« Je vends du rêve et des paillettes »
Véritable passionné de l'univers du cirque, Jean Arnaud a insufflé un vent de modernité aux méthodes de vente du cirque Pinder. Ses cibles : les comités d'entreprises et les grandes marques agroalimentaires avec lesquels il multiplie les contrats de licence.
Je m'abonne9 : 00 Un an avant Noël, je commercialise les places de la saison parisienne
En ce début d'année, Jean Arnaud, le directeur commercial du cirque Pinder est déjà en pleine phase de commercialisation des places pour Noël… 2006 ! « Nous venons de terminer la saison parisienne, qui s'étend de la mi-novembre à la mijanvier. Le cirque s'installe tous les ans sur la pelouse de Reuilly, dans le bois de Vincennes. Mais je sais que je n'ai que quelques semaines pour boucler commercialement la prochaine période des fêtes de fin d'année. » Jean Arnaud a donc troqué sa caravane-bureau installée à proximité du cirque en saison parisienne, pour retrouver le chemin des bureaux Pinder situés dans un quartier très résidentiel de Sucy-en-Brie (Val-de- Marne). Il s'agit, en réalité, d'un grand pavillon, proche de la résidence de Gilbert Edelstein, le charismatique p-dg du cirque Pinder, où travaillent une dizaine de permanents au milieu de tigres et de lions empaillés, vieilles gloires de la piste aux étoiles... « Cela peut apparaître comme une petite structure, mais dans le monde du cirque, nous sommes les seuls à être aussi professionnels. C'est d'ailleurs, à mon sens, ce qui explique que nous sommes aujourd'hui le premier cirque en termes de fréquentation avec près de deux millions de visiteurs chaque année. »
10 : 00
Je compte multiplier les soirées privatives pour des grands comptes Après avoir relevé ses mails et passés quelques coups de téléphone, Jean Arnaud finalise les négociations avec la marque de champagnes, Nicolas Feuillatte, qui souhaite accueillir le cirque pour une représentation privée à l'occasion de ses 50 ans. « À l'origine, les dirigeants nous avaient contactés pour acheter des places, mais comme cet été nous passons à Reims, près d'Épernay, où ils sont basés, je leur ai proposé de faire un petit détour pour leur organiser des représentations privées sur leur site », sourit le directeur commercial, qui connaît bien le pouvoir magique du “produit” qu'il vend. « Mon meilleur argument de vente, c'est tout simplement le cirque. Voilà pourquoi je n'hésite jamais à inviter des prospects… » Si de telles privatisations demeurent très exceptionnelles, le directeur commercial a comme objectif de développer ces offres personnalisées en 2006.
11 : 00
Je rencontre mes clients lors du Salon des comités d'entreprises Direction Paris. Jean Arnaud se rend au Salon des comités d'entreprise au Cnit de La Défense à Paris. Il s'agit du rendez-vous professionnel le plus important de l'année. En effet, c'est pour lui une vraie occasion de rencontrer les membres des comités d'entreprises de grandes sociétés et d'administrations publiques qui réservent déjà leurs places pour les spectacles de fin d'année. « De la mi-novembre à la midécembre, 75 % du chiffre d'affaires est constitué par les arbres de Noël des comités d'entreprises lors de la saison parisienne. Chaque année, nous sommes en rude concurrence avec beaucoup d'autres lieux d'événements, que ce soient les théâtres parisiens ou encore Disneyland Paris. Mais nous sommes les seuls à offrir un vrai chapiteau de cirque de 5 000 places aux portes de la capitale et à pouvoir assurer jusqu'à quatre représentations par jour », se réjouit le directeur commercial. D'ailleurs, il n'a pas vraiment besoin de mener des opérations de prospection très pointues pour trouver ses clients. « Les grands comités d'entreprise nous les connaissons et ils nous connaissent. Le problème, c'est qu'ils ne peuvent pas venir chez nous tous les ans pour ne pas lasser les salariés de leur entreprise. » Ces clients choisissent le cirque en moyenne une fois tous les trois ans. Au total, il commercialise 250 000 places en B to B durant la saison parisienne, qui représente un peu plus de 20 % du chiffre d'affaires annuel du cirque Pinder.
