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Retour en force sur le terrain

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Malgré la centralisation croissante des décisions chez les enseignes de la distribution, la force de vente des industriels a encore du travail sur le terrain en matière de merchandising. Outils informatiques et nouvelles approches marketing/vente rendent même la mission de plus en plus pointue.

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À l’aube du XXIe siècle, les fonctions du commercial terrain continuent d’évoluer. Un lieu commun, direz-vous. Pas tant que cela, quand on sait que cette évolution est parfois très rapide. Tributaires des regroupements spectaculaires de la grande distribution – et donc des nouvelles politiques d’enseignes –, ainsi que des nouveaux outils dont disposent les fabricants pour affiner leur discours, les forces de vente voient certaines de leurs missions disparaître, d’autres se renforcer. Ainsi, si la négociation en point de vente reste leur priorité, les actions linéaire et merchandising occupent aujourd’hui la seconde position dans la hiérarchie des tâches des vendeurs des sociétés de grande consommation (selon l’enquête 1999 du cabinet Bernard Julhiet), alors qu’elles n’étaient qu’en cinquième place deux ans plus tôt. “Si le commercial doit en premier lieu veiller à la valorisation des accords passés avec les centrales, souligne Thierry Meiers, consultant au cabinet Bernard Julhiet, il conserve une part de négociation. En matière de merchandising, on a coutume de dire : part de relation égale part de rayon. Le relationnel est l’une des tendances lourdes de ces dernières années. Quand tout a déjà été négocié, sur le terrain il reste la confiance de son interlocuteur.” Avec une moyenne de cinq visites par jour et une fréquence de visite d’un même magasin de six fois par an à une fois par quinzaine, le commercial a donc de quoi s’exercer en la matière. Le merchandising, domaine réservé des centrales ? La politique merchandising à appliquer sur le terrain est le plus souvent décidée par la centrale de l’enseigne de distribution. De plus en plus à l’écoute de leurs consommateurs, ces enseignes intègrent les données qualitatives et quantitatives issues d’instituts d’études, de données fournies parfois directement par les industriels. Toutefois, la décision finale d’une éventuelle réimplantation appartient au responsable merchandising de l’enseigne (cf. encadré). Sur le terrain, le vendeur doit appliquer les recommandations mais également vérifier que le nombre de facings qui ont été négociés est respecté. Mission moins simple qu’il n’y paraît, surtout lors de l’introduction d’un nouveau produit dans le rayon. Il arrive qu’un commercial sollicite un rendez-vous avec le chef de rayon ou le patron du magasin afin de lui proposer une réimplantation. La préconisation, si elle est acceptée, a certes pour but d’accorder une meilleure place aux produits de l’industriel, mais elle devra compter avec les marques de distributeurs que ces derniers souhaitent toujours mettre en avant. Ensuite, au commercial de s’occuper de la nouvelle mise en place, tôt le matin ou tard le soir, sans pour autant diminuer son nombre quotidien de visites. La nouvelle approche du category management “Aujourd’hui, avec la centralisation des achats et des décisions, le vendeur ne vend plus et le chef de rayon n’achète plus, raconte Michel Contant, chez Bernard Julhiet. Il y a quatre ou cinq ans, tous deux étaient démoralisés. Depuis qu’ils ont pris conscience de leur intérêt commun, la sortie des produits en magasin, ils collaborent à nouveau. Les discussions concernent le merchandising, les têtes de gondoles, les animations, avec parfois une réelle construction d’opérations réfléchies et intelligentes. On entre alors dans le category management.” Cette nouvelle approche casse les repères traditionnels. Prenant en compte l’attitude du consommateur vis-à-vis d’un produit dans son environnement, elle exige une réflexion globale sur le profil de clientèle et la zone de chalandise, notamment. Ce n’est plus seulement la notion d’achat qui prime, mais l’approche marketing. “Le category manager est un homme de produit marketing, précise Philippe Mosca, auteur du livre Initiation au merchandising, publié récemment aux Éditions d’Organisation. Il s’occupe entre autres choses de merchandising. Chez Casino, l’acheteur est devenu le category manager. Le terme et la fonction ont changé. La centralisation oblige aussi les industriels à réfléchir à des solutions clés en main pour optimiser la vente de leurs produits, tout en collant au planning du distributeur en matière de thèmes et d’animations. Le fabricant est en train de devenir un partenaire-conseil.” “Les implications structurelles du category management sont fortes, commente Frank Salvador, délégué général de l’Institut Français du Merchandising. De l’organigramme horizontal classique, on passe à un organigramme vertical où chaque category manager intègre à la fois le marketing et la vente. C’est une grosse mutation culturelle. Mais en France, cette philosophie est encore trop récente pour pouvoir en mesurer les résultats.” Ces thèmes seront d’ailleurs abordés lors de la journée technique de l’IFM prenant pour thème “Les outils force de vente en grande