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Réduction du temps de travail : Réussir son passage aux 35 heures

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Les cadres et les commerciaux ont longtemps été écartés de la réflexion sur les 35 heures menée dans les entreprises*. Un argument revenait avec insistance : “Trop difficile de mesurer leur temps de travail.” Pourtant, certains pionniers se sont lancés. Et ça marche ! Chaque accord est spécifique, mais certains ingrédients sont immuables, certains passages obligés. Après une phase de négociation, ces entreprises ont constitué des groupes de travail, afin d’optimiser l’organisation et les procédures. Aucun des accords sur les 35 heures qui fleurissent en France n’a son semblable. Chacun résulte, comme le souhaitait Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, d’une négociation entre la direction et les représentants des syndicats, et à ce titre, se rapproche plus de la haute couture que du prêt-à-porter. Néanmoins, le cabinet Hewitt Associates a publié en juin dernier une enquête réalisée auprès de 44 grandes entreprises, afin de mieux cerner les tendances qui guident la mise en place des 35 heures. En terme de rythme de travail, 74 % des entreprises envisagent pour leurs cadres la solution des jours de congés supplémentaires. Pour les non cadres, le choix des entreprises est moins uniforme. Les jours de congés supplémentaires récoltent 29 % des réponses, la réduction journalière du temps de travail 15 %, et l’attribution d’une journée de congé toutes les deux semaines 5 %. Et la moitié envisage une combinaison de ces formules. En matière de rémunération, aucune des entreprises interrogées n’envisage de réduire les salaires. En revanche, 25 % évoquent le gel des salaires et 55 % la diminution voire la suppression des augmentations. Les mesures collectives sont souvent étudiées sur 2 ans ; la portée des mesures individuelles se limite à 1 an. Parmi les difficultés soulevées par la mise en place des 35 heures, on trouve l’incertitude juridique (62 %), la résistance des syndicats (55 %), les craintes des salariés (42 %) et la difficulté à impliquer les opérationnels et définir une politique de groupe (30 %). 62 % ont d’ailleurs déclaré avoir eu recours à “une démarche participative en intégrant les salariés de tous les niveaux de l’entreprise au projet de l’ARTT”. * Conférence Action Commerciale sur ce thème les 6 et 7 octobre. Sommaire Négocier, le maître mot des 35 heures Si la réflexion sur les 35 heures ne va pas sans soulever de nombreuses interrogations, les choses se compliquent encore plus dès lors que l’on s’intéresse au cas des cadres et des commerciaux. Parce qu’ils sont autonomes, qu’il est difficile de prévoir et de comptabiliser leur temps de travail, qu’ils effectuent en général plus de 39 heures, etc., les entreprises rechignaient jusqu’à un passé récent, à les intégrer dans leur plan de réduction du temps de travail. Pourtant, l’échéance du 1er janvier 2000 approche et certaines se sont lancées. C’est le cas du Crédit Mutuel de Normandie qui a décidé de laisser chacune de ses agences libres de choisir sa formule de réduction du temps de travail. C’est également le cas des Laboratoires Schering qui ont mobilisé le personnel autour de la question et créé un compte épargne temps, du confiseur Lamy-Lutti qui a intégré ses VRP dans l’accord, ou encore de Vendée Matériaux qui a décidé de maintenir les salaires. Chacune de ces entreprises a pris le dossier des 35 heures à bras-le-corps et trouvé avec les partenaires sociaux les solutions adaptées à sa situation. Coup de projecteur sur ces entreprises pionnières… Se réorganiser La signature d’un accord sur les 35 heures, loin d’être une fin en soi, constitue en fait la partie visible de l’iceberg. La partie immergée concerne la réorganisation du temps de travail. Qu’il y ait parallèlement des recrutements ou pas, l’entreprise doit revoir ses procédures et la répartition des tâches, en vue d’optimiser ses performances économiques. Un travail qui nécessite là encore une mobilisation de l’ensemble du personnel, à travers des groupes de réflexion. L

