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Quand le papier fait place au Net

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Le Net est peuplé de sites d'information, dont les modèles économiques varient fortement. Entre les partisans du "tout gratuit", ceux du "tout payant", et les adeptes de la mixité, ce sont autant de stratégies commerciales qui s'affrontent. Panorama des forces en présence.

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Devinette : quel est le point commun entre un encyclopédie, le quotidien du matin, un guide touristique et une carte routière ? Réponse : leur valeur réside avant tout dans leur contenu. Par delà la forme, l''aspect, le format et le choix du papier, en effet, un produit d''édition séduit par la qualité de l''information qu''il délivre. Une information qui fait la valeur, et donc le prix, du produit fini... Un fait établi que certains pionniers du Net ont, précisemment, décidé de bousculer. Depuis quelques années, en effet, le raz-de-marée de la Net économie a bouleversé la donne du secteur. Et certains pionniers se sont lancés dans l''aventure "multi-médias", n''hésitant pas parfois à offrir gratuitement ce que d''aucuns considèrent comme leur bien le plus précieux : l''information. C''est notamment le cas des Editions Atlas, qui sont passés-en l''espace de quelques années- de l''édition traditionnelle d''encyclopédies papier à la commercialisation d''encyclopédies sur CD-Roms, puis, enfin, à l amise en ligne, à l''adresse www.webencyclo.com, d''un contenu encyclopédique entièrement conçu à cette fin. Un pari plus qu''audacieux : si elle a nécessité "plusieurs dizaines de millions de francs" d''investissement initial, cette encyclopédie du troisième millénaire, gratuite pour l''internaute, ne se rémunère que par la vente d''espace publicitaire. Un modèle économique qui, malgré la présence d''une trentaine d''annonceurs, ne permet pas encore à la filiale des Editions Atlas d''équilibrer ses comptes. "Nous pensons être rentables d''ici à dix-huit mois.", confie Jérôme Braud, qui compte sur l''interactivité du concept pour "réinventer l''encyclopédie, la remettre en permanence à jour conformément aux attentes de ses lecteurs (un espace permet aux lecteurs d''apporter leur contribution sur les sujets qui les passionnent), et lui donner un ancrage dans l''actualité". L''objectif ultime du projet étant de démocratiser l''encyclopédie, de toucher un très vaste public, et de brandir un argument de poids afin de doper la vente d''espace. Les internautes sont-ils prêts à payer ? Le même business model de totale gratuité pour l''internaute a été retenu par Hachette Multimédia, qui s''est jeté à l''eau en réaction à l''effondrement du marché du CD-Rom encyclopédique. "Nous avons constaté que la chute des ventes de CD-Rom était directement liée au boom de l''Internet : pourquoi les consommateurs auraient - ils payé pour une information qui leur était offertes gracieusement sur le réseau des réseaux ?", s''interroge Mireille Maurin, directrice générale d''Hachette Multimédia. Face à cette situation critique, l''éditeur se devait de trouver une parade. " Nous avons tout de suite écarté l''idée de vendre un abonnement", reprend sa directrice générale. Et d''invoquer le bilan, très explicite, de six réunions de consommateurs, organisées début 2000 par l''entreprises afin de sonder les attentes des internautes de l''Hexagone : "Il nous est apparu très clairement qu''ils n''étaient pas prêts à débourser le moindre centime." Pour proposer au grand public une encyclopédie digne de ce nom - et ce , pour 0 franc, 0 centime - , le groupe à donc vendu à quatre grands portails (Club internet, puis Wanadoo, Voilà et enfin Yahoo) la licence d''usage et d''exploitation de sa marque Encyclopédie Hachette. Concrètement, moyennant le versement d''un fixe (correspondant au minimum garanti) et de royalties proportionnels au nombre de pages vues, les quatre portails peuvent fournir à leur utilisateurs une encyclopédie gratuite et labellisée Hachette. De plus, en marge de ces contrats de licence, Hachette Multimédia a, bien entendu, doté son encyclopédie de son propre