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Base de données européenne : la belle utopie

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L’Europe des bases de données tient plus du souhait que de la réalité. En dépit des désirs de centralisation des multinationales, les fichiers restent encore nationaux. Ce n’est pas forcément la technologie qui est en cause, mais plutôt la diversité culturelle du vieux continent.

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L’été dernier, nous avons extrait en un quart d’heure les noms et adresses de 5 000 clients européens de Hewlett Packard invités aux matches de la Coupe du Monde de football. Je précise que le système gère 900 gigaoctets, sachant que le quotidien Le Monde est composé de 1/2 gigaoctet, soit 500 000 caractères. Ce système contient 80 000 produits, cinq années d’historique et 43 Mds de $ de commandes annuelles dans 120 pays. Il répond à 40 000 requêtes par mois environ émises par 125 000 utilisateurs." Cette avalanche de chiffres énoncés par Patrick Condamin, responsable relation client chez Hewlett Packard, ferait rêver le plus blasé des hommes de marketing. Ils sont en effet nombreux à souhaiter transposer cet exemple à l’échelle du vieux continent. À l’heure où les frontières économiques de l’Union européenne s’effacent, et où les fusions de sociétés s’accélèrent, il serait logique de centraliser ou au moins d’homogénéiser les données clients. L’intérêt est avant tout économique, car l’administration de bases dispersées est coûteuse. Les entreprises espèrent aussi améliorer leur connaissance du client grâce à des informations et des tableaux de bord comparables d’un pays à l’autre. D’ores et déjà les prestataires s’organisent pour mener des projets transfrontières, notamment AID France qui s’est rapproché de TCG Europe (The Computing Group, groupe Omnicom). "Nous souhaitons répondre à des offres pan-européennes, confirme Olivier Coppet, pdg d’AID. Le but n’est pas tant de fusionner des données, que de mettre en place des outils d’exploitation communs." L’idée est d’autant plus séduisante que la technologie semble répondre aux besoins de stockage de volumes importants. "Les gros systèmes types, DB2 ou UDB2 pour Universal Databases, sont fiables à 99,99 %. Le risque de non disponibilité est chiffré à huit minutes par an. La centralisation de l’information facilite son administration. Il est plus facile de mettre à jour les logiciels sur un seul système que sur 2 000 postes installés en Europe, assure Frantz de Rycke, chef produit data management pour l’Europe de l’Ouest chez IBM. Dans le cas inverse de solutions clients-serveurs, (les utilisateurs se connectent à distance à la base), l’éloignement n’est plus un problème, compte tenu des progrès des télécommunications." Mlle ou Miss ? Rue ou street ? Voici pour la théorie, mais en pratique on trouve très peu de bases de données européennes dignes de ce nom. "Les groupes précurseurs sont rares. On peut citer effectivement Hewlett Packard, Microsoft et IBM. La grande distribution européenne et même les compagnies aériennes possèdent encore des bases très nationales, qui ne communiquent pas forcément entre elles", précise Graham Rinds, spécialiste en base de données, proche de la Fedma (1). Le premier frein à la centralisation est historique. "Les filiales des différents pays ont construit des bases sans souci d’harmonisation, précise Denis Bied-Charreton, directeur du département micro-marketing d’Experian. Du coup, la remise à plat impose un management fort et des investissements considérables." Au-delà de l’hétérogénéité des bases de données, il existe tout simplement la diversité culturelle de l’Europe. On ne met pas facilement "en boîte", des langues, des mentalités et les législations issues de plusieurs siècles d’histoire. "Il nous faudrait quatre heures pour énumérer les différences, suggère avec un humour très britannique Graham Rinds. On peut tout de même citer les problèmes d’alphabets latins ou grecs (les accents sont inconnus en langue anglaise par exemple), les choix entre majuscules et bas de casse, les différences d’adresses, l’ordre du nom et du prénom, les titres honorifiques, etc. Face à une telle diversité, il est délicat d’imposer des standards." Encore faut-il ajouter les différences de législations concernant la protection de la vie privée : "Chaque pays a ses principes sachant que l’Allemagne et la France sont les plus strictes. À la différence de la Grande-Bretagne, où il est possible de fusionner les fichiers. D’une façon générale, les consommateurs anglais sont plus réceptifs. Ils fournissent facilement des informations", commente Denis Bied-Charreton. Concernant la législation, Graham Rinds se montre cependant optimiste, persuadé de la volonté d’unification de la communauté européenne. Au final, on se rend compte que pour encore de nombreuses années, les bases de données nationales vont coexister sans forcément communiquer entre elles. "Les grands groupes réfléchissent à la centralisation, assure Denis Bied-Charreton. Mais pour l’instant cela tient plus de la pétition de principe que de la réalité." Ce n’est donc pas demain qu’un même mailing unique sera envoyé à toutes les Européennes de 20 ans, adeptes de techno, d’internet et de voyages. Et d’ailleurs, faut-il le souhaiter ? (1) Fedma : Federation of European Direct Marketing.

"Une base de données européenne évite de financer plusieurs fois le développement d’un outil dans chaque pays. Elle facilite des reporting comparables. Lorsque les données ne sont pas homogènes, les tableaux de bord ne le sont pas non plus.C’est handicapant pour la prise de décision." Laurent Blaizot, directeur général adjoint de Wunderman Cato Johnson. Les entreprises cherchent à mettre en place des bases de données européennes. C’est en B to B qu’elles ont le plus de facilité, car les bases sont moins volumineuses et bien renseignées. Mais elles se heurtent à deux types d’obstacles. 1. Les éléments spécifiques tels que les noms, les adresses varient d’un pays à l’autre. 2. Il n’est pas aisé de prendre en compte les différences de législations pour les collaborateurs extérieurs tels que les commerciaux qui doivent alimenter la base de données. Ils peuvent inconsciemment enfreindre la loi.

"Quelle a centralisé ses bases de données françaises, allemandes, espagnoles, belges et portugaises à Orléans, afin de réaliser des économies d’échelle et d’assurer la fiabilité du suivi logistique. Cela facilite aussi la location de fichiers." Olivier Jonckheere, directeur commercial de la structure Profils Quelle pour le vépéciste Quelle. Il existe des standards concernant les numéros de clients et de factures, par exemple. De la même façon, les achats et la gestion des stocks sont communs. En revanche, il est très délicat de croiser les données des différentes bases clients. Il n’est d’ailleurs pas d’actualité de rapprocher ces bases nationales. On n’élabore pas d’études sur nos clients européens. On est loin d’un traitement uniforme.(...) À terme, cette base de données va encore se développer, tout en restant centralisée le plus possible.

Cinq règles d’or sur les BDD européennes 1. Il faut s’interroger sur la pertinence d’une base de données européenne. Ses avantages : réduction des coûts de mise en place et de gestion, économie générée sur l’édition et le routage, facilité du suivi et du reporting. 2. La réflexion doit continuer sur le type d’informations qu’il est nécessaire de rechercher et de conserver, sachant qu’il n’existe pas de standards européens. 3. Il s’agit ensuite de sélectionner les bons outils informatiques. Il faut anticiper sur les besoins en stockage, mais aussi sur les outils de gestion de la base. 4. Les disparités de législations européennes constituent autant de pièges. Les collaborateurs qui travaillent sur différents pays doivent être tenus au courant des restrictions nationales visant à protéger la vie privée des individus. 5. On ne peut faire l’impasse sur les spécificités des cultures locales. Les opérations de marketing direct pan-européennes sont délicates. D’autant qu’un mailing posté en Grande-Bretagne peut inquiéter un prospect belge ou français.

 
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Marie Nicot

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