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Les trois enjeux de la négociation Comment réduire la durée de travail ? Que faire du temps de déplacement ? De quelle façon aborder le volet rémunération ? Autant de points de discussion incontournables qui attendent direction et représentants du personnel sur le sujet des 35 heures.La réduction du temps de travail des cadres et des commerciaux ? “La pire des choses, ce serait de dire : on ferme les yeux, on croise les doigts et on continue comme avant”, lâche Jean-Louis Birien, spécialiste des audits et du conseil en relations sociales. La pire des choses peut-être, la plus tentante pour un chef d’entreprise, certainement. D’abord parce que la grande majorité d’entre eux ne sait pas vraiment comment s’y prendre. Stéphanie Savel, directrice du cabinet ASG Conseil, qui officie dans l’aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT), raconte : “À ceux qui dès le début se posaient la question "Comment réduire ?", Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, répondait : liberté, imagination… et surtout négociation.” Mais très vite, les entreprises ont trouvé que cette liberté avait un arrière-goût. Comment en effet comptabiliser le temps de travail des commerciaux toujours sur les routes ? Comment faire travailler les cadres 35 heures alors qu’ils font déjà plus de 39 heures hebdomadaires ? Si on leur attribue des congés compensatoires, quand les prendront-ils, eux qui ont déjà du mal à poser leurs cinq semaines de congés payés ? Comment traiter les volets rémunération, formation, etc. ? Faut-il envisager l’accord avec ou sans les allégements de charges accordés par l’État ? Les questions n’en finissent plus. Certes, la seconde loi que Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Économie et des Finances, a appelé la “loi balai” et dont le vote définitif à l’Assemblée nationale est prévu pour la fin de l’année va préciser la première. Mais elle ne réglera pas tout. “Le gouvernement ne fait que fixer un cadre”, rappelle-t-on au ministère de l’Emploi et de la Solidarité. En attendant l’heure tourne et l’échéance du 1er janvier 2000 se rapproche, même si une période de transition d’un an est prévue dans le projet de la seconde loi. Histoires de pionnières Certaines entreprises faisant office de pionnières se sont pourtant lancées sur le terrain des 35 heures pour leurs cadres et leurs commerciaux. “La réduction du temps de travail est souvent perçue comme une contrainte, mais aux Laboratoires Schering, nous avons essayé de la transformer en opportunité”, explique Antoine Duclercq, directeur des ressources humaines du groupe. L’entreprise basée près de Roubaix a signé un accord dès le mois de juin 1998. Comme l’ensemble du personnel, les 200 délégués médicaux et la centaine de cadres viennent de passer en juillet dernier aux 35 heures, après un palier à 37 heures. Même esprit pionnier au Crédit Mutuel de Normandie. Luc Chambaud, directeur des ressources humaines à l’époque de la négociation de l’accord, raconte : “Nous avons anticipé et transformé notre passage aux 35 heures en un atout commercial. Certaines agences ouvrent désormais six jours sur sept et, dans certains cas, jusqu’à 19 heures. Nous possédons 12 mois d’avance par rapport à la concurrence et nous entendons bien en profiter pour accroître nos parts de marché.” L’accord qui est entré en application le 1er janvier 1999 concerne 380 commerciaux. Une démarche participative La plupart de ces entreprises ont très tôt constitué des groupes de réflexion et impliqué – au-delà des représentants syndicaux obligatoires – les représentants du personnel. “Il est important que l’entreprise obtienne l’adhésion du personnel et des commerciaux en particulier à sa stratégie. Elle doit pour cela instaurer une démarche participative”, insiste Corinne Derive-Bonnet, consultante chez Hewitt Associates. Le cabinet qui a conduit une étude auprès de 44 grands groupes (cf. page 37) fait valoir que 62 % d’entre eux ont impliqué l’ensemble du personnel dans la démarche de réduction du temps de travail. Outre le fait de réussir un bon accord, la démarche participative permet de tout mettre à plat. “Les choses vont mieux lorsque l’on est extrêmement précis dans la rédaction de l’accord”, confirme Antoine Duclercq. “La réduction du temps de travail doit être abordée comme du sur mesure et surtout pas du prêt-à-porter”, ajoute Alexandre Denamiel, consultant en ARTT et professeur à l’ISC. Ceux qui pensaient pouvoir dupliquer un accord type peuvent se rhabiller. Les expériences le prouvent, la devise en la matière est : à chaque entreprise son accord. Formule en jours ou en heures ? S’agissant des cadres et des commerciaux, les accords se traduisent en majorité par une réduction du nombre de jours travaillés, au détriment de l’autre option qui consiste à réduire le temps de travail hebdomadaire. Dans son projet de loi, le gouvernement évoque en effet la possibilité que pour “un cadre ou un salarié itinérant (…) dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée”, on puisse calculer son temps en jours et que dans ce cas-là, il soit inférieur ou égal à 217 jours par an contre 227 ou 228 en moyenne actuellement. On parle de “convention de forfait” ou de décompte en nombre de jours. “Peu importe alors le nombre d’heures travaillées dans la journée, dès lors que vous respectez le maximum légal de 10 heures par jour et de 48 heures par semaine.” Le salarié bénéficie dans ce cas-là d’une RTT d’au moins une dizaine de jours par an, en plus des jours actuellement non travaillés. “On est bien loin des 22 jours de RTT sur lesquels tout le monde était parti dès le début des discussions”, fait remarquer Stéphanie Savel. Corinne Derive-Bonnet tempère ce point de vue, estimant qu’un accord qui attribue “seulement” une dizaine de jours n’est pas forcément un mauvais accord pour les salariés : “Il faut voir les compensations, analyser l’accord dans son ensemble.” Toujours selon le projet de seconde loi, les jours libérés peuvent en partie abonder un compte épargne temps (CET) ou encore être affectés à de la formation destinée à développer “l’employabilité”. Seules, les formations directement liées au métier ou au poste de travail continueraient dans ce cas d’être effectuées sur le temps de travail.Stéphanie Savel demeure sceptique quant aux aptitudes de cette formule “en jours” à créer des emplois. Elle martèle, au risque de déplaire, “que seule la réduction quotidienne du temps de travail permet de réduire la charge de travail, oblige à être plus efficace, à s’interroger sur la nécessité d’accomplir telle tâche”. Et la directrice de Aznar Savel Gauthier conseil d’enfoncer le clou : “La réduction en nombre de jours, ça va être des vacances supplémentaires. Les cadres vont mettre un coup de collier avant de partir et quand ils rentreront, ils auront une pile de dossiers à traiter, ils feront la même chose.” Sans compter “qu’ils ont déjà du mal à prendre leurs cinq semaines de congés”. Néanmoins, la formule est bel et bien plébiscitée.Le volet déplacement n’est pas simple non plus, notamment pour les commerciaux. La comptabilisation peut se faire selon diverses approches. Les experts comptables ont par exemple signé en janvier 1999 un accord de branche qui fixe pour les itinérants un système de forfait d’heures de transport affecté à chaque mission. Il s’agit de “rationaliser les déplacements” explique-t-on à l’Ordre des experts comptables. Une idée qui plaît bien à Jean-Louis Birien, selon lequel il faut “forfaitiser le temps de transport et associer à un secteur donné un nombre d’heures de transport”. Il met d’ailleurs en garde les chefs d’entreprises : “S’ils ne gèrent pas ce facteur, ce sont les inspecteurs du travail et les juges qui vont le faire.” Sur ce volet, Martine Aubry laissera carte blanche aux négociateurs. Néanmoins, en règle générale, le temps de transport du domicile au lieu de travail et inversement n’entre pas dans le temps de travail effectif. Une règle qui comprend des exceptions et qui peut parfaitement faire l’objet de négociations. “Il faut aller vers un système d’équivalence, explique Stéphanie Savel. L’autre système, qui revient finalement au même, consisterait à exclure en totalité le temps de trajet, et à dire que le temps de trajet donne droit à récupération mais pas strictement proportionnelle.” Cela n’aura échappé à personne, la comptabilisation du temps de travail en jour apparaît évidemment comme la solution permettant d’éviter d’entrer dans ces calculs savants. Touche pas à mon salaire ! Reste, et ce n’est pas le moindre, l’aspect rémunération. Tout est réuni pour rendre très difficile la négociation. “Cette loi est prise dans une grande contradiction : ne pas entraver la rentabilité des entreprises en leur demandant de payer 35 heures au prix de 39 heures, mais ne pas pour autant réduire les salaires”, fait observer Stéphanie Savel. De son côté, Corinne Derive-Bonnet reconnaît que “les commerciaux sont très vite stressés dès lors que l’on aborde ce sujet”. Et ce n’est pas sans raison. “Ce sont les seuls qui risquent de subir une réelle perte de salaire”, explique Jean-Louis Birien. En effet, moins de temps de travail signifie moins de contacts, une diminution du chiffre d’affaires et donc de la partie variable de la rémunération. Les commerciaux crient “touche pas à mon variable”, les entreprises “touche pas à ma marge”. La partie n’est pas gagnée. La plupart des accords signés reposent en fait sur le gel ou la modération des salaires. Certains, ils sont plus rares, ont néanmoins choisi de réduire les