Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

David Lachaud, dg de Nature & Découvertes : "Nous devons donner un rôle social au commerce"

Publié par le - mis à jour à
David Lachaud, dg de Nature & Découvertes : 'Nous devons donner un rôle social au commerce'

David Lachaud a évolué en tant que vendeur, directeur commercial puis directeur général adjoint chez Nature & Découvertes. Il développe une fine connaissance du retail et partage ses bonnes pratiques et ses convictions.

Je m'abonne
  • Imprimer

Vous êtes un directeur commercial autodidacte. Est-ce un avantage selon vous ?

David Lachaud : J'ai obtenu un DEA en géophysique marine, passionné par l'étude des fonds marins, la géographie du sous-sol, le mouvement des plaques tectoniques. Mais je n'avais ni envie de travailler dans la filière pétrolière qui était prédestinée à des profils comme le mien, ni même envie d'enseigner. En revanche, mes jobs d'été en tant que vendeur m'ont donné l'intuition que j'allais faire carrière dans le commerce, et je ne me suis pas trompé.

Je me suis donc rapproché des enseignes que j'appréciais en tant que client. Je connaissais peu Nature & Découvertes, mais j'ai vite été émerveillé, et j'ai voulu mettre à profit mes compétences scientifiques au service de la marque. J'ai rapidement développé la passion du commerce, qui est pour moi un métier de lien, d'échange et de relationnel.

Être autodidacte était plus fréquent à l'époque que ça ne l'est maintenant. Les profils comme le mien n'étaient pas rares dans la vente, surtout dans un secteur de passionnés avec la vente de produits parfois techniques. Aujourd'hui, il est vrai que les commerciaux sortent davantage d'écoles de commerce. Mais pour autant, ils ont cette volonté de donner un sens à leur carrière, en choisissant, sinon un secteur d'activités, une entreprise pour laquelle il partage des valeurs et une vision commune.

Vous avez fait toute votre carrière au sein de la même entreprise. Pourquoi ce choix ?

D.L : Tout d'abord, parce que c'est une entreprise de passionnés, dont je suis, avec un modèle commercial différenciant. Il existe une belle proximité entre les équipes commerciales et les clients. Ces derniers entrent chez Nature & Découvertes un peu comme dans un musée, pour y découvrir des articles qu'ils n'ont pas l'habitude de voir. Les produits sont sortis de leurs emballages, à disposition pour être manipulés et testés. Les vendeurs n'alpaguent pas les clients tout en restant disponibles.

Et il n'est pas rare d'assister à des discussions animées et riches entre vendeurs et clients qui, au-delà de l'échange commercial, partagent un intérêt commun. Moi-même, lorsque je suis en déplacement sur le terrain, je demande aux vendeurs de me présenter leurs dernières nouveautés et, pris par le discours, je suis comme un gosse !

Quel a été votre parcours ?

J'ai également démarré comme vendeur, en tant qu'extra pour la période de Noël au magasin Italie Deux à Paris. Le directeur du magasin de l'époque, aujourd'hui patron du merchandising, m'a donné ma chance et je suis devenu directeur adjoint de magasins ; j'intervenais en renfort ou en remplacement un peu partout en France.

J'ai ensuite rejoint le siège début 2000, intégrant le service communication pour bâtir les débuts de la stratégie digitale qui à l'époque correspondait au lancement du e-commerce.

Tout au long de mon parcours, j'ai travaillé avec des passionnés, ce qui est un vrai bonheur au quotidien. Aussi, si des opportunités professionnelles extérieures se sont présentées à moi, je n'ai jamais eu envie de les explorer.

Vous étiez directeur commercial et aujourd'hui directeur général adjoint. Comment s'est passée cette transition ?

D.L : La première difficulté lors de cette transition a été de pouvoir se détacher un peu de l'opérationnel. Pour ma part, j'ai effectué ce changement progressivement. J'ai confié la direction commerciale en division entre les huit directeurs régionaux. Chacun occupait temporairement ce poste pendant 3 mois, avant de passer le relais à son collègue, etc. Pendant un an et demi, tous se sont essayé à la direction commerciale. L'un d'entre eux a émergé du lot et est devenu le directeur commercial "légitime" aux yeux de tous. Cette initiative est intéressante car ce n'est pas forcément celui que j'aurai moi-même missionné pour ce poste. Cette stratégie m'a permis à la fois de ne pas couper net avec le terrain, et de faire monter en compétences chacun des directeurs régionaux.

Et pour vous ?

En ce qui concerne mon changement de poste, j'ai dû changer de positionnement, passant d'une échelle de temps au jour-le-jour à une vision plus long-termiste. Alors qu'auparavant j'étais amené à résoudre les problématiques lorsqu'elles se présentent, j'ai fait désormais quelques pas en arrière pour me repositionner dans un cycle stratégique plus long.

Pour autant, je garde sous mon giron la stratégie commerciale, ce qui m'oblige à faire sans cesse des allers-retours entre temps long et temps court. D'où l'intérêt crucial de garder un pied sur le terrain. Je parviens à visiter chaque année environ deux tiers du réseau de points de vente (une centaine au total).

Pour la partie direction générale, j'ai eu la chance d'être mentoré par Antoine Lemarchand qui a lui-même piloté l'entreprise pendant 12 ans.

Comment trouvez-vous l'inspiration de bonnes initiatives commerciales ?

D.L : Avant tout, je suis à l'écoute des équipes. Très souvent, les bonnes idées viennent du terrain. Les collaborateurs en magasin épongent tous les souhaits des clients, première source d'inspiration. Je remonte ces informations issues du terrain lors des comités opérationnels mais aussi des comités de direction.

