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Les start-up à la découverte de la dure loi de la jungle

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Boo, Dressmart, Clust, etc. La liste des start-up en faillite s’allonge dangereusement ces dernières semaines. Petit coup de froid passager ou véritable remise en cause du e-commerce ? Ce qui est certain, c’est que les sociétés de la nouvelle économie payent les excès des mois précédents où, à force de vouloir rouler plus vite que les autres, certaines sont allées droit dans le mur.

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Gilles Scotto, pdg fondateur de startupavenue.com, observatoire des tendances de la nouvelle économie. « C’est le retour de manivelle, nous sommes dans le creux de la vague. Nous ne pouvons que remonter, revenir à un équilibre qui se situe entre les excès du passé, où tout était trop facile, et ceux d’aujourd’hui, où tout est trop compliqué ! » Je suis certain que les faillites actuelles ne remettent pas en cause le commerce électronique de manière générale. C’est le changement d’attitude des investisseurs qui est à l’origine de ce coup de froid. Aujourd’hui, parce qu’il y a des craintes sur les marchés financiers, les capital-risqueurs veulent des profits rapides, ce qui ne laisse pas leur chance à des sociétés dont le business-model ne prévoit des résultats que dans trois ans. Autre phénomène : plus personne ne veut faire de capital d’amorçage. Les investisseurs attendent le deuxième ou le troisième tour de table avant de s’engager. Ils veulent d’abord vérifier que l’entreprise est viable, qu’elle a déjà une certaine forme de rentabilité. Évidemment, cela pose des problèmes aux start-up qui ne peuvent plus se financer et, à terme, cela remet en selle l’économie traditionnelle. L’entreprise classique qui a les reins assez solides pour développer son activité sur le web sans se soucier des investisseurs possède une chance énorme. Par ailleurs, je pense qu’il y a eu des excès des deux côtés : les investisseurs qui ont mis de l’argent dans n’importe quoi en pensant faire fortune, et certaines start-up qui ont dépensé cet argent à très mauvais escient, dans l’achat d’une BMW de fonction plutôt que dans le recrutement d’un collaborateur efficace, par exemple… C’est le retour de manivelle, nous sommes dans le creux de la vague. Nous ne pouvons que remonter, revenir à un équilibre qui se situe entre les excès du passé, où tout était trop facile, et ceux d’aujourd’hui, où tout est trop compliqué ! Luc Carton, consultant indépendant, fondateur du site emarket newsletter.com « Il est certain que lorsque dix start-up sont sur un créneau manifestement trop étroit pour un aussi grand nombre d’acteurs, cela occasionne de la casse : certaines entreprises meurent ou sont rachetées. » Il faut voir plusieurs causes dans les faillites de start-up. D’abord, il est bien évident que certains modèles de commerce électronique n’ont pas assez de clients pour survivre, c’est le cas, par exemple, de l’achat groupé, qui ne marche pas, en tous cas pour l’instant. C’est lié à un problème de maturité des marchés. Ensuite, certaines faillites sont dues à la consolidation d’une niche de marché. En effet, il est certain que lorsque dix start-up sont sur un créneau manifestement trop étroit pour un aussi grand nombre d’acteurs, cela occasionne de la casse : certaines entreprises meurent ou sont rachetées. Je pense que ce phénomène va s’accentuer dans les prochains mois dans des secteurs comme les enchères en ligne ou le tourisme. Enfin, je crois que certaines entreprises n’ont pas su adapter leur structure de dépenses à leur structure de recettes. Certaines ont consommé trop d’argent tout de suite, sans doute par manque de maturité des équipes dirigeantes : on ne s’improvise pas responsable d’entreprise, surtout quand, comme sur le Net, il faut savoir maîtriser des métiers aussi différents et compliqués que la logistique, la distribution, le call-center, etc. Je dirais donc que les faillites d’aujourd’hui sont explicables, c’est un rééquilibrage bénéfique. Pourquoi ? Parce que cela va permettre d’accélérer les choses : les start-up qui ont un business-model viable et qui manquent de cash seront rachetées par des entreprises traditionnelles qui ont de gros moyens. Cela va décupler la puissance des sites marchands. C’est pourquoi, non seulement les faillites actuelles ne remettent pas en cause le e-commerce, mais en plus, paradoxalement, elles