salaires. C’est le cas des Laboratoires Schering (cf. page 40). Il faut toutefois savoir que si l’on modifie une clause essentielle du contrat de travail telle la rémunération, “l’entreprise est obligée de proposer au minimum un avenant que l’intéressé peut accepter ou refuser. Et que, dans le projet de la seconde loi, si le salarié refuse la modification, son licenciement est traité comme un licenciement individuel et non pas économique”, note Jean-Louis Birien. Dans tous les cas, la négociation doit être, pour la consultante d’Hewitt, l’occasion de “recentrer les commerciaux sur des actions clients à mener, sur l’augmentation des potentialités de gain en mettant par exemple en place une courbe incitative, en majorant les primes en cas de dépassement d’objectif, etc.” Et le directeur de JLB Conseil d’ajouter : “Si l’on est dans un marché en pleine expansion, les deux parties peuvent facilement trouver un terrain d’entente. Les choses se compliquent si le marché est saturé.”Pour l’entreprise, le challenge des 35 heures revient à faire autant dans un temps réduit. Elle doit gagner en productivité, en motivation pour obtenir flexibilité et réactivité. “Nous avons effectué un travail de réflexion pour repenser l’organisation, conclut Philippe Audureau, président du directoire du groupe Vendée Matériaux. La signature d’un accord sur la réduction du temps de travail n’est que la première marche du projet.” Traquer les dysfonctionnements Pour que la réduction du temps de travail n’entrave pas la compétitivité de l’entreprise, celle-ci doit l’accompagner d’une réorganisation. Et pour cela identifier les dysfonctionnements, les sources de perte de temps et les pistes d’amélioration. Signer un accord, c’est un peu comme mettre la ceinture de sécurité au volant de sa voiture. C’est appliquer la loi – un peu avant la date fatidique certes –, mais ce n’est rien de plus. Si vous voulez vraiment bien faire, en voiture on vous conseillera la vigilance. Dans le cas des 35 heures, on pointera le doigt sur le “A” de ARTT. A comme aménagement. Autrement dit, une fois l’accord signé ou mieux, pendant la négociation, c’est bel et bien un autre chantier qu’il faut ouvrir. Et pas des plus simples, celui de l’aménagement ou encore de la réorganisation du travail. Dans le cas des accords Aubry, l’aménagement du travail s’opère sous fond d’allégement de 10 % des charges, et de recrutements à hauteur de 6 % au moins des effectifs (ou de préservation des emplois dans le cas d’un accord défensif). Fin juin, sur les presque 8 000 accords signés, plus de 90 % entraient dans ce cadre. Toutefois, ces derniers ne représentaient que 38 % des 1,7 million d’employés concernés. Ces statistiques du ministère montrent que les entreprises ayant sollicité l’allégement des charges de l’État sont en priorité des PME. Des PME qui évoluent le plus souvent sur un secteur porteur. C’est le cas de Vendée Matériaux. “Même sans la mise en place des 35 heures et de l’accord Aubry qui se traduit par 35 créations d’emplois, dont la moitié de vendeurs sédentaires et itinérants, nous aurions été amenés à étoffer nos effectifs”, reconnaît son président Philippe Audureau. Les accords qui ne bénéficient pas des allégements de l’État – et ne sont par conséquent pas soumis à création ou préservation d’emplois – concernent donc 62 % des effectifs soit plus d’un million de personnes. “Je pense que dans ces entreprises, le passage aux 35 heures aura un effet sur le recrutement à moyen terme, dans deux ou trois ans seulement”, explique Jean-Louis Birien, directeur de JLB Conseil. Il faudra d’autant plus attendre que l’entreprise aura effectué – comme elle a tout intérêt à le faire – une sérieuse réorganisation de ses procédures et une répartition des tâches. Un volet qui doit permettre à l’entreprise de développer des activités à forte valeur ajoutée, et d’une manière générale, de gagner en productivité. En outre, l’accord sera d’autant plus performant que l’entreprise saura identifier parmi les facteurs d’engagement et de motivation de son personnel, ceux qui ont le plus d’impact en terme de productivité en vue de les influencer. Hewitt Associates en isole sept : rémunération, objectifs et culture, activités exercées, relations, leadership, qualité de vie et opportunités. Créer des codes de conduite Sur le terrain, les entreprises ont tout intérêt à créer un code de conduite. Notamment au niveau des congés. “La RTT passe par une gestion plus rigoureuse des congés qui devront être préalablement définis au niveau des dates et le plus souvent imposés par la hiérarchie”, rapporte