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Site communautaire : le miroir aux alouettes

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Certaines entreprises se sont lancées dans le monde aventureux des communautés, ces sites fédérant une certaine frange de la population autour d’un thème commun. Mais le manque de légitimité et les erreurs de positionnement expliquent que beaucoup s’y soient cassé les dents.

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Communauté : groupe social dont les membres vivent ensemble, ou ont des biens, des intérêts communs. Cette définition sert de base à plusieurs logiques de sites Internet dits “communautaires” qui se sont succédées ces dernières années. « Il est nécessaire de faire la distinction entre toutes les formes de communautés sur le Web pour comprendre exactement ce dont on parle », remarque Godefroy Jourdan, pdg de la Web agency B2L/BBDO. Il y a quelques années, les accros du jeu vidéo en réseau ont initié la première vague de sites de communauté. Puis le concept a dérivé et des sites comme Géocities.com ont créé des sites communautaires basés sur une logique marketing : chacun pouvait créer son site perso. Ces sites étaient ensuite regroupés dans des “villes” virtuelles, créées autour de thèmes précis comme le bricolage ou l’automobile. La troisième vague, la plus récente, a vu l’apparition de sites au contenu spécialisé, regroupant différents sites perso sur le même thème, souvent lancés par des éditeurs en ligne. C’est à ce stade que les entreprises ont commencé à s’intéresser vivement au principe des communautés et se sont donc lancées, à leur tour, dans la création de sites communautaires. De l’art de communiquer « Les marques souhaitent avant tout créer des sites communautaires dans le but d’ajouter une qualité de service à ce qui est déjà proposé sur leur site institutionnel », explique Bertrand Bathelot, d’ABC Net Marketing. En effet, la réflexion des entreprises semble logique. En tant que marques, elles pensent avoir une certaine légitimité à fédérer une communauté dans un domaine en rapport avec leur secteur d’activité. Exemple : je suis un fabricant de skis, je vais créer un site communautaire sur les sports de glisse. Les exemples les plus récents sont ceux de Kellog’s qui cible les 15-24 ans avec son site crisp-x.com, Royal Canin qui a lancé aniwa.com, site portail des amateurs d’animaux domestiques, ou Mattel avec son fameux Planète B. En créant ce genre de site, ces entreprises cherchent avant tout à s’approprier un outil de communication, voire de marketing direct. « Beaucoup d’entreprises ne peuvent se payer le luxe de s’offrir une campagne de marketing direct off line et pensent donc aux sites communautaires afin de pallier ce manque », note Godefroy Jourdan. Un site communautaire est souvent considéré par les marques comme un bon moyen de décliner un service complémentaire une fois qu’elles ont créé du trafic sur leur autre site. Ce support d’un genre particulier est également perçu comme une voie intéressante d’expansion pour l’entreprise. Les sites communautaires de marques ne sont pas tous calqués sur le même modèle. Pour la plupart, ils présentent un contenu éditorial, des conseils pratiques, des petites annonces, etc. En revanche le e-commerce est, dans la plupart des cas, interdit de séjour. C’est avant tout un site d’information et d’échange. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, nombre d’entreprises décident de ne pas apparaître (sous leur nom ou sous celui de leur marque) sur ces sites. Ainsi, Royal Canin a délibérément choisi de ne jamais être cité sur aniwa.com. Mais se lancer dans une telle aventure nécessite la plus grande prudence car il existe malheureusement très peu d’exemples de réussite. L’entreprise qui souhaite se doter d’un site communautaire doit avant tout réaliser un business plan, comme s’il s’agissait d’une diversification d’activité. Certaines questions sont également essentielles dans la réalisation du projet : quelle cible vise-t-on ? Avec quel contenu va-t-on remplir le site ? Comment va-t-on le faire vivre ? Le plus simple et le moins risqué est sans doute de passer par une agence qui saura apporter les réponses les plus pertinentes à ces questions primordiales. En effet, les agences de création de sites ont des compétences dans