contribuent à son développement. Le commerce sur internet est une réalité, et ceux qui ne s’y mettent pas disparaîtront, j’en suis profondément convaincu. Bertrand Bathelot, professeur en école supérieure de commerce et fondateur du site abcnetmarketing.com. « Le commerce électronique B to B est beaucoup plus rentable que le B to C. En grand public, on peut, en effet, se demander si la vente sur internet n’est pas simplement un canal de distribution. Je ne suis pas sûr que le B to C prenne tant d’importance qu’on le croyait. » Les faillites de start-up remettent en cause certains modèles de commerce électronique dont on voit qu’ils sont difficilement viables. Ce sont, par exemple, les sites d’achats groupés ou les communautés thématiques. Pour ces dernières (portails féminins, sites animaliers, etc.), on a surestimé leur capacité à transformer de l’audience en chiffre d’affaires. On s’est lourdement trompé sur le montant des revenus publicitaires qu’on pouvait en escompter et sur la capacité à faire acheter. La plupart de ces sites communautaires vont disparaître, il y aura un phénomène d’élimination naturelle et, dans chaque domaine, il n’en restera qu’un ou deux. Je crois que, de manière générale, le commerce électronique B to B est beaucoup plus rentable que le B to C. En grand public, on peut, en effet, se demander si la vente sur internet n’est pas simplement un canal de distribution supplémentaire plutôt qu’une nouvelle forme de commerce, comme on l’a répété il y a quelques mois. Je ne suis pas sûr que le B to C prenne tant d’importance qu’on le croyait : d’ailleurs, nous, les professionnels d’internet, n’achetons finalement pas énormément sur le web alors que nous y sommes très sensibilisés. Pour les entreprises, c’est différent : il y a un véritable intérêt à se servir du web pour faire des économies d’argent et de temps. En fait, je pense que dans l’euphorie ambiante de la fin de l’année dernière, start-up et investisseurs ont perdu beaucoup de recul. Ce qui s’opère actuellement, c’est un simple retour à plus de rationnalité ! Mathieu Roche, analyste des marchés internet à startupavenue, incubateur B to B. « Les faillites qui se multiplient étaient inévitables. Il y a eu trop de comportements moutonniers. Il était impossible de tenir à ce rythme et on assiste actuellement à un écrémage bienvenu. » D’après moi, les faillites ne remettent pas en cause le commerce électronique de manière générale, mais simplement des modèles lorsqu’ils sont trop dépendants de la publicité indispensable pour exister. La véritable problématique sur le web est celle-ci : il faut réussir à construire une marque. Et aujourd’hui, en partant de rien, c’est extrêmement compliqué d’y parvenir, surtout en grand public où, par définition, il s’agit de toucher beaucoup de monde, ce qui passe par des dépenses publicitaires énormes. Or, cela devient encore plus complexe depuis le mini-krach boursier, car les investissements diminuent pour certaines start-up, les sites ne peuvent donc plus s’offrir la pub nécessaire à la création de leur marque. Résultat : ils font faillite. Dans le B to B, la situation est différente : on trouve encore de l’argent sans problème car, souvent, ces sites sont positionnés sur une niche où il est relativement facile de trouver des clients avec des investissements raisonnables, ce qui est évidemment impossible en B to C. Les faillites qui se multiplient étaient inévitables. Il y a eu trop de comportements moutonniers. Il était impossible de tenir à ce rythme et on assiste actuellement à un écrémage bienvenu.

Ce qu’il faut retenir l Les faillites actuelles touchent surtout des start-up qui travaillent en B to C, un secteur qui demande beaucoup d’investissements pour réussir à créer une marque et donc à être reconnu. l Dans le B to C, elles touchent surtout certains modèles de commerce électronique dont on a surestimé les possibilités (achats groupés, enchères, sites communautaires, etc.). l Il y a trop d’acteurs sur des marchés de niche : les faillites sont donc une consolidation naturelle. l La responsabilité est partagée entre capital-risqueurs et dirigeants de start-up : les premiers ont pensé qu’il était possible de faire fortune dès qu’il s’agissait d’internet, les seconds ont parfois dépensé l’argent à tort et à travers avec un manque évident de maturité.

 
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Propos recueillis par Frédéric Thibaud

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