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Les adolescents : des tribus multiples

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Ils sont difficiles à cerner, à cibler et à fidéliser : s’adresser aux adolescents n’est pas un exercice simple. Pourtant, si ces consommateurs disposent d’un pouvoir d’achat direct relatif, ils constituent les clients de demain. Pour les séduire, il faut concocter un savant mélange d’émotions, de qualité et de prix.

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Ado, qui es-tu ? Nombre de services commerciaux et marketing aimeraient bien avoir la réponse à cette question. Car l’adolescent n’est pas le seul à essayer de se comprendre. Les marques aussi tentent de cerner ses motivations, de comprendre ses attentes et d’anticiper ses envies. “Traditionnellement, l’adolescence était un mauvais moment à passer, aux alentours des 12-13 ans. Aujourd’hui, ce n’est plus une étape mais un état, depuis l’entrée au collège qui marque une révolution en terme de rapports aux autres et à l’école, jusqu’au départ de chez les parents qui peut aller jusqu’aux 25 ans”, explique Joël-Yves Le Bigot, président de l’Institut de l’enfant. Plus qu’en terme d’âge, c’est ainsi en terme de comportements que l’on peut définir l’adolescent. “L’adolescence est une phase de quête. Du coup, concernant les achats, on est très réfléchi : on discute, on hésite. Car acheter, c’est s’affirmer”, précise Joël-Yves Le Bigot. Consommateurs attentifs, les jeunes disposent d’un certain pouvoir d’achat. À l’argent de poche reçu mensuellement, qui s’élève en moyenne à 160 F, il faut ajouter les sommes offertes lors des anniversaires, des fêtes de fin d’année ou des bons résultats scolaires qui atteignent un montant de 6 000 F environ par an. Alors que les enfants ont un très fort pouvoir de prescription, celui des adolescents est plus diffus. “Il n’est plus nécessaire qu’ils demandent certains produits, comme l’alimentaire ou les biens de consommation, car les parents savent d’emblée ce qu’ils aiment, explique Cécile Velasco, directrice associée du cabinet conseil Junior City. Par contre, ils donnent leur avis sur les biens d’équipement familiaux comme la décoration et ils sont décisionnaires sur les produits techniques comme l’informatique. Ils achètent directement eux-mêmes ce qu’ils aiment et ce qui se trouve à portée de leur budget : les vêtements, les achats de loisirs, et les produits "interdits" comme le tabac et l’alcool.” Les univers de l’adolescence Certains univers indéniablement concernent les adolescents : la musique, le sport, le cinéma, le high-tech leur sont communs à tous. D’autres activités peuvent en profiter : pour attirer les plus jeunes vers ses produits bancaires, la BNP par exemple, en partenariat avec Go Sport et Vittel, propose le Club du Sport : pour les moins de 16 ans, le compte Jeans Sport ou le livret Jeunes Sport est associé à une carte de retrait. Une gamme plus complète est disponible pour les 16/25 ans, avec un accès aux comptes sur un site internet dédié. Pour cibler les adolescents, la référence à certaines activités est à préférer. Cependant, il faut se méfier des généralités. Au-delà de grandes tendances, la population est extrêmement segmentée. “On associe souvent les adolescents à la glisse, remarque Cécile Velasco. Cependant, l’univers qui va avec n’est pas uniforme : en interrogeant des jeunes, on se rend compte qu’il y a un univers de la glisse urbaine lié à la musique rap qui est différent de celui de la glisse aquatique associée au reggae, tandis que la glisse des neiges se réfère plus à la musique techno.” La marque-reine Pour viser les jeunes, il faut ainsi proscrire stéréotypes et caricatures. Les adolescents fonctionnent en tribus, bien différentes des groupes de consommateurs type. Tenter de les repérer est peine perdue. “Cette population peut faire peur, remarque Cécile Velasco. C’est ce qui explique sûrement le petit nombre de produits spécifiquement ados.” Le