trois domaines stratégiques pour la réalisation d’un tel site : le contenu, l’interactivité et l’aspect “média on line”. Un site communautaire est, certes, un outil assez peu coûteux à mettre en place, mais la plus grande difficulté est de réussir à le faire vivre. À ce jeu-là, beaucoup d’entreprises se sont cassé les dents. Les marques ont beau voir dans un projet de site communautaire, un canal supplémentaire de communication, il existe en réalité très peu d’exemples de réussite en B to C. Il y a eu en 1997/1998, un important engouement pour ce phénomène. « Les chefs d’entreprise se faisaient plaisir en créant leur site communautaire, mais beaucoup ont sous-estimé la lourdeur et les coûts de mise en œuvre et de gestion d’un tel site », regrette Bertrand Bathelot. Mais ce n’est pas tout. Le principal obstacle tient en dix lettres : légitimité. Un exercice périlleux S’approprier une communauté est un pari très risqué pour une marque. Très peu d’entreprises ont cette légitimité et c’est encore plus vrai dans les secteurs concurrentiels. S’il existe une dizaine d’entreprises positionnées sur le même secteur, laquelle pourra légitimement revendiquer l’appropriation d’une communauté ? Godefroy Jourdan rappelle l’un des échecs les plus cuisants en la matière : celui de Renault et de son site communautaire sur la F1 qui n’a pas résisté à l’apparition d’un site sur le même thème, lancé par un éditeur spécialisé. En revanche, dans certains secteurs très peu ou pas représentés par les médias traditionnels, tels le bricolage, il existe un vrai défi qui vaut la peine d’être relevé. Alors, quelles entreprises peuvent créer un site communautaire sans risquer d’être coiffées au poteau ? Ce sont surtout des marques emblématiques ayant de fortes parts de marché, comme Kellog’s ou Mattel. Cependant, même pour ces entreprises, l’exercice reste périlleux. Car s’il est certain que ces marques ont un lien privilégié avec leurs clients, bénéficient-elles d’une légitimité leur permettant de s’approprier un thème et une communauté ? Des alternatives intéressantes Autre problème important que peuvent rencontrer les entreprises qui tentent l’expérience : le choix de la thématique. Se concentrer sur une passion capable de fédérer une communauté, c’est bien. Mais, en réalité, il suffit d’observer le succès des magazines en ligne pour comprendre qu’une seule thématique, et de plus assez réduite, c’est trop peu. Se focaliser sur un sujet très particulier, c’est prendre le risque de se fermer au commun des internautes, qui ne l’oublions pas, sont également des consommateurs. Le choix de la création d’un site communautaire, aussi attrayant qu’il puisse être, ne semble donc pas le plus judicieux. « Les investissements sont tout de même assez conséquents et le travail de gestion, lourd. À ce stade, beaucoup d’entreprises se font piéger », explique Godefroy Jourdan. Ce dernier conseille donc aux entreprises qui souhaitent tout de même entreprendre cette démarche communautaire, de concentrer leurs efforts sur des sites d’éditeurs ayant déjà fait leurs preuves. En effet, plutôt que de créer son propre site, avec tous les risques que cela implique, mieux vaut parfois se positionner en tant qu’annonceur sur des sites qui se situent au cœur de sa cible ou, c’est une autre option, réaliser des opérations marketing “one shot” sur ces mêmes sites. Aux États-Unis, Pampers s’est ainsi associé à un portail communautaire parental et le concept fonctionne bien. Enfin, dernière alternative : se rattacher à un site marchand développé par une enseigne à qui l’on fournit des contenus éditoriaux. « C’est une nouvelle approche dont on parle peu et qui mérite pourtant que l’on s’y intéresse », affirme Godefroy Jourdan. Et pour cause : les distributeurs développent des sites de courses en ligne de plus en plus performants. Cependant, ces sites, aussi riches soient-ils, manquent cruellement de pages informatives. C’est une place à prendre pour les marques, à l’instar de L’Oréal qui, aux États-Unis, a été approché par la chaîne de magasins Walmart afin de créer, sur le site du distributeur, des fiches pratiques sur la coloration. « L’avenir de l’implication communautaire des marques est dans ce concept, renchérit Godefroy Jourdan. Car si l’on regarde les 500 premiers sites Web français, aucun n’appartient à une marque ! »