13 : 30
À l'heure du déjeuner, sandwich au bureau… De retour à son bureau, Jean Arnaud grignote un sandwich au milieu des maquettes des chapiteaux. Le directeur commercial du cirque Pinder ne chapote aucune force de vente terrain, mais travaille tout au long de l'année avec de jeunes étudiants qui suivent un cursus commercial et effectuent leur stage au sein de la société. « Je suis très souvent en déplacement clientèle et n'hésite pas à les emmener avec moi. Ils restent en général une année scolaire avec nous. Pour eux, le cirque, c'est un univers un peu plus “fun” que la banque. Mais ils découvrent souvent que nous travaillons de manière très professionnelle, en enchaînant de classiques rendez-vous clients, le plus sérieusement du monde… Je commercialise un produit artistique, mais je ne suis pas un artiste, je suis un commercial ! »
14 : 30
Je dois monter un podium pour la tournée d'été Début d'après-midi, rendez- vous est pris à l'agence de promotion PMC, à Issyles- Moulineaux (Hauts-de- Seine). Jean Arnaud doit y valider les visuels et le design du podium du “Pinder summer tour 2006”, une tournée publicitaire dans les villes touristiques et stations balnéaires. « Nous négocions avec de grandes marques agroalimentaires pour qu'elles organisent des opérations d'échantillonnage et soient présentes sur le podium. C'est une première cette année. L'idée est de donner une plus grande visibilité au cirque en allant au-devant des vacanciers. Même si la billetterie grand public n'est pas mon domaine, j'essaie tout de même de mettre en place des outils pour booster ce type de ventes. »
16 : 00
De retour au siège, je travaille sur les produits dérivés de Pinder L'image du cirque se vend plutôt bien. « Nous sommes aujourd'hui la seconde marque la plus utilisée en licence après Disney en France », assure Jean Arnaud. Pour des opérations de promotion sur des yaourts, des biscuits, du café ou pour des opérations de vente de licence (productions de camions Pinder par Majorette…), la marque est appréciée des industriels. Ils y voient une solution pour animer les linéaires de la grande distribution. « Ces opérations ne sont pas énormément contributives pour le résultat de l'entreprise, puisqu'elles rapportent près de 150 000 euros par an, alors que le chiffre d'affaires tourne autour des 10 millions d'euros. Reste que c'est un excellent outil d'image qui est au service de notre objectif global. Être reconnus aux yeux du public pour ce que nous sommes aujourd'hui : le dernier grand cirque traditionnel à la française. »
18 : 00
Bientôt, nous lancerons un parc d'attractions Pinder Bienvenue à Pinderland ! Jean Arnaud termine sa journée dans le Gâtinais à 40 kilomètres au sud de la capitale. Le cirque y a racheté une propriété de 120 hectares et a pour projet d'en faire « le premier parc d'attraction sur le thème du cirque en Europe ». Le “château” qui trône au milieu est en cours de rénovation et pourra accueillir des salles de réception pour des séminaires. Il est également prévu d'y construire un chapiteau de 3 000 places, une école de cirque et de dressage, un musée. Mais aussi un centre de retraite pour les animaux du cirque, des restaurants… « C'est un projet sur le long terme qui devrait au mieux aboutir en 2008. Mais il symbolise l'orientation stratégique du cirque Pinder qui cherche à diversifier les sources de revenus tout en préservant l'image d'un grand cirque traditionnel », explique ce passionné qui assure ne pas être un saltimbanque mais « vendre très sérieusement du rêve et des paillettes ».
Le carnet de Jean Arnaud
Une bonne table La table d'hôte à Charenton-le- Pont, à proximité de la pelouse de Reuilly où s'installe le cirque Pinder lorsqu'il est sur Paris. Un artiste « Claude François ! Pas tant pour ses chansons que pour ses spectacles, finalement assez proches de l'univers coloré du cirque. » Un film Itinéraire d'un enfant gâté de Claude Lelouch avec Jean-Paul Belmondo, « un de mes acteurs préférés que j'ai souvent rencontré au cirque ».
Parcours
Rien ne prédestinait ce brestois, fils de médecin, à embrasser la vie des saltimbanques du cirque. « Enfant, j'étais passionné par cet univers. Mais j'ai suivi des études classiques : j'ai passé un DUT techniques commerciales. Mon avenir était tout tracé dans la grande distribution, jusqu'au jour où, en 1985, alors que je terminais mes études, j'ai croisé des Renault 5 estampillées “service commercial Pinder” . Je me suis alors dit que je pouvais peut-être concilier mes deux passions : la vente et le cirque. » Le jeune homme s'engage donc comme commercial chez Pinder et sillonne quatre années durant les routes de France pour vendre de l'espace publicitaire local et des places de cirque… En 1989, on lui confie la partie très stratégique des “arbres de Noël” pour comités d'entreprise, ce qui l'oblige à se sédentariser à Paris. Un poste qu'il ne lâchera plus jusqu'à prendre la tête de la direction commerciale du cirque. Une fonction qui était, jusque-là, occupée par Gilbert Edelstein, l'homme qui a repris et viabilisé l'énorme barnum Pinder.