prix et la qualité sont des éléments différentiateurs. Leurs premiers achats concernent en général des produits peu chers, mais un prix élevé les fait parfois rêver. “Si une marque est galvaudée, elle donne moins envie, explique Cécile Velasco. On remarque en fait chez eux une typologie des marques : ils en apprécient certaines parce qu’elles leur sont accessibles et qu’elles offrent une qualité satisfaisante. Ils citent ainsi Pimkie ou Zara. D’autres ont leurs préférences pour leur qualité de marque mythe ou de prestige. L’essentiel étant que la marque soit proche d’eux, qu’elle continue à les émouvoir et qu’elle porte une philosophie, un choix de vie. C’est le cas du "Just do it" de Nike.” Le succès auprès de la cible des jeunes dépend ainsi d’un savant mélange d’émotions et de valeurs d’échange, de confiance et d’avenir. Tout en évitant les discours trop sérieux : l’humour et la communication décalée sont de mise. Le spécialiste des plats cuisinés Covi compte sur cet effet pour imposer auprès de son public familial sa nouvelle marque, Paul & Louise. Pour la première signature de la marque qui porte sur les plats exotiques, la société a voulu se faire remarquer des moins de 25 ans. La publicité télévisée, imaginée par l’agence Image Force, repose sur le slogan “Paul & Louise, éleveur de jeunes”, une référence aux spots classiques de nourriture pour animaux. “L’objectif de la communication était de signaler la présence de la marque auprès des plus jeunes, en sachant que si ce sont les parents qui achètent, ce sont les adolescents qui consomment”, précise Jacques Chapeau, le responsable marketing du groupe. Favoriser le bouche à oreille Une autre bonne manière de véhiculer son message est d’associer une personnalité sportive ou artistique à son nom. En fait, l’apprentissage de la marque doit avoir lieu dans l’univers quotidien de l’adolescent. Plus une marque est proche de lui, plus il l’apprécie. Première approche : leurs lieux de vie. L’école, le lycée, le cinéma, les centres commerciaux, les transports en commun sont autant d’espaces à investir, à travers des campagnes d’affichage adaptées ou des opérations terrain. Cela peut passer par la distribution d’échantillons ou l’organisation de démonstrations à la sortie du lycée, comme par des partenariats avec les bureaux des élèves ou les associations sportives. “Le média favori reste le bouche à oreille”, rappelle Cécile Velasco. D’après Consojunior, l’étude de Secodip (voir encadré), quand on demande aux 11/19 ans ce qu’ils aiment faire, ils répondent à 94 % discuter, à 90 % défendre leurs idées, et à 84 % faire des fêtes et organiser des réunions avec des amis. C’est au sein de ces échanges que les réputations de marque et les modes se font et se défont. C’est pourquoi la radio, média de proximité et d’échanges, peut s’avérer plus porteur que la télévision. Des stations comme Sky Rock, NRJ ou encore Fun Radio sont écoutées essentiellement par les adolescents, tandis que la télévision assure une audience beaucoup plus large. Une autre piste est celle de la presse écrite. Les journaux dédiés aux plus jeunes, comme par exemple Jeune et Jolie pour les filles, ne sont pas à négliger. Mais si la marque véhicule par exemple des valeurs sportives, il faut s’intéresser de près à la presse spécialisée sur une activité qui génère un lectorat parfois moins important mais plus captif. Enfin, internet n’est pas à oublier. De plus en plus de marques créent des sites spécifiques pour le lancement d’un produit. L’interactivité du web offre un bon moyen pour fidéliser la cible des adolescents, par nature à l’affût des nouveautés. Sega l’a bien compris : sa nouvelle console de jeu, la Dreamcast (cf. témoignage), est associée à un site internet accessible uniquement via la machine. Le dialogue avec la marque et entre les joueurs est ainsi privilégié. Pour se découvrir eux-mêmes, les adolescents ont besoin de discuter avec leurs pairs. Les marques doivent appliquer la même recette.

