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Marketing de la nuit. Prospecter la nuit pour vendre le jour

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Pister les noctambules permet de se construire une image décontractée et branchée auprès d’une clientèle qui consomme beaucoup. Sur fond de communication décalée.

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Outre les traditionnelles marques d’alcool, de plus en plus d’entreprises se lancent dans des actions de marketing la nuit. Pour cela, elles n’hésitent pas à aller directement à la rencontre de leur cible sur le lieu même de ses loisirs, à l’instar du constructeur automobile de la Mini ou du portail Internet Caramail, qui n’apparaissent pas comme étant particulièrement “légitimes” dans cet univers. Si elles le font, c’est parce que cela rapporte. D’abord, en terme d’image. Ensuite, financièrement : la nuit peut se révéler stratégique pour une entreprise dont la moyenne d’âge de la cible se situe entre 15 et 45 ans.

1/Une cible qui consomme

Pour une marque, la nuit est assurément un moment particulier. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les résultats des études annuelles de L’Observatoire de la nuit : 38 % des noctambules affirment que la nuit les incite à faire des achats déraisonnables en prix (pour 78 % d’entre eux) et en quantité (pour les autres). C’est la raison pour laquelle Kronenbourg, par exemple, organise régulièrement des soirées pour deux de ses marques de bières, Beamish, l’irlandaise, et Foster’s, l’australienne. « Nous mettons en place des soirées à thème dans des pubs ou des bars branchés, au cours desquelles nous vendons massivement ces marques », explique Marc Bandelier, directeur des marques de tradition et de spécialités chez Kronenbourg. Or, il s’est avéré que les ventes réalisées dépassaient largement le cadre de la soirée. « Un client qui passe un bon moment dans une ambiance sympathique aura envie de retrouver le même produit plus tard, chez lui, et en journée, affirme le porte-parole de Kronenbourg. De fait, la nuit nous permet d’ancrer un mode de consommation diurne et, ainsi, d’augmenter les ventes. » Autrement dit, aller à la rencontre d’une cible la nuit, représente un véritable investissement marketing. Partenaire des Eurockéennes de Belfort, Lipton Ice Tea est disponible dans tous les bars du festival. En trois jours, la marque écoule 30 000 bouteilles. « C’est un excellent résultat, qui nous permet, grosso modo, d’équilibrer notre investissement, analyse Gilles Galoux, chef de groupe Lipton Soft Drinks. Mais il faut mesurer les retours à plus long terme. En moyenne, un festivalier sur trois a consommé notre boisson. Nous savons que, dans cette proportion, un certain nombre d’entre eux se rendront en supermarché pour en acheter ou qu’ils en consommeront, en journée, dans les cafés. » C’est cette particularité qui fait des noctambules une cible des plus intéressantes pour les marques de loisirs. « La nuit, les clients adoptent un comportement plus ouvert, basé sur la décontraction et le plaisir, explique Benjamin Gratton, directeur associé du cabinet d’études Opinion Way. Une marque présente dans cet univers a plus de chances de s’attirer la sympathie. »