distribution”, le 4 novembre prochain à Paris. Le géomerchandising : le rayon devient un micro-marché Comment se porte le géomerchandising ? Il existe depuis assez longtemps pour avoir atteint un bon niveau de maturité, même si certains marchés ne l’ont toujours pas intégré. L’enquête de la lettre Industries agro-alimentaires & Distribution/Obsand montre une certaine réticence de la distribution : trop nouveau, insuffisamment expliqué, ne prend pas assez en compte la stratégie des enseignes, dit l’étude. “La qualité d’une base de données associée à la compétence marketing des industriels représente un vrai avantage concurrentiel, souligne Frank Salvador de l’IFM. Elle permet par exemple de mieux cibler les opérations de promotion et de les rendre moins coûteuses.” L’apport des bases de données consommateurs, du type Claritas ou Consodata, permet de considérer les magasins comme des micro-marchés. C’est d’ailleurs la philosophie merchandising du confiseur Lamy Lutti qui a créé, il y a seulement un an, sa cellule merchandising. À la suite d’une étude interne, l’industriel a constaté la mauvaise lecture du rayon confiserie par les consommateurs, rayon organisé par process de fabrication et non par moments de consommation. La force de vente Lamy Lutti a donc été formée à l’outil informatique, au logiciel Statigest et au géomerchandising à partir de panels de données Nielsen et Insee, afin de présenter à la distribution une nouvelle implantation. “Nous sommes les premiers à faire du géomerchandising au rayon confiserie, explique Nicolas Genin, responsable merchandising. Nous nous inscrivons dans un partenariat avec la distribution.” Parallèlement au category management, émerge timidement une nouvelle technique d’implantation, le branding, destinée à créer des univers de marques à l’intérieur des linéaires. “Les Américains se tournent fortement vers le branding, explique Georges Chétochine, de Georges Chétochine Conseil. À l’heure actuelle, les fabricants ont des difficultés à défendre leur marque propre, qui se retrouve éclatée avec celles de leurs concurrents. Les marques de produits de soin et de beauté ont des valeurs fortes qu’ils peuvent mettre en avant dans un même linéaire. Dans l’alimentaire, les valeurs des marques sont parfois très fortes aussi. Voyez Danone, par exemple, qui communique autour de la femme.” Transparence et précision des logiciels Mais le nerf de la guerre de l’évolution actuelle reste la transparence des systèmes d’information. “On est dans une logique verticale et dans une logique en réseaux, souligne Frank Salvador, délégué général de l’IFM. C’est une donnée relativement récente qui surfe sur le mouvement internet et intranet. La plupart des industriels sont désormais équipés de logiciels merchandising. La prochaine étape sera la communication entre ces outils et le suivi de l’activité commerciale.” Les logiciels, de plus en plus performants, se déclinent en produits sièges et force de vente. Iri-Secodip développe trois outils pour la gestion de produits en rayon : Apollo Professionnel, destiné aux commerciaux comptes-clés et aux responsables merchandising des industriels comme des enseignes (42 % des distributeurs en sont équipés), autorisant l’échange d’informations. Apollo Briefcase s’adresse aux forces de vente comme aux chefs de rayon. Quant à la version allégée Apollo Lite, elle sert aux commerciaux à réaliser des relevés de linéaires. Apollo TotalStore, outil à destination de la distribution, est un nouveau logiciel conçu pour gérer les rayons dans le magasin. Enfin, Apollo Investigator compile les données issues des plans Apollo pour effectuer calculs et moyennes. Chez Intactix, la solution Pro/sales permet à la fois de faire des relevés de linéaires et de l’analyse de performance des rayons. Relié au logiciel Merchandising Intergold, un seul relevé est nécessaire, et le siège et le terrain peuvent communiquer de façon quotidienne. Pro/space est l’outil siège par excellence et Interange est un logiciel de gestion d’assortiment. Chez AC Nielsen, Spaceman Professional, outil destiné au siège, autorise l’élaboration de planogrammes, la visualisation photo des produits et l’interfaçage avec des bases de données et analyses approfondies. C’est Merchandiser qui est l’outil terrain, une version allégée de Professional. L’accent est mis sur l’ergonomie des logiciels pour construire des rayons par simple clic sur des mobiliers standards et sur les produits. Paramétrables, ils vont du simple relevé à l’analyse complète. Enfin, chez IDC Studio, Iris gère les banques de données images. Tag’s permet de construire des fiches techniques et d’éditer des étiquettes de balisage en rayon. Quant à Smart, cet outil siège puissant est paramétrable pour le terrain en version plus légère. Il peut être associé à la base de données DB Studio afin de gérer des infos relevées en magasin. Sa spécificité : les produits apparaissent de façon très réaliste en tenant compte des formes et des transparences, grâce à la numérisation de l’image. “Il ne faut pas mélanger les stratégies, comme le category management, et les outils, comme les logiciels et le géomerchandising, qui servent cette stratégie, conclut Frank Salvador. Mais les outils doivent être ouverts et interfaçables à tous les niveaux pour s’adapter aux nouvelles démarches structurelles.”

