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Motiver quand les affaires reprennent 2/4

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Ce n’est pas parce que les affaires se portent bien qu’il faut en oublier de motiver ses commerciaux. On pourrait même dire que les choses se compliquent. Face à des commerciaux plus exigeants et plus volages, il convient de redoubler d’imagination…

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Le contexte économique, s’il n’est pas exempt de “couacs”, est aujourd’hui plus porteur qu’il ne l’était hier. Le moral des chefs d’entreprises est bon – “ils maintiennent et même, accroissent leurs projets d’investissements”, soulignait le baromètre d’avril de La Tribune –, ils ont davantage recruté en 2000 que ce qu’ils avaient prévu (74 % contre 63 %, étude Manpower) et sont optimistes pour 2001 (35 % envisagent d’embaucher, étude UPS). Les acheteurs se montrent, pour leur part, plus entreprenants et plus actifs. Un manager commercial pourrait en tirer des conclusions hâtives et, les affaires étant florissantes, se dire : “Pourquoi motiver mes commerciaux ?” À cette question, Patrick Descharmes, directeur général adjoint d’Uniteam, répond sans aucune hésitation que « ce serait une erreur. Pour que l’entreprise ait sa part du gâteau de la croissance, qu’elle conquiert les marchés émergeants, il ne faut surtout pas que sa force de vente s’endorme sur ses lauriers ». Pas question, donc, de laisser de côté la motivation sous prétexte que les affaires vont mieux. C’est même le moment de mettre les bouchées doubles, parce que, justement, la reconquête ouvre des perspectives de marchés alléchantes, que la concurrence, elle aussi, s’active. Devez-vous, pour autant, doubler les challenges et autres concours ? Pas si sûr. Ce serait en effet agir sans tenir compte d’un autre phénomène induit : le marché de l’emploi est plus volage et les collaborateurs – au premier rang desquels les commerciaux –, plus exigeants. Motiver et… rendre heureux « Plus que jamais, les collaborateurs et leur bien-être sont au cœur des préoccupations des entreprises, ces dernières luttant contre la volatilité de leurs forces vives », explique Patrick Cauvin, directeur associé de l’agence Com’in. La motivation va donc, aujourd’hui, au-delà des préoccupations purement commerciales de l’entreprise. La seule évolution des intitulés des opérations de motivation masque cette véritable révolution culturelle. « Hier, les opérations de motivation s’appelaient “Top performance” ou “Objectif +”. Aujourd’hui, on les baptise “Chacun son style” ou encore “Tous acteurs” », raconte Anne-Dominique Chauvin, directrice associée d’Ormes, du groupe Univers. De toute évidence, on ne motive pas aujourd’hui comme hier. Par ailleurs, motiver est, au dire des agences, beaucoup plus compliqué aujourd’hui. « Dans le passé, les entreprises nous demandaient de concevoir des programmes pour faire plus de chiffre ; désormais, elles veulent faire plus de chiffre et s’assurer que leurs collaborateurs sont heureux dans l’entreprise », résume Anne-Dominique Chauvin. Mais alors, comment faut-il motiver ? La voie du qualitatif La motivation par la stimulation ne doit, bien entendu, pas être abandonnée. « Les opérations qui courent sur une période donnée, qui impactent fortement l’activité, existeront toujours. Elles sont d’ailleurs très prisées pas les commerciaux, qui travaillent souvent en solitaires et ont besoin de se situer par rapport à leurs collègues », explique Patrick Descharmes, d’Uniteam. Mais sur la forme et sur le fond, ces actions évoluent. Si la progression du chiffre d’affaires demeure le cœur des programmes de stimulation, les entreprises travaillent de plus en plus les aspects qualitatifs. « Certaines entreprises nous en font la demande spontanément. Pour les autres, c’est nous qui les orientons sur cette voie », note Anne-Dominique Chauvin. Peu de challenges reposent exclusivement sur des critères qualitatifs, mais les mix quantitatif/qualitatif se développent. On peut, par exemple, encourager les collaborateurs à transmettre ou à faire remonter des informations commerciales, à optimiser des processus de travail, ou encore, à améliorer la qualité du service. « Cette dimension qualitative, qui ne représentait hier qu’un petit plus, pèse parfois aujourd’hui pour un tiers dans les points attribués lors d’un concours ou d’un challenge. S’agit-il d’une tendance ? Je ne sais pas. En tout cas, la conjoncture pousse dans ce sens », remarque Patrick Gendry, directeur associé de l’agence Safari. La conjoncture étant plutôt favorable, certaines entreprises en profitent également pour intégrer dans leurs challenges une dimension citoyenne. « On propose, par exemple, lors d’un voyage dans un pays émergeant, que l’agence et l’entreprise apportent leur aide en monnaie sonnante et trébuchante ou en matériel, témoigne Patrick Gendry. Cette dimension est bien perçue par les entreprises et les participants. » Certes, l’option citoyenne ou écologique existe depuis plusieurs années. Mais les entreprises y sont de plus en plus réceptives. Il convient, toutefois, de nuancer ce propos : si une touche d’humanitaire tente les entreprises, le “tout humanitaire” a, en revanche, encore du mal à convaincre. Certaines entreprises s’y sont pourtant aventurées. C’est le cas de La Poste, qui a mené, dès 1999, une opération intitulée “Qualibase 99”. « Le but était d’encourager les 280 équipes de la force de vente “courrier entreprise” à mettre à jour la base de données des clients et prospects afin d’optimiser les opérations de marketing direct. Il n’y a eu, à aucun moment, de notion de chiffre d’affaires. Nous avons donc opté pour un mécanisme à travers lequel chaque équipe gagnait des points, qui étaient ensuite transformés en francs versés à l’association des Enfants de la Terre, de Marie-Claire Noah, en vue de la rénovation d’une Maison Tendresse destinée à l’accueil d’enfants malades », explique Valérie Riou, responsable