2/Cibler les prescripteurs

Non seulement les noctambules consomment – beaucoup – , mais ils font également consommer. C’est pourquoi les entreprises qui ont une démarche de marketing nocturne visent essentiellement ceux que l’on appelle les leaders d’opinion. En effet, cette cible, restreinte, a la particularité d’être branchée, “tendance” et, parfois, médiatisée, ce qui fait d’elle un excellent relais pour une marque. L’exemple le plus frappant ? Celui de la Mini, la petite voiture au look si reconnaissable que BMW a rachetée pour en faire un véhicule urbain haut de gamme. « Nous sponsorisons des soirées événementielles, raconte l’un des responsables marketing. Par exemple, nous mettons à disposition d’invités triés sur le volet des véhicules avec chauffeur pour aller les chercher à leur domicile. » Des soirées qui se déroulent dans les lieux “hype” de la Capitale et des événements dont on sait qu’ils auront des retombées dans la presse. Mini a ainsi été partenaire de la célèbre discothèque Les Bains Douches, à l’occasion de la semaine des défilés de mode. « Bien entendu, commente-t-on chez le constructeur automobile, l’objectif n’était pas de vendre des voitures à ceux qui étaient présents, mais de véhiculer une image de marque grâce à des VIP. Le monde de la nuit permet de toucher des prescripteurs et c’est notamment pour cette raison que nous sommes là. » Chez Kronenbourg, le discours est identique. Certes, l’objectif premier de ces soirées est de vendre, mais il s’agit également de réaliser des opérations de relations publiques. « Pour la bière Foster’s, par exemple, nous avons organisé des événements dans des lieux parisiens branchés comme le Man Ray, ou bien chez les Guetta, au Pink, commente Marc Bandelier (Kronenbourg). Il y avait là quelques vedettes du spectacle et de la télévision, ce qui nous a assuré des retombées médiatiques importantes. » Le monde de la nuit est donc un vecteur d’image essentiel, qu’exploitent certaines marques, même celles dont la légitimité à se trouver dans ces lieux est un peu moins évidente. C’est typiquement le cas de Caramail. Tous les deux mois environ, le portail communautaire met sur pied des soirées dans des discothèques essentiellement parisiennes. Les thèmes sont aussi divers que les cinq millions d’abonnés aux services Caramail : cela va de la soirée salsa à l’anniversaire des cinq ans du site au Planète Hollywood, en passant par une soirée Lara Croft. « L’objectif est que nos invités viennent accompagnés d’une personne qui ne connaît pas encore Caramail, précise Orianne Garcia, la directrice générale en charge du marketing et de la communication. Nous pensons, en effet, que les membres actuels sont nos meilleurs prescripteurs pour recruter de nouveaux abonnés. » On pourrait cependant parfaitement imaginer des actions de parrainage plus classiques. Mais il semblerait que cela soit moins efficace. « Les nouveaux venus prennent ainsi conscience du poids de la communauté et se rendent mieux compte de l’ambiance jeune et sympathique », argumente la directrice générale.

3/Communiquer différemment

Pour que la nuit demeure un univers intéressant à tous points de vue, il est indispensable que l’entreprise adapte sa communication. On ne s’adresse pas à un client la nuit de la même façon que le jour, parce que les univers sont radicalement différents. « La nuit, confirme Benjamin Gratton (Opinion Way), il faut des campagnes marketing clin d’œil, décalées et basées sur l’humour. Nous sommes, en effet, dans un univers où l’on cherche à mettre en évidence la personnalité des marques, à montrer qu’il y a une proximité avec le consommateur. » Ainsi, un opérateur de téléphonie mobile devra bannir tout aspect commercial – options tarifaires, conditions techniques, etc. – et recentrer sa communication sur les valeurs que la marque souhaite véhiculer et sur son univers. « La nuit, le client, qui se trouve dans un lieu de détente et de loisirs, ne veut pas être confronté à des réalités financières », affirme le porte-parole d’Opinion Way. Ce concept, la marque Mini l’a fort bien intégré : la nuit, le constructeur automobile ne communique jamais sur les caractéristiques techniques de ses voitures. « Nous sommes là pour faire passer “l’esprit Mini”, explique le responsable marketing de la marque. Un esprit que l’on peut résumer en quelques mots : différenciation, plutôt parisien, branché, un peu “bobo” (pour bourgeois-bohème, ndlr), etc. Nous nous adressons donc à cette cible avec un message non-commercial. Il ne faut surtout pas faire de matraquage en mettant en avant des prix ou des performances. L’objectif est de montrer que rouler en Mini, c’est un art de vivre, une manière d’être. » Si la nuit permet de communiquer différemment et avec une plus grande proximité, c’est parce que la marque va à la rencontre de sa cible en s’insinuant dans son mode de vie. Pour les Eurockéennes de Belfort, par exemple, Lipton Ice Tea a mis en place un “espace lounge” aux couleurs de la marque afin que les festivaliers puissent se reposer. « C’était un endroit cosy, relate Gilles Galoux, composé de fauteuils confortables pour accueillir les gens qui avaient envie de discuter tranquillement. Des massages étaient même offerts et des jeux, proposés – comme la surf machine ou du beach volley. » Une manière décalée de communiquer sur la boisson ? Oui, mais à bien y regarder, pas tant que cela. Car, l’espace lounge véhicule des valeurs telles que la vitalité, l’optimisme, la convivialité et l’écologie, qu’il est plus difficile de faire passer le jour ou via une publicité classique. « La nuit, si l’on veut activer une image de marque qui sera perçue à travers l’ambiance de l’événement, il faut apporter une véritable animation, analyse le porte-parole de Lipton, et ne pas se contenter de placer quelques affiches. » Parce que cette opération est un succès, Lipton Ice Tea la réédite en étant partenaire d’une tournée MTV (la chaîne musicale, ndlr) à laquelle sont conviés de prestigieux DJ’s. « Pour cette édition, nous allons mettre en place un espace de détente et de relaxation avec de la musique douce et des massages shiatsu. Nous souhaitons créer une ambiance qui contraste totalement avec celle, bruyante, de la soirée. » Dès lors que la marque prend soin de ne pas démarcher sa cible de manière agressive, toutes les animations sont possibles. Chez Caramail, par exemple, on a choisi le registre de la convivialité et de l’humour : « Tout le monde vient pour faire la fête, explique Orianne Garcia. Pour la prochaine soirée, nous avons prévu d’offrir des préservatifs aux couleurs du site. » Une originalité qui illustre un autre aspect essentiel du marketing de la nuit : faire de petits cadeaux aux noctambules, un incontournable. Outre les traditionnels – mais toujours appréciés – stylos, briquets et autres tee-shirts, on peut aussi proposer des voyages, à l’instar de Kronenbourg qui fait gagner des séjours en Australie pour sa marque Foster’s. Décidemment, rien n’est trop beau pour des clients qui sont de gros consommateurs et d’importants prescripteurs !