Jean-Louis Birien. Certains accords stipulent par exemple que, sinon tout, du moins une partie des jours de repos compensatoires sont à prendre pendant les périodes creuses. Au moment où il devient plus difficile de toucher les clients. Dans certains secteurs, la chute d’activité revient une fois par an (fêtes de fin d’année, période estivale, etc.). Dans d’autres, les visites sont impossibles ou difficiles le vendredi, c’est le cas du secteur médical, ce qui a conduit les Laboratoires Schering à fixer les jours de repos le dernier jour de la semaine. Bon nombre d’entreprises mettent également l’accent sur l’optimisation du temps de réunion des cadres. En étudiant par exemple les économies qui pourraient être réalisées en remplaçant les réunions physiques par des réunions téléphoniques. Ou encore en veillant à l’heure à laquelle elles sont fixées. “Arrêtons les réunions le vendredi soir à 17 heures, où après le temps normal de travail”, lance Jean-Louis Birien. Cela veut dire aussi plus de réunions efficaces. “Il faut s’interroger sur la nécessité de convoquer quatre ou cinq personnes du même département à la même réunion. Et s’appliquer à commencer les réunions à l’heure.”Les Laboratoires Schering ont ainsi baptisé l’année 1999 l’année de “l’amélioration des réunions”. Dans l’entreprise, cette démarche est prise au sérieux, parce que ces dernières consomment énormément de temps des cadres. “Nous avons édité un livret de bonne pratique des réunions et affiché les dix recommandations-clés. Ce n’est pas tout, chaque mois nous mettons l’accent sur un point en particulier, là aussi à travers des affiches”, explique Antoine Duclercq, DRH du groupe. En août, il s’agissait de définir l’objectif des réunions. En fait, l’encadrement a été invité, dès 1997, à réfléchir sur l’optimisation des ressources et sur l’impact des 35 heures. La réflexion qui s’est déroulée à travers des groupes de projet a ainsi porté sur la bonne pratique des réunions mais aussi sur la maîtrise des déplacements. “Notre objectif est de réduire d’un million de francs ce dernier budget en 1999”, poursuit le porte-parole des Laboratoires Schering. Limiter la paperasse, développer les formations La réorganisation passe également par une simplification des tâches et des procédures administratives, y compris pour les cadres et les commerciaux. Par exemple en limitant la paperasse inutile, en évitant les redondances des tâches, en redéfinissant le circuit d’information, etc. Mettre en place un code de conduite interne, c’est aussi redéfinir les activités prioritaires des commerciaux et diminuer le temps de transport. Il faut par exemple “redéfinir les zones de façon à ce qu’elles soient plus homogènes, redistribuer le portefeuille client, rationaliser les petites ventes, etc.”, égrène Corinne Derive-Bonnet du cabinet Hewitt . Les actions se concentrent sur des points de détail, mais la démarche relève bel et bien d’une stratégie globale qui vise à revisiter les pratiques et les méthodes de management pour optimiser le temps de travail. L’entreprise Vendée Matériaux, qui a mobilisé l’ensemble du personnel, l’encadrement mais aussi les commerciaux, les chauffeurs autour de la réorganisation de son activité, a ainsi identifié, à partir des groupes de travail, une série de sources de dysfonctionnement. Il revient désormais à chaque agence de mettre en place son propre plan d’amélioration (cf. ci-dessus). Nouvelles compétences, plus de polyvalence… Cette réorganisation doit s’appuyer sur un accompagnement des salariés. “Nous allons dans les mois qui viennent multiplier les formations”, explique Jean-Marie de Cauchy, DRH chez Lamy-Lutti. Corinne Derive-Bonnet du cabinet Hewitt estime de son côté que “pour les commerciaux, les 35 heures peuvent être l’occasion de se former à des méthodes de vente, des techniques de conclusion rapide.” Certaines entreprises vont plus loin et mettent en chantier une réorganisation du réseau ou bien recherchent des synergies. Elles ouvrent une plate-forme téléphonique ou encore optent pour l’externalisation de certaines activités. C’est ainsi qu’au Crédit Mutuel du Centre, la mise sous pli du courrier est désormais sous-traitée. L’envoi des relevés et de la publicité représentait en moyenne 200 000 plis par mois et monopolisait deux personnes et demie. En revanche, le directeur de JLB Conseils est ferme sur un point : “Il ne faut surtout pas systématiquement détruire les moments de convivialité et de respiration qui ponctuent la journée de travail. On risque de détruire le climat sans améliorer l’efficacité du travail.”

