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Une nouvelle donne basée sur la libre concurrence

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La fin du monopole communal des pompes funèbres a changé la donne pour les entreprises funéraires. Sur un marché stable, chacun affine son plan de bataille

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En 1998, disparaissait le monopole communal des pompes funèbres. En vertu d’une loi votée cinq ans plus tôt, régies municipales, grands groupes et petites entreprises entraient définitivement, après une période de transition, dans l’ère de la libre concurrence. Avec un seul juge : le client. Oubliée l’époque où les communes disposaient d’un droit de concession exclusive, interdisant tout autre choix au consommateur. Sur ce marché stable – on dénombre depuis plusieurs années 520 000 à 530 000 décès par an, et le chiffre d’affaires annuel de la profession est estimé entre 15 et 18 milliards de francs –, la redistribution des cartes était inévitable. Elle s’est faite au détriment des régies municipales et du leader du secteur : OGF. Un groupe implanté dans quelque 300 villes, et qui rassemble plus d’une centaine de marques (Pompes Funèbres Générales, Roblot, Henri de Borniol, etc.), des marques pieusement conservées pour profiter de leur notoriété locale. Avec la fin du monopole, il a dû faire face à l’arrivée d’une multitude de nouveaux intervenants, pour l’essentiel de petites entreprises. On estime aujourd’hui à 7 000 environ le nombre de PME qui réalisent un chiffre d’affaires significatif dans le secteur. Le marché est donc plus que jamais atomisé. Nouvelle concurrence aussi avec l’essor d’un discounter, Roc’Eclerc. Mais si OGF a certes perdu du terrain, il devance toujours ce concurrent et les régies municipales : il détient aujourd’hui 28,5 % de parts de marché (soit plus de 150 000 décès), et réalise un chiffre d’affaires d’environ 3 milliards de francs. Accompagner l’offre de services Les jeux sont d’ailleurs encore loin d’être faits. Grands groupes et PME doivent s’adapter pour répondre aux attentes des consommateurs. Exemple : 78 % des décès ont désormais lieu à l’hôpital, ce qui pose problème aux familles qui souhaitent veiller leurs défunts dans l’intimité. Les entreprises de pompes funèbres doivent donc s’équiper de chambres funéraires. Forte demande aussi pour les services. Les clients refusent de multiplier les démarches et les interlocuteurs (fleuriste, marbrier, etc.), et désirent être accompagnés même après les obsèques (formalités administratives, etc.). Les entreprises doivent donc offrir des prestations de plus en plus complètes. De nouveaux services sont ainsi apparus. “Nous avons été les premiers à proposer aux familles une aide après les obsèques, pour régler tous les détails administratifs, souvent douloureux et pesants : nous pouvons traiter toutes les démarches pour faire valoir leurs droits le plus rapidement et le plus efficacement possible”, souligne Marc Mauger, directeur du marketing d’OGF. Un défi difficile à relever pour les PME. Mais l’issue de la bataille dépendra aussi des efforts déployés dans le domaine des contrats de prévoyance obsèques. Ils permettent au souscripteur de pré-financer ses funérailles, et, de plus en plus souvent, d’en fixer à l’avance les modalités (choix du cercueil, etc.). Les entreprises funéraires s’assurent ainsi un chiffre d’affaires pour les années à venir. Le nombre de contrats obsèques progresse aujourd’hui au rythme de 25 % par an. Selon certaines estimations, d’ici cinq ans, environ 30 % des obsèques seront organisés à l’avance. OGF a d’ailleurs créé sa propre compagnie d’assurance, et dispose de près de 200 commerciaux dédiés à ces produits. Comme les assureurs, le groupe lance par exemple des campagnes de marketing direct (mailing, publicité, couponning, etc.). Un axe commercial d’autant plus stratégique que le nombre de décès, stable jusqu’en 2005, devrait rapidement croître ensuite. En 2040, la France devrait en enregistrer 800 000 par an. Une progression en volume qui s’accompagnera sans doute d’une augmentation des dépenses des Français, de plus de 45 % en valeur d’ici l’an 2040 selon une projection de l’Insee. Il faudra aussi pour les acteurs de ce marché compter avec l’engouement récent des Français pour la crémation. On en dénombrait 18 000 dans l’Hexagone en 1986, et près de 75 000 en 1997. Or, la crémation est moins coûteuse. En 1997, le prix moyen des obsèques était évalué à 26 000 francs en cas d’inhumation, contre moins de 10 000 francs en cas d’incinération. NB : Le salon Funéraire se tiendra du 12 au 14 novembre prochain au Parc des Expositions du Bourget..