“Nous distribuons les films Disney, tels que Tarzan. Notre problématique : comment faire pour attirer les adolescents vers des produits enfants. La seule façon de fédérer l’adolescent, c’est de lui faire croire que c’est lui qui choisit.” Jean de Rivières, directeur marketing de Gaumont Buena Vista International Pour inciter les adolescents à aller au cinéma voir Tarzan, Gaumont Buena Vista International a organisé des opérations terrain. “Début novembre, c’est-à-dire quinze jours avant la campagne enfants, nous avons fait une tournée des multiplexes, en partenariat avec Sony Playstation. Des simulateurs de vols Tarzan ont été placés dans les cinémas, entourés d’aires de skate-board et d’animations.” Quand il s’agit de lancer un produit déjà existant, c’est la campagne de communication qui fait la différence. “Il faut parler leur langage sans "faire jeune". On peut créer un site internet dédié au film, utiliser l’affichage en bus et métro, en périphérie urbaine à proximité des multiplexes, et aussi travailler les relations presse.”

“Les adolescents décortiquent très bien le marketing : ils savent qu’on veut leur vendre quelque chose, mais ils ont envie de se laisser convaincre. La notion de marque est très importante à développer, associée à des valeurs fortes, comme l’échange et le on line.” Philippe Renaudin, directeur marketing de Sega France. Sega a lancé officiellement sa nouvelle console, la Dreamcast, le 14 octobre 1999. Bien avant le lancement, des actions de proximité ont visé le cœur de cible de la marque, les garçons de 15 à 24 ans. “Nous avons par exemple organisé une tournée d’été dans les boîtes de nuit, avec des présentations du produit sur grand écran, l’habillage des lieux, et des concours. Le tout associé à un merchandising, des bobs, des sacs DJ ou encore des tee-shirts, version garçons et filles.” Autres outils de communication et de fidélisation importants pour Sega : le magazine officiel Dreamcast, édité en partenariat avec M6 Éditions, et le site web, accessible uniquement par la console de jeu.

“Les jeunes représentent plus d’un tiers de la clientèle. Il faut faire attention aux discours jeunes ou miroirs, aussitôt rejetés par les adolescents. Il ne faut pas les étiqueter. L’humour, le décalage fonctionnent très bien auprès d’eux.” Philippe Neveu, responsable marketing des offres grand public SFR de Cegetel Depuis le début du mois d’octobre et jusqu’à la mi-janvier, tous les packs sont vendus à moitié prix pour les étudiants et les lycéens. “Nous voulons ainsi leur permettre de monter en gamme. Les adolescents veulent être considérés comme des adultes. Ils voudraient du forfait mais ne disposent pas toujours du budget.” Cegetel organise en ce moment les “Festhiver”, une tournée des stations de ski avec des animations, certaines dédiées aux jeunes, avec un relais dans les facultés et les lycées par l’intermédiaire des bureaux des élèves.

Ce qu’il faut retenir -Les 11/19 ans reçoivent en moyenne 161 francs d’argent de poche par mois*, auxquels s’ajoutent des sommes perçues à l’occasion des anniversaires, de Noël, d’un service rendu ou de bons résultats scolaires. 87 % d’entre eux déclarent avoir de l’argent en banque (5 800 F en moyenne.) -La marque est un repère pour 27 % des 11/14 ans, 30 % des 15/17 ans, et 33 % des 18/19 ans. La marque est un emblème que l’on aime montrer pour 26 % des 11/14 ans, 20 % des 15/17 ans, et 9 % des 18/19 ans. -L’apprentissage de la marque doit avoir lieu dans l’univers quotidien de l’adolescent. Le média favori reste le bouche à oreille. -Le succès auprès de la cible des jeunes dépend d’un savant mélange d’émotions et de valeurs d’échange, de confiance et d’avenir. *Chiffres tirés des résultats intermédiaires de l’étude Consojunior de l’institut Secodip. En mars et en mai 1999, 2 400 questionnaires, à chaque fois, ont été envoyés auprès d’enfants de 2 à 19 ans.

 
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L. Deschamps

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