du projet. Elle reconnaît par ailleurs que « ce n’était pas gagné » et qu’« il a fallu convaincre le réseau et pousser le comité de décision pour s’engager dans cette voie. » Les équipes étaient jugées sur le taux de renseignement de la base, le taux de cohérence des données saisies et le taux de fiabilité. « Si, au début de l’opération, nous avons ressenti une petite réticence de la part des commerciaux, un lien affectif très fort est vite apparu. Nous avons réunis 300 000 francs (45 735 euros) », se réjouit Valérie Riou. Rythmer l’année Parce que conquérir des parts de marché suppose l’adhésion de l’ensemble de la force de vente – les fonceurs, mais aussi les autres –, il est important de rythmer l’année par le biais de dotations intermédiaires, conçues par zones géographiques, par périodes, etc. « Cela permet à l’entreprise de remettre régulièrement les compteurs à zéro en donnant une chance à ceux qui n’auraient pas obtenu un bon score lors de l’opération précédente. Il est important de remotiver tous les collaborateurs en cours d’année », insiste Patrick Gendry. Dans le même esprit, il propose « d’introduire une part d’aléatoire dans les opérations de motivation, par le biais d’un tirage au sort, par exemple, de façon à donner une chance à tout le monde. » Donner, sinon une chance à tout le monde, du moins ouvrir l’accès au gain. Il s’agit d’une véritable tendance. Si les entreprises étaient, hier, relativement élitistes dans l’attribution des récompenses, qui ne concernaient que 10 à 30 % des participants, elles se montrent aujourd’hui plus généreuses, récompensant le tiers, voire un peu plus, des concurrents. Les entreprises ne doivent plus se contenter de fidéliser la poignée de battants, d’“auto-motivés”, qui sont à leur maximum de performances. Elles doivent s’attacher à motiver les “suiveurs”, qui représentent entre 70 et 80 % des effectifs, parce que la conquête des marchés ne se contentera pas des meilleurs, et que les suiveurs disposent d’une forte marge de progression. On est, à ce jour, au balbutiement de cette prise de conscience. Et puis, il est également important de profiter d’une opération pour développer la communication, faire passer des informations, donner à ses collaborateurs l’occasion de s’exprimer. Motiver, l’affaire de la DRH ? Faut-il se contenter de cela ? Évidemment non. Car, si « la stimulation peut être un accélé-rateur de la motivation, dans la mesure où le commercial croit à son travail, à ses produits, elle peut, au contraire, dans une équipe qui connaît des problèmes relationnels ou qui n’est pas formée aux produits, devenir un facteur d’accélération des dysfonctionnements », met en garde Philippe Gabilliet, professeur en management et leadership, affilié à l’ESCP-EAP. Autrement dit, la stimulation et les concours ne guérissent pas une mauvaise ambiance, au contraire. Pour cette raison, et aussi parce que la reprise économique rend le marché de l’emploi faste, la motivation n’est plus l’affaire de la seule direction commerciale, elle doit également impliquer la DRH. « La motivation n’a plus pour seul but d’atteindre ou de dépasser les objectifs quantitatifs. Parfois même, cet objectif passe au second plan. Il faut croiser les moyens, chercher à motiver de façon plus intelligente, » observe Patrick Cauvin. « L’entreprise doit déterminer des actions de stimulation, mais aussi de fidélisation et de communication autour d’une même thématique annuelle », insiste Patrick Gendry. Monter en puissance La formation, par exemple, constitue aujourd’hui un élément de motivation pour les collaborateurs en poste et les personnes qui sont sur le point d’intégrer la société. Pour Jean-Yves Kernevez, directeur commercial de Level (3), la formation relève réellement de la motivation : « Un challenge ou un concours, c’est en quelque sorte un sprint. Or, on ne peut pas imposer à ses commerciaux de courir un sprint tous les jours. Par ailleurs, le marché de l’emploi est très ouvert, les collaborateurs veulent évoluer, monter en puissance : les commerciaux visent les grands comptes, qui briguent, à leur tour, un poste de manager. Les collaborateurs d’aujourd’hui sont motivés par une évolution de leur carrière dans le temps. Il faut leur donner les moyens d’y arriver, et la formation est l’un de ces moyens. Il est difficile de quantifier le résultat du programme que nous avons mis en place ; néanmoins son impact sur l’activité est évident. » Autre application de la formation ? « On peut imaginer que si le collaborateur respecte le plan de formation, ou bien s’il obtient de bons résultats au quizz d’évaluation des acquis, cela lui rapporte des points supplémentaires dans le cadre d’un con-cours ou d’un challenge », ajoute Patrick Gendry. Dominique Plaissetty, de l’agence Prexo, va plus loin. Dès 1990, il a mis en place un outil de motivation appelé “Business School”. Développé chez Bouygues Telecom ou encore chez le constructeur naval Bénéteau, ce programme inscrit la formation comme dotation. Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle formation. « Nous proposons aux gagnants, souvent des distributeurs, une formation sur mesure dans une université prestigieuse, avec des experts qu’ils n’auraient jamais eu l’occasion de rencontrer autrement, précise Dominique Plaissetty. Pour organiser ses vacances, le commercial est assez grand ! ». Culotté ? Peut-être, mais efficace ! Stimulation, management, formation… Les chemins de la motivation se ramifient, se croisent et se complexifient par la même occasion. Un double challenge, pour le management commercial, qui, au-delà de la conception de la stratégie doit, plus que jamais, accompagner et encadrer toutes ces opérations sur le terrain. « Aujourd’hui, l’échec d’une opération est rarement le fait de l’agence, encore moins celui des vendeurs, qui n’y ont aucun intérêt. La faute revient souvent au management, qui a mal relayé, mal joué le jeu et n’a pas su capitaliser sur l’opération », constate Philippe Gabilliet.

Zoom - Le retour des dotations “plaisir” Plutôt qu’une révolution, c’est une évolution qui s’opère sur le marché de la dotation. « Durant ces dernières années, marquées par une conjoncture difficile, on a vu monter en puissance les bons d’achat. Convertibles dans les grands magasins ou dans la grande distribution, ils répondaient bien aux attentes des salariés », explique Anne-Dominique Chauvin, directrice associée d’Ormès. Mais, de l’avis de tous les professionnels, le retour de la croissance a quelque peu modifié la donne. Les chèques cadeaux demeurent néanmoins plébiscités par certaines entreprises inconditionnelles, auxquelles s’ajoutent celles qui mettent en place des programmes de motivation concernant l’ensemble des collaborateurs. Pour leur part, les commerciaux négocient des fixes plus élevés. « Finies les dotations “utiles“, ils reprennent goût aux dotations “plaisir“ », précise Patrick Descharmes, directeur général adjoint d’Uniteam. Le voyage, même si la destination n’est pas lointaine, véhicule du rêve. De plus, c’est un bel outil de management. En jouant la carte “voyage”, l’entreprise peut fédérer l’équipe et continuer de capitaliser sur cet aspect “management” au-delà de l’opération, » explique Philippe Gabilliet, professeur affilié à l’ESCP-EAP. Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, un séjour de quatre jours dans un hôtel luxueux, à Paris, avec une prestation très “paillettes“ et “ville de lumières“ ?

Zoom - Jean-Yves Kernevez, directeur commercial de Level (3) « Lorsque je présente Live Fire en entretien de recrutement, je fais mouche ! Tous les candidats sont preneurs. » Level (3), fournisseur d’accès Internet haut débit aux professionnels des télécoms et d’Internet, a lancé, en janvier dernier Live Fire, un programme de formation personnalisé et individualisé, destiné aux commerciaux. « Pour moi, Live fire est clairement un outil de motivation, explique Jean-Yves Kernevez, directeur commercial de Level (3). Ce programme relève de la motivation par la mise en confiance. Live Fire forme les commerciaux de Level (3) aux fondamentaux des techniques de vente (prospection téléphonique, premier rendez-vous, présentation de l’entreprise, appréhension du besoin du client) d’une manière personnalisée et à travers des mises en situation. Live Fire intercale des séances plénières avec du coaching personnalisé en rendez-vous client. Parallèlement à ce programme, nous avons lancé un concours de découverte de nouveaux prospects, pour inciter les équipes à appliquer le programme. »

Ce qu’il faut retenir - Les entreprises ont de plus en plus intérêt à mixer les différents outils de motivation, à organiser une opération de stimulation, un concours de vente, une action de formation, etc. - Les opérations de stimulation reposent de plus en plus souvent, en totalité ou en partie, sur les critères qualitatifs. - En plus d’une opération de stimulation de longue haleine, les entreprises ne doivent pas exclure des opérations courtes qui dynamisent la motivation. - Face à des équipes commerciales rompues aux opérations de stimulation avec voyage et matériel hi-fi à la clef, pourquoi ne pas proposer une opération dont la dotation ira en partie à une association caritative ?

 
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Anne-Françoise Rabaud

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