“Si un magasin souhaite revoir son rayon spiritueux, Pernod peut apporter un véritable service. Tous nos commerciaux sont équipés du logiciel Briefcase qui a été personnalisé pour les besoins de notre métier et ceux de la distribution.” Jean-Yves Chabredier, responsable merchandising Pernod La société Pernod achète des panels externes (IRI, Merval, Experian, TVS), qu’elle croise avec des données internes. L’outil informatique, récemment adapté aux techniques du géo-merchandising, répond à la problématique du rayon alcools dans sa totalité. Il prend en compte la zone de chalandise, la typologie de la clientèle et la potentialité de chaque magasin. Le chef de secteur est alors à même de présenter une nouvelle organisation du rayon à son interlocuteur. Chez Pernod, chaque commercial est formé au géomerchandising terrain. “Notre objectif, souligne Jean-Yves Chabredier, c’est d’être l’interlocuteur merchandising privilégié sur le segment des spiritueux et d’apporter le service et les informations complémentaires à la distribution.”

Qu’attendent les chefs de rayon ? Trois quarts des responsables de la distribution* jugent utile la définition de l’assortiment et de l’organisation du linéaire pour chaque point de vente, et 71 % l’échange sur la gestion du linéaire entre les chefs de rayon et la force de vente. Seulement 56 % voient l’utilité de la définition d’un plan d’organisation national du linéaire, et 51 % celle du géomerchandising. La satisfaction exprimée sur ces thèmes est, elle, plus basse, de 20 points en moyenne : 33 % par exemple seulement sur le géomerchandising. Commentaire de la société d’étude Obsand, qui a analysé les résultats : “Même si l’évolution actuelle montre une forte centralisation des enseignes, c’est-à-dire la volonté d’une prise de décision unique, redéployée à l’identique sur chaque point de vente, on constate par ailleurs que les enseignes visent de plus en plus à favoriser la spécificité de chaque point de vente.” L’ensemble des résultats vient d’être publié dans un hors-série de la lettre des Échos, Industries agro-alimentaires et distribution. L’étude analyse aussi les attentes et les satisfactions par secteurs et par enseignes. * 351 responsables de magasin et chefs de rayon interrogés une première fois en mars 1998 et cette année d’avril à juillet sur la relation et le partenariat industrie-commerce (questionnaire mené par Téléperformance).

“La base de notre démarche merchandising, c’est d’apporter de la valeur ajoutée aux éléments dont dispose la grande distribution par des informations spécifiques à nos marques. Nous avons réalisé une étude qualitative et quantitative sur le comportement du consommateur vis-à-vis du rayon fromage, étude qui a confirmé sa préférence pour le regroupement par usages et destinataires plutôt que par familles technologiques.” François Preteseille, responsable du développement des ventes, Fromageries Vache Qui Rit (Groupe Bel) Les Fromageries de la Vache Qui Rit fabriquent du fromage fondu aussi bien pour l’apéritif, la cuisine, la fin de repas que pour le grignotage. Ainsi, la force de vente a pour mission de faire passer ce message un peu nouveau au chef de rayon, au moyen d’outils de présentation et de préconisation personnalisés au point de vente. Le discours s’affinera encore début 2000 avec une réflexion qui prendra en compte des données de géomerchandising.

“C’est notre comité merchandising national qui prend les décisions sur l’organisation générale des linéaires. Nous sommes prêts à discuter avec les industriels qui souhaitent nous présenter une nouvelle démarche merchandising, surtout si elle est accompagnée d’études de ruptures et d’études consommateurs.” Didier Barbare, responsable merchandising Champion (groupe Promodès) Après avoir reçu les différents représentants des marchés à traiter, le responsable merchandising réalise des planogrammes par régions à l’aide de Spaceman. Avec sept grandes régions Champion et trois types de magasins, sont ainsi formalisées 21 préconisations par familles de produits. “Mais sachant que nous avons un parc de 80 % de magasins franchisés, nous ne pouvons rien imposer. Le but, c’est de convaincre.” L’enseigne fait de plus en plus d’ECR (efficient consumer response), technique qui consiste à analyser une catégorie de produits pendant plusieurs mois avec un industriel. Elle a également initié des travaux sur les grands univers. En projet, un univers commun aux vins, apéritifs, alcools.

Ce qu’il faut retenir Les industriels proposent, les centrales des distributeurs disposent. Ces dernières sont de plus en plus directives mais restent à l’écoute des informations consommateurs ciblées que peuvent leur fournir les fabricants. L’heure est au partenariat entre distributeurs et fabricants pour la mise en place d’opérations spécifiques en magasin. Les commerciaux doivent veiller à leur bon déroulement sur le terrain. Le commerce indépendant reste important (Intermarché, Leclerc, etc.) et la négociation merchandising subsiste pour ce type de commerce. Les outils informatiques sont chaque année plus performants. Ils autorisent les relevés en linéaire mais aussi des analyses poussées des rayons, ainsi que l’échange d’informations entre industriels et force de vente, et entre industriels et enseignes.

 
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Bénédicte Le Guérinel

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