Lamy-Lutti : “Il aurait été aberrant que dans le service commercial, les VRP soient les seuls à ne pas être aux 35 heures.”Depuis le 1er septembre, le spécialiste des confiseries Lamy-Lutti est passé aux 35 heures. La convention signée avec l’État concerne 550 employés et implique le recrutement de 46 personnes. Jean-Marie de Cauchy, directeur des ressources humaines de l’entreprise, vient de négocier et signer un accord Aubry sur les 35 heures, avec la CFDT, FO, la CGC et la CGT. A.C. : Pourquoi avoir intégré cadres et VRP à l’accord ? Jean-Marie de Cauchy : Intégrer les cadres me paraissait obligatoire et naturel. En revanche, le cas des VRP qui ne sont pas concernés par la loi et ne bénéficient donc pas des aides de l’État n’a pas été si simple. D’ailleurs, dans le premier projet, nous ne les avions pas intégrés. Mais les VRP ont émis le souhait de l’être, demande qui a été relayée par leurs responsables hiérarchiques qui étaient eux intégrés d’office au projet de RTT ainsi que par la CFDT. Nous avons revu notre premier accord, estimant qu’il aurait effectivement été aberrant que dans le service commercial, côte à côte, certains soient concernés et d’autres pas. A.C. : Quel type d’organisation du temps avez-vous adopté ? J.-M. C. : Nous avons opté pour l’annualisation du temps de travail et traité les cadres comme l’ensemble du service auquel ils sont rattachés. Ainsi à la production, ils travaillent entre 32 et 40 heures par semaine et disposent de 6 jours de congés. Dans les services administratifs, ils ont des horaires variables autour de 37 heures et disposent de 12 jours de récupération. L’ensemble de la force de vente dispose quant à elle d’horaires libres et de 12 jours de congés, dont environ 4 ont d’ores et déjà été fixés pour les vendeurs à des périodes de baisse d’activité, comme les veilles de fêtes. Pour le reste, ils s’arrangent avec leur hiérarchie.

Laboratoires Schering : “Nous voulions que le contenu de l’accord soit discuté avec les délégués syndicaux et les membres du comité d’entreprise.” Les Laboratoires Schering ont signé en juin 1998 un accord sur la RTT qui concerne les 600 employés, délégués médicaux et cadres, exception faite des cadres supérieurs et dirigeants. Particularité de l’accord : le passage aux 35 heures s’est fait en deux temps. Antoine Duclercq (en photo), directeur des ressources humaines, a orchestré la préparation, la signature et la mise en place de l’accord. A.C. : Comment s’est passée la préparation de l’accord ? Antoine Duclercq : La réduction du temps de travail s’est déroulée en deux temps. Deux jours après la signature de l’accord, le 1er juillet 1998, nous sommes passés de 39 à 37 heures hebdomadaires. Cette première étape a permis de roder, de tester le système et d’impliquer le personnel. Le passage aux 35 heures est intervenu le 1er janvier dernier. Quant à la préparation, je dirais que nous avons officiellement ouvert le débat en novembre 1997, dans le cadre du séminaire de formation économique que nous organisons tous les ans à l’attention des élus du personnel. Nous tenions en effet à ce que le contenu de l’accord soit discuté avec les délégués syndicaux mais aussi les membres du comité d’entreprise. A.C. : Quelles grandes lignes ont guidé la réflexion autour des 35 heures ? A. D. : La direction a veillé au partage des efforts entre le personnel et l’entreprise, à la prise en compte des aspirations personnelles dans la mesure où elles ne nuisent pas au bon fonctionnement de l’entreprise et à la conservation d’une évolution individuelle des rémunérations. L’accord que nous avons signé est un accord Aubry comportant donc un volet allégement de