Après, j'ai toujours pensé que pour être bon commerçant, il faut être bon acheteur. Ainsi, je suis attentif à mes propres réactions et réflexions en tant que consommateur.

Enfin, particulièrement depuis que je suis directeur commercial, j'entretiens beaucoup mon réseau et participe régulièrement à des rencontres et événements professionnels. Cela me permet de partager de nombreuses idées et d'échanger avec mes pairs d'autres secteurs d'activités, dont je suis les actualités commerciales.

Par exemple ?

J'ai noté notamment la façon dont Décathlon redéveloppe les expériences et activités sportives. Une façon de prolonger l'expérience autour des produits qui a du sens. Autre exemple inspirant : celui de Leroy Merlin, qui entretient le développement d'un tissu artisanal en proposant de mettre en lien ses clients et des artisans de la construction, dépassant ainsi son rôle de "simple" distributeur.

B Corp

Plus de 170 entreprises sont certifiées B Corp en France. Cette certification, créée par l'organisation à but non lucratif américaine B Lab, est lancée en 2006. Aujourd'hui établi dans 78 pays dans le monde, B Corp vise à encourager les entreprises à optimiser leur impact social et environnemental en faveur d'une économie inclusive, équitable et régénératrice.

Selon moi c'est une façon intelligente de donner au commerce un rôle social, ce qui est incontournable aujourd'hui, que ce soit dans le BtoC ou dans le BtoB, où ce genre d'initiatives est aussi transposable.

Nature & Découvertes a été racheté par le groupe Fnac-Darty en 2019, marquant un phénomène de plus en plus fréquent dans l'univers de la distribution. Avez-vous appréhendé ce passage ?

D.L : Nature & Découvertes est une entreprise familiale, longtemps dirigée par son fondateur, François Lemarchand, puis par son fils, Antoine Lemarchand, jusqu'en mars 2021. Tous les collaborateurs y étaient attachés. Le passage à un grand groupe comme Fnac-Darty a suscité des inquiétudes, mais qui ont vite été dissipées. Le groupe continue de donner à la marque les moyens de se développer, y compris dans les départements et territoires d'outre-Mer, là où ne serions pas allés auparavant. Et puis, être rattaché à la Fnac nous permet de toucher une autre clientèle, par l'intermédiaire de shop in shop.

Par ailleurs, en ce qui concerne les équipes commerciales sur le terrain, ma présence a pu en rassurer certains du fait de mon ancienneté, qui représentait pour eux un gage de sécurité.

Comment abordez-vous le digital et le commerce en ligne ?

D.L : Je perçois le digital comme étant une extension de nos magasins, dont les surfaces restent limitées (300 m² maximum). Le web permet de poursuivre le référencement, et de compléter des gammes déjà existantes, vers des produits plus haut de gamme notamment.

Dans cette optique, je crois au dispositif de marketplace, que nous appliquons chez nous à travers une sélection drastique de vendeurs. L'important, pour avoir une stratégie cohérente, est de se fixer des limites et de sélectionner le meilleur parmi les références que l'on recherche, aussi bien en termes de qualité de produits que de relation commerciale (traçabilité des produits, engagements, délais d'expédition...) En ce qui nous concerne, ce peut être par exemple des fabricants de lunettes optiques ou astronomiques haut de gamme, car nous ne pouvons pas tout référencer en magasin.

Cela étant, le digital reste complémentaire aux magasins physiques. Si à une période, certains ont pu redouter la disparition totale des points de vente, nous avons bien vu, aux sorties des confinements, la ruée vers les officines. Je crois en leur nécessité. Cela représente certes un investissement conséquent, mais quand bien même on humanise le digital, rien ne remplace l'expérience vécue en magasin.

Comment envisagez-vous l'expérience client en 2022 ?

D.L : Je tiens à souligner tout d'abord que nous avons un NPS proche de 80. Ce résultat remarquable est, lorsqu'on se penche dans le détail, lié à l'empathie des vendeurs, leur expertise et leur disponibilité. Cette caractéristique de notre force de vente n'a jamais changé depuis que je suis dans l'entreprise, ce qui est une fierté.

Cela ne nous empêche pas d'améliorer l'expérience vécue par les clients en magasin. Aujourd'hui, il est capital de jumeler le produit vendu avec une expérience d'apprentissage. Proposer des activités aux clients participe à "faire la différence".

C'est-à-dire ?

L'idée est de mettre en place des ateliers dans une zone dédiée du magasin, avec la collaboration d'artisans locaux : apiculteurs, couteliers, ostréiculteurs, vignerons etc. Les participants pourront échanger des savoir-faire, tester certaines pratiques, recueillir des conseils. Ces activités pourront être en lien ou non avec des produits vendus dans le magasin. L'objectif est de faire du point de vente un lieu de vie, un lieu d'échange commercial mais aussi de savoir.

Par ailleurs, nous sommes aussi en phase de test sur un nouveau projet d'implication des collaborateurs en magasin dans les référencements. Aujourd'hui, notre offre est développée au siège. Nous testons actuellement l'intégration de produits dénichés par les directeurs de magasins eux-mêmes, à partir de leurs propres recherches sur des artisans locaux.

L'objectif est multiple : ancrer le magasin dans son écosystème local, engager nos collaborateurs, et maintenir le magasin comme étant un lieu unique, et non un concept marketé. C'est là toute la valeur ajoutée du point de vente !

Dates clés

1996 : Directeur adjoint de magasins, Nature & Découvertes

2012 : Directeur commercial et réseau magasins France, Nature & Découvertes

2017 : Directeur général adjoint, Nature & Découvertes

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page