“La prévoyance funéraire est un enjeu majeur. C’est elle qui distribuera les cartes sur le marché des pompes funèbres dans dix ou quinze ans.” Jean-Louis Duhart, pdg de Pompes Funèbres Pays Basque Les petites entreprises ont aussi fort à faire pour s’adapter aux nouvelles règles du marché. “Les familles souhaitent aujourd’hui trouver chez nous toutes les prestations, et ne plus avoir à faire des démarches supplémentaires auprès d’un marbrier, d’un fleuriste, etc. Offrir une telle gamme de services est évidemment très difficile pour une PME”, souligne Jean-Louis Duhart. Le pdg de cette entreprise de dix salariés (qui réalise 5 à 6 millions de francs de chiffre d’affaires annuel) a pourtant relevé le défi. En cinq ans, il a ouvert une chambre funéraire, et racheté un magasin de fleurs. “Mais il y a des services – comme l’assistance aux familles pour régler les formalités administratives après les obsèques – qu’une PME ne peut mettre en place seule. Demain, les petites entreprises devront s’entendre entre elles pour ajouter de telles prestations à leur offre”, estime-t-il. Autre enjeu, crucial à ses yeux : les contrats prévoyance obsèques. “Les Français sont de plus en plus nombreux à souscrire ces contrats et à organiser leurs obsèques à l’avance. Or, les grands groupes sont très présents sur ce terrain, dans les maisons de retraite, les clubs du troisième âge, etc. Prises par le quotidien, les PME sont moins actives sur ce créneau. Développer cette activité est aujourd’hui notre priorité.”

“Notre ambition est de regrouper les PME pour, qu’ensemble, elles puissent rivaliser avec les grands groupes.” Philippe Martineau, président du directoire de la SA Udife (Le Choix Funéraire) “Les Français doivent avoir le choix, martèle Philippe Martineau. La disparition du monopole des pompes funèbres n’a pas mis fin à la domination d’OGF. Pour rivaliser avec d’aussi grands groupes et offrir une alternative aux clients, les PME doivent se fédérer autour d’un même label.” Cet ancien directeur commercial d’une société de bronze funéraire – qu’il avait rejoint après avoir fait ses classes à la centrale d’achat de PFG – consacre son énergie au Choix Funéraire. Une marque commerciale adoptée aujourd’hui par quelque 160 entreprises, qui totalisent 480 points de vente en France. Celles-ci signent un contrat de marque avec la société Udife qui leur offre, à la manière d’une coopérative, une centralisation des achats et une aide technique : services juridique et marketing (agencement des magasins, rédaction des mailings), formation, etc. Le Choix Funéraire, qui réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires consolidé de 600 millions de francs, a consacré l’an dernier 4 millions de francs à une campagne télévisée pour développer la notoriété de la marque. Il compte aujourd’hui 8 % de parts de marché (contre 0,92 % en 1992), et a l’ambition d’en détenir 15 % en 2002, en s’implantant notamment en milieu urbain. “Nous ne sommes pas des discounters. Mais nos frais de structure plus légers nous permettent d’avoir un positionnement prix plus intéressant que les grands groupes”, explique Philippe Martineau. Originalité : Le Choix Funéraire a créé, à parité avec le groupe Allianz, une société d’investissement destinée à financer les candidats à la reprise de PME de pompes funèbres, qui, faute de repreneurs, disparaissent souvent lorsque leurs dirigeants cessent leur activité. Pour l’assureur allemand, les PME constituent en effet une force de vente précieuse pour les contrats de prévoyance obsèques.

“Nous avons fait évoluer notre offre pour répondre aux attentes des familles.” Marc Mauger, directeur du marketing d’OGF Grande remise à plat chez OGF. “Avant, notre interlocuteur était la municipalité, qui s’inquiétait par exemple de la qualité du service public, de notre capacité à offrir des moyens humains et techniques suffisants en cas d’urgence. Aujourd’hui, nos clients sont les familles, dont nous devions, avant de refondre notre offre, connaître précisément les aspirations”, explique Marc Mauger. Depuis 1995, le groupe lance donc sur tous les sujets des enquêtes auprès des consommateurs. Puis teste auprès d’eux la nouvelle offre. “Nous nous sommes ainsi aperçus que nos clients avaient besoin de comprendre. Consuméristes dans leur vie quotidienne, ils attendent notamment des informations sur ce qu’ils achètent pour pouvoir faire leur choix.” Depuis deux ans, les collaborateurs de l’entreprise sont formés à ces nouvelles méthodes (OGF consacre 4 % de son chiffre d’affaires à la formation). Désormais, devis et factures détaillent et commentent les principaux éléments du prix. La présentation des produits a été revue, pour dédramatiser le choix, tout en permettant aux familles de se repérer facilement dans les gammes et les tarifs. En outre, depuis 1992, OGF a ouvert une vingtaine de Funespace, des grandes surfaces spécialisées dans le funéraire, où le client a tout loisir, sans gêne, de comparer prix et produits. Le groupe a, en outre, segmenté son offre, en créant, à Paris, des pompes funèbres adaptées aux coutumes des communautés asiatique, israélite ou musulmane. Enfin, depuis trois ans, le groupe lance régulièrement des enquêtes de satisfaction, pour mesurer la qualité de ses prestations.

 
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A. Planté

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