charges et recrutement, qui dans notre cas, s’est élevé à 38 emplois. A.C. : Pour les cadres et les commerciaux, quel système avez-vous adopté ? A. D. : En fait, notre réflexion n’a pas porté sur des catégories, cadres, commerciaux, personnels administratifs, mais sur des contextes d’activité. À titre d’exemple, dans le bloc des non-sédentaires, on trouve les visiteurs médicaux, mais aussi les directeurs régionaux et les médecins régionaux. La récupération des visiteurs est fixée au vendredi, journée en général plus calme. Ensuite à eux de choisir entre une journée de repos hebdomadaire ou bien, et c’est la formule la plus utilisée, deux journées entières par mois. Ils gèrent plusieurs mois à l’avance leurs rendez-vous et donc leurs absences. Au siège, le personnel a le choix du jour, compte tenu toutefois des exigences du service. Nous leur demandons simplement de nous indiquer chaque 20 du mois leurs absences du mois suivant. La réduction du temps de travail telle que nous l’avons adoptée renforce l’idée de planification. A.C. : En adoptant la méthode de jours de repos complémentaires, vous évitez le délicat problème du temps de trajet des commerciaux ? A. D. : Pour nous, les délégués médicaux des Laboratoires Schering sont assimilés à de véritables acteurs économiques, gestionnaires de leur secteur. Il leur revient d’optimiser au mieux leur temps de travail. Nous suivons leur activité bien sûr à travers une déclaration d’activité Minitel, mais il s’agit bien d’un outil de management. La formule est d’ailleurs reprise dans le projet de seconde loi. A.C. : Avez-vous mis en place un compte épargne temps ? A. D. : Oui, depuis mars dernier. Nous distinguons deux comptes épargne temps. Le premier est alimenté par les congés payés et une fraction du treizième mois. Il est plafonné à 12 mois, soit 1 820 heures. En revanche, il ne comprend pas de limite dans le temps. Le second est directement lié à la RTT. Il permet de stocker 10 jours de repos par période de 12 mois et doit être consommé dans les 4 ans qui suivent son ouverture. A.C. : Et en terme de rémunération ? A. D. : Nous avons réduit le salaire mensuel individuel brut à proportion de la réduction du temps travaillé, mais Schering a compensé la moitié de la réduction. Par ailleurs, les hausses individualisées ne seront pas inférieures à 2,6 % pour les salaires inférieurs à 10 000 F et 1,8 % pour les salaires supérieurs à 14 444 F et d’un montant minimum de 260 F brut entre les deux. Avec ces mesures, les salaires réels ont augmenté de 1,3 % en moyenne en 1998 et 1999.

Crédit Mutuel de Normandie : “Le compte épargne temps tel qu’il est prévu semble ingérable !” Le Crédit Mutuel de Normandie, qui applique depuis le début de l’année 1999 un accord sur les 35 heures à ses quelque 380 commerciaux, n’a pas souscrit de compte épargne temps tel qu’il est prévu dans le cadre de la loi Aubry. “Et cette application s’est faite en accord avec les partenaires sociaux, FO et la SNB, une émanation bancaire de la CGC,” explique Luc Chambaud, aujourd’hui directeur du développement marketing et réseau du Crédit Mutuel de Normandie et qui occupait le poste de directeur des ressources humaines lors de la négociation de l’accord. Dans la loi Aubry, il est en effet tout à fait possible de cumuler une partie des congés pendant quatre ans. “Cela semble ingérable. C’est bien simple, au bout de quatre ans, il ne reste plus qu’à fermer l’entreprise pendant trois mois !”, justifie l’ex-directeur des ressources humaines. Toutefois, même si aujourd’hui ce n’est pas à l’ordre du jour, il n’exclut pas de “réétudier la question plus tard, mais en dehors du cadre de la loi Aubry”.

