé de faire chauffer vos adresses mails, avec cette réunion de cadrage jeudi. »
Le consultant définit clairement le déroulement de l'entretien dès le départ. En expliquant chaque étape et en répondant calmement aux objections, le consultant instaure un climat de confiance. Le vendeur respecte ainsi les préoccupations de l'acheteur et fournit des réponses honnêtes et transparentes. En offrant deux heures de son temps, il sécurise l'état émotionnel de son client en lui assurant de transmettre les bonnes informations auprès de ses partenaires.
Repérer les transgressions et rappeler au cadre
En appliquant ces principes, le cadre assure un entretien de vente structuré et respectueux, favorisant une collaboration harmonieuse et productive. Cependant, des transgressions peuvent survenir.
1. Valider un budget inexistant :
Situation : Une fois la prestation effectuée, le client n'a pas les fonds pour payer la facture immédiatement : Il faudrait rediscuter des 500 € HT dépensés en une journée. Je cherche un client pour payer votre facture !»
Recadrage : « Vous avez validé ma proposition initiale par écrit. Mon expérience inclut 25 ans de pratique, la lecture de centaines de livres, l'écriture de 7 ouvrages. Même une intervention brève peut vous épargner des coûts cachés significatifs. Mon objectif est de garantir des résultats concrets, pas de vendre du temps. Auriez-vous accepté mon devis sans avoir les fonds ? »
Analyse : Le client remet en question le cadre, créant de l'insécurité chez le consultant. Le consultant prévient son avocat, dès fois que...
2. Dénigrer de la concurrence :
Situation : Le client mentionne avoir consulté un autre professionnel en parallèle qui lui a conseillé de lancer sa campagne envers et contre tout.
Transgression : « Il dit n'importe quoi ! »
Éviter la transgression : « Ne serait-il pas plus judicieux de penser votre stratégie dans sa globalité pour obtenir des résultats tangibles et pérennes ? »
Analyse : Critiquer la concurrence nuit à la crédibilité et à la confiance (principe N°1 de Carnegie).
3. Jouer au "sauveur" :
Situation transgressive : Le consultant continue à travailler sans paiement ni contrat signé.
Recadrage : « Mettons en pause l'accompagnement jusqu'au premier paiement et clarifions les termes de notre collaboration. »
Analyse : Continuer sans sécurité financière est imprudent.
4. Divulguer des informations confidentielles :
Situation : Le consultant partage des détails sur d'autres clients.
Recadrage : Réfléchir à l'éthique professionnelle et à la confidentialité.
Analyse : Divulguer des informations confidentielles viole les normes de confidentialité.
5. Manquer de transparence :
Situation : Le consultant reste évasif quant à ses tarifs ou le client essaie de renégocier les termes de fin de mission pendant la mission (date de fin, durée, etc.)
Recadrage : Discuter des coûts et de la valeur, de manière transparente et honnête. Être ferme sur le cadre qui a été accepté initialement. Relancer son avocat.
Analyse : Manquer de transparence peut être perçu comme manipulateur.
Le respect du cadre est une condition essentielle pour des interactions harmonieuses et productives, garantissant le bien-être et la sécurité émotionnelle des individus et dans un entretien de vente, cette sécurité émotionnelle, c'est ce qui va permettre à votre interlocuteur de se projeter à travers votre offre. Sans cette projection, vous ne vendrez pas !
En entreprise comme dans d'autres contextes de la vie sociale, un cadre clairement défini et respecté permet aux individus de s'engager pleinement et efficacement, favorisant ainsi la confiance, la coopération et la productivité collective. Alors, engageons-nous à définir, respecter et ajuster notre cadre pour des relations plus harmonieuses et fructueuses. Ensemble, créons un environnement où chacun se sent en sécurité, respecté et valorisé.
Guillermo Di Bisotto est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Questions pour un champion de La vente, et de C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections, publiés aux éditions Eyrolles (2023).
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