« Avec ce site communautaire, Royal Canin peut développer des opérations commerciales sur des cibles qu’il n’aurait jamais pu atteindre autrement. La marque n’étant pas visible, cela fait moins peur aux internautes. » Bernardo Gallitelli, p-dg d’aniwa.com (Royal Canin) Après avoir lancé son premier site en 1995, Royal Canin se lance en 1999 dans l’aventure communautaire avec aniwa.com, un portail destiné aux amateurs d’animaux domestiques et aux professionnels. « Nous nous positionnons comme un média, un médiateur de service et une place de marché, tout cela dans un but communautaire. » Royal Canin, actionnaire principal du site, fournit les contenus mais n’est pour l’instant pas visible sur les pages. « Cela a fait l’objet de grandes discussions mais pour acquérir une certaine légitimité au départ, c’était une nécessité. Cependant, Royal Canin profite des opérations terrain et utilise le site comme un bon support commercial. »

éléments-clés de notre plan de communication. » François Rouilly, directeur marketing Kellog’s France « Notre site crisp-x.com est un vrai site communautaire et non une vitrine de Kellog’s. » Le site, lancé par la marque de céréales en septembre 2000, est destiné aux 15-24 ans, avec un enjeu-clé : doper l’intérêt de cette catégorie de consommateurs pour les céréales. « Nous avons souhaité développer un site avec un ton décalé et interactif. Le but est essentiellement un but de communication. L’internaute se connecte pour le contenu et non pour la marque. » Kellog’s espère ainsi créer un lien avec ses consommateurs. « Les leçons que nous tirerons grâce à ce site nous aideront sûrement dans la création d’un site institutionnel. C’est une première étape importante. » « Nous n’avons pas à l’heure actuelle de site institutionnel. Mais notre site communautaire Crisp-X est un site de divertissement pour les 15-24 ans qui se désintéressent des céréales. La création de ce lien était l’un des

« Cyber Pimkie est un véritable site communautaire qui n’a aucun objectif commercial. Avec ce projet, la direction générale s’inscrit plutôt dans le moyen-long terme. » Dennis Grimmer, directeur de la communication de Pimkie (Groupe Orsay) Depuis deux ans, la marque de vêtements teste la logique communautaire à travers son site pimkie.fr. Ce dernier veut être un espace de liberté pour les jeunes filles actuelles. « L’option que nous avons prise est de ne rien vendre. Nous n’avons donc pas misé sur l’e-commerce. Mais ce que nous avons créé, c’est un véritable laboratoire. » Cyber Pimkie est donc basé sur une logique de média qui doit permettre aux jeunes filles de se détendre et de s’amuser. « Si cela fonctionne, c’est parce que nos jeunes internautes ne se sentent pas agressées. Si elles souhaitent acheter des vêtements, elles se rendent dans nos magasins ; sur le site, elles prennent le temps de se divertir, et c’est un plus ! »

Ce qu’il faut retenir Lorsqu’une marque veut communiquer par le biais d’un site communautaire, elle doit veiller à bénéficier d’une légitimité suffisante pour s’approprier le thème ou le secteur concerné. Très peu d’entreprises réussissent à imposer leur site comme une véritable communauté. Un site communautaire doit avoir un contenu éditorial parfait, ce qui nécessite souvent d’avoir des équipes dédiées qui devront faire vivre ce contenu. Avant de se lancer, il est préférable de réaliser un business plan et de se poser les bonnes questions : quelle cible ? Quelle thématique ? Quel contenu ? À qui cela profite-t-il ? Les Web agencies peuvent être de précieux alliés dans cet exercice souvent périlleux. Mais ces dernières s’investissent principalement dans des projets à petite échelle, sans ambitions démesurées, les autres étant malheureusement trop souvent voués à l’échec.

 
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Isabelle Condou

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