Crédit Mutuel de Normandie : “Dans les agences, nous avons enlevé le maximum de tâches administratives résiduelles, d’activités non-commerciales…” Le Crédit Mutuel de Normandie a été la première banque à signer un accord Aubry sur les 35 heures. Négocié avec FO et la SNB (émanation bancaire de la CGC), il est entré en application le 1er janvier 1999 et concerne 380 commerciaux. Aujourd’hui directeur du développement marketing et réseau, Luc Chambaud était DRH lors de la négociation de l’accord. A.C. : Quel type d’organisation du temps a été adopté ? Luc Chambaud : Chaque directeur d’agence a fait le choix d’une organisation, en fonction de son marché et de ses collaborateurs. Ils avaient le choix entre 35 heures effectives par semaine, ou bien l’attribution de jours de congés supplémentaires. Les cadres ayant une fonction d’encadrement, d’expertise ou de management avaient la possibilité d’effectuer 37 heures par semaine et disposaient de 11 jours de congés supplémentaires. De façon générale, les grosses agences ont plébiscité les 39 heures et 5 jours de congés supplémentaires par trimestre, et les petites les 35 heures effectuées sur 4 jours et demi. A.C. : Quelles conséquences en terme de recrutement ? L. C. : Nous avons signé un accord répondant aux critères de la loi Aubry. Nous avons donc bénéficié des aides de l’État et donc intégré 40 nouveaux commerciaux permettant d’ouvrir 7 nouveaux points de vente. Cet aspect du recrutement est pour nous essentiel. Nous avons fait le choix de recruter non pas pour remplacer l’équivalent temps dans les agences existantes, mais bien pour étendre notre réseau. A.C. : Qu’avez-vous revu dans l’organisation du travail ? L. C. : Nous avons enlevé le maximum de tâches administratives résiduelles, d’activités non commerciales, soit en externalisant, soit en les faisant remonter au siège. Nous avons revu la segmentation de la clientèle de manière à faciliter son appréhension par les commerciaux. La mise en place de cette nouvelle organisation s’est dans l’ensemble bien passée. Seules difficultés : les petites agences qui avaient décidé de maintenir 5 jours d’ouverture avec 22 jours de congés supplémentaires par an. Elles ont affiné leur organisation et veillé à la planification. Après 6 mois, tout est rentré dans l’ordre. Pour la clientèle, la nouvelle organisation s’est traduite, dans certains cas, par l’ouverture des agences pendant 6 jours et jusqu’à 19 heures. Finalement, alors que le temps de travail de nos commerciaux a diminué de 39 à 35 heures, le temps de vente est, lui, passé en moyenne de 35 à 39 heures. Les objectifs de développement que nous nous étions fixés pour 1999 sont déjà dépassés. C’est un signe qui ne trompe pas…

Groupe Vendée Matériaux : “Chaque agence va élaborer son propre plan d’amélioration en fonction des résultats des groupes de travail, de sa taille, etc.” Le groupe Vendée Matériaux a signé en juin dernier un protocole d’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail pour ses activités négoce et pour le siège du groupe, soit 600 personnes sur un total de 1 200. Ce protocole est actuellement soumis à la direction du travail et son entrée en vigueur est prévue pour le 1er décembre 1999. Loin de se reposer sur ses lauriers en attendant la date fatidique, l’entreprise a mis à profit cette période pour revoir l’organisation du travail des différents services. “En fait, la signature d’un accord sur la réduction du temps de travail ne constitue que la première marche du projet. L’essentiel reste à faire”, explique Philippe Audureau, président du directoire du groupe. La direction a donc suscité un travail de réflexion pour repenser l’organisation. Concrètement, elle a créé des groupes par fonction (les commerciaux, les chauffeurs, etc.) et a fait “plancher” quatre agences afin d’obtenir une analyse plus transversale. L’idée de base était de pouvoir croiser les avis. “Groupes et agences ont travaillé selon une démarche proche de la démarche qualité”, souligne le chef d’entreprise. Ainsi, les groupes de métiers étaient chargés d’identifier les dysfonctionnements propres à leur fonction, de distinguer les progrès possibles et de fixer des priorités. Les groupes de travail des agences ont, de leur côté, identifié les sources de perte de temps et les postes d’améliorations possibles. Et ensuite, que se passe-t-il ? “La balle est désormais dans le camp des agences, poursuit Philippe Audureau, à chacune d’elles d’élaborer son propre plan d’amélioration à partir des résultats des groupes de travail, en fonction de sa taille, de son historique, etc.” La direction du groupe a, par ailleurs, l’intention “d’ouvrir un programme de redynamisation commerciale afin de développer le chiffre d’affaires”.

 
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Dossier rélisé par Anne-Françoise Rabaud

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