Avis d’expert

Benjamin Gratton, directeur associé d’Opinion Way, institut d’études marketing concepteur de L’Observatoire de la nuit « La nuit, un média d’image » L’univers de la nuit est intéressant car le public est plus réceptif à la communication. « De plus, ajoute Benjamin Gratton, la nuit est encore très peu exploitée par les entreprises. Sauf, bien sûr, par celles qui ont toute légitimité à le faire parce qu’elles évoluent naturellement dans cet univers, comme les marques d’alcools blancs. Pour les autres, il reste des places à prendre ! » Mener des actions de marketing la nuit peut même se révéler stratégique dès lors que la cible visée se situe entre 15 et 34 ans. « Nous avons posé la question suivante à notre panel : “Si vous découvrez une marque la nuit, cela va-t-il vous pousser à l’acheter le jour ?” Plus de la moitié a répondu par l’affirmative. Autrement dit, les noctambules essaient plus volontiers de nouveaux produits la nuit et sont plus disposés à continuer de les consommer s’ils les ont appréciés. » Un enseignement intéressant, notamment pour les nouvelles marques qui n’ont pas encore construit leur image.

Étude

Des noctambules aux profils multiples Le cabinet Opinion Way a recensé six profils de noctambules : • Les festifs : ils sont assez jeunes, vont beaucoup dans les bars et les boîtes de nuit. Cette population extravertie sort en bande et consomme plus d’alcool que les autres profils. • Les trendy-under : ils sont plus “décalés” dans leur mode de vie que les autres cibles. Ils auront ainsi tendance à se rendre dans des lieux un peu “undergound”, qui vont devenir branchés, et à aller plus massivement à des concerts. Ce sont les véritables leaders d’opinion de la nuit et d’excellents prescripteurs. • Les culturels : ce public, un peu plus féminin, va au moins une fois par semaine au cinéma ou au théâtre. • Les communautaires : on les appelle ainsi parce qu’ils sortent toujours avec les mêmes cercles d’amis. Ils sont souvent en couple et ont parfois un enfant, ce qui explique qu’ils ne sortent qu’une fois par semaine. Mais lorsqu’ils font une sortie, ils veulent s’amuser, faire la fête et consommer. • Les cocooners : une population qui sort environ une fois par semaine, plutôt célibataire et féminine. • Les éclectiques : on les appelle ainsi parce qu’ils ont une consommation nocturne très éclatée. Ils sortent environ deux fois par semaine et vont un peu partout : dans un bar, en discothèque mais aussi au cinéma ou au théâtre.

 
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Frédéric Thibaud

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