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Yves Dumont, président du directoire de Laurent-Perrier : Une maison pétillante de modernité

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Le credo d’Yves Dumont : moderniser Laurent-Perrier tout en conservant son image d’emblème de la tradition française.

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Action Commerciale : Le chiffre d’affaires de Laurent-Perrier est en hausse de 2,7 % sur l’exercice 2000-2001. L’entreprise s’en sort plutôt bien par rapport à ses concurrentes ?

Yves Dumont

: En effet, c’est même une