site, www.encyclopédie.hachette.com. "Mais l''ambition de ce site n''est en aucun cas de gagner de l''argent", souligne Mireille Maurin, qui préfère parler de "laboratoire destiné à cerner les attentes du public, à améliorer les performances de l''encyclopédie et à en faire une véritable référence". un site qui , de fait, ne contient aucune forme de publicité. La gratuite dévalorise le contenu Pourtant, si le "tout gratuit" a, sur le Net plus qu''ailleurs, de très nombreux adeptes, il a aussi ses détracteurs. "Les modèles reposant sur les seules recettes publicitaires ne sont pas viables lorsqu''il s''agit de financer la base colossale d''informations que représente une encyclopédie", estime Louis Lecomte, directeur éditorial de Kleïo, l''encyclopédie en ligne de Larousse. Pour se mettre au diapason du Web, la filiale de Vivendi Universal Publishing interactive a préféré demander à l''internaute un abonnement annuel d''un montant de 150 francs (22,87 euros), l''autorisant à consulter le site un nombre illimité de fois. "Il peut tester le produit gratuitement pendant un semaine, et doit ensuite faire son choix", explique Louis Lecomte, qui ne souhaite, en aucun cas, distribuer au tout-venant un contenu de qualité. " Ce serait dévaloriser le produit, lui ôter sa valeur d''édition de référence", argumente-t-il. Un point de vue que partagent les dirigeants de l''Encyclopaedia Universalis, dont le nom fait autorité dans les pays franco-phones : "Nous pensons que tout service de qualité mérite rétribution", observe Denis Fasse, directeur marketing de la prestigieuse encyclopédie. C''est pourquoi, Universalis a choisi de réserver, dans un premier temps, son contenu en ligne à deux cents établissements secondaires et universitaires, qui en ont bénéficié gratuitetement, à titre d''essai, pendant quelques mois. "Alors, à l''issue de cette période de test, notre force de vente dédiée leur proposait de s''abonner", relate Denis Fasse. Vendue entre 7000 et 80 000 Francs (soit entre 1067 et 12196 euros) par an, selon le nombre d''utilisateurs, "cette prestation a séduit une centaine d''établissements". Par ailleurs, aux non-universitaires - professionnels ou grand public-, qui souhaitent s''instruire en ligne, Universalis propose une formule plus abordable d''abonnement. "Pour 999 francs (152,3 euros) par an, soit le même prix que notre CD ROM, ils peuvent accéder à notre fonds documentaire", précise le directeur marketing, qui planche déjà sur une nouvelle mouture, plus riche encore, du site www.universalis-edu.com. Et espère accéder "prochainement" à la rentabilité. Enfin, à mi-chemin entre le rêve de gratuité des uns et le pragmatisme financier des autres, certains fournisseurs de contenu ont trouvé une troisième voie. Ainsi, le groupe Michelin, célèbre éditeur des Guides Rouge et Vert, pour ne citer qu''eux, vient de lever le voile, le mois dernier, sur son tout nouveau site, www.ViaMichelin.com. au programme : l''ensemble des fameuses "cartes Michelin" du Vieux Continent, des infos trafic et météo, les coordonnées des hôtels et restaurants du Guide Vert et, enfin, un contenu rédactionnel de type "magazine". Le tout...gratuitement, bien sûr. Oui, mais : bien décider à équilibrer les comptes de sa nouvelles filiales parisienne d''ici à 2004, le leader européen des éditions de voyage a retenu un modèle économique potentiellement rentable. "Nous nous rémunérerons sur notre activité Minitel, qui est appelée à s''essoufler avec le temps, mais devrait être dynamique au début", reconnaît Alain Cuq, président de ViaMichelin. Mais ce n''est pas tout : le site commercialise également son espace publicitaire, prévoit de développer les sevices payants aux particuliers comme aux entreprises et, enfin, souhaite s''imposer en tant que prestataire pour les entreprises désireuses de fournir une information cartographique, soit aux consommateurs (B to B to C), soit à leurs propres salariés (B to B to E). "Nous prévoyons de réaliser quelque 7 millions de francs (1,07 million d''euros, ndlr) de chiffre d''affaires en 2001", poursuit Alain Cuq, qui ne conçoit en aucun cas ce nouveau site dédié aux voyageurs européens comme un concurrent en puissance des guides papier. Une sérénité que partagent les Editions Rivage, bien connues pour leurs guides de Charme, et qui disposent aujourd''hui d''un site entièrement gratuit contenant les 1800 adresses de trois ouvrages. "Ce n''est qu''une étape, insiste Jean de Beaumont. Le consommateur n''est pas encore mûr pour payer. Mais nous en avons fait le pari qu''il y consentira un jour, à condition d''accéder en retour à un service à forte valeur ajoutée." Concrètement, donc, à l''horizon 2003, www.guidesdecharme.com offrira un certain nombre d''informations gratuites, dans la lignée de son actuel contenu, mais également un éventail de services à accès restreint : recherches multicritères, envoi par mail des offres promotionnelles correspondant à telle ou telle requête, etc. "Nous ne pourrons éviter de vendre, un jour ou l''autre, un produit dont la réalisation nous a coûté de l''argent", témoigne Jean de Beaumont, gérant de Guides Rivage.com, filiale de l''éditeur parisien, qui ne se rémunère, pour l''heure, que grâce à la vente de liens entre les sites des hôtels du guide et le portail cartographique du site (prestation qu''elle facture 1500 francs, 228,67 euros, par an et par hôtel). "Nous avons bien d''autres idées... Nous pourrions, par exemple, devenir fournisseurs de contenu pour d''autres sites, murmure Jean de Beaumont, qui entend diversifier ses sources de revenus afin de faire vivre la jeune pousse. Mais, au final, il faudra bien que nous fassions aussi payer le consommateur !".

"L''internaute n''acceptera jamais de payer." Jérôme Braud, directeur de Webencyclo (Editions Atlas) Webencyclo s''est lancé dans l''aventure de l''encyclopédie en ligne avant ses concurrents francophones, en décembre 1999. "Nous avons estimé que les services payants proposés sur le Net étaient sans avenir", explique Jérôme Braud? Trois mois après sa mise en ligne, le site a effectivement rallié les suffrages des internautes : 100 000 inscrits, 1 million de pages vues par mois. Oui, mais les simples recettes publicitaires ne suffisant pas, le site doit affiner son modèle économique et songer à de nouvelles ressources : "Notre newsletter est "parrainée" par un partenaire différent chaque semaine. De plus, nous montons, pour le compte d''annonceurs, des dossiers d''information sur des thèmes qui les intéressent. C''est ainsi que nous avons créé, pour le compte de France Télécom, un dossier sur la fête de l''Internet. Enfin, nous louons notre fichier qualifié de 400 000 adresses et cherchons à construire des "rendez-vous éditoriaux" pour certains clients." Interactive, ludique et ouverte sur l''actualité, l''encyclopédie du futur n''est toutefois pas rentable. "Elle devrait l''être d''ici à dix-huit mois", promet son directeur. En attendant, ce dernier n''envisage pas de faire payer les internautes.

"Demain, nous vendrons des services personnalisés." Jean de Beaumont, gérant de Guides Rivage.com Novembre 1999 : timidement, les Guides de Charme, guides touristiques des Editions Rivage, s''essaient au Net en mettant en ligne leurs offres promotionnelles d''hôtellerie. "Le site avait été bricolé, relate Jean de Beaumont. Et pourtant, il a tout de suite reçu un accueil favorable." Bilan : sans avoir été médiatisé, le site compte 300 à 400 accès quotidiens. En mars 2001, donc, l''éditeur se lance "en grand" : le site www.guidesdecharme.com est né. Gratuit, il contient l''équivalent de trois guides papier et enregistre chaque jour quelque 6 000 contacts. "Mais nous ne craignons pas de concurrencer nos guides, explique Jean de Beaumont, car les contenus sont complémentaires : les descriptifs des lieux ne figurent pas en ligne, et, a contrario, d''autres rubriques, comme "Carnets de route", n''existent pas dans la version papier." Enfin,et surtout, l''éditeur s''est promis d''abandonner le "tout gratuit" dès 2003. "Nous lancerons alors de nouveaux services payants." 100 francs (15,24 euros) par an pour recevoir par mail des promotions correspondant à certains critères ? Jean de Beaumont a fait le pari que l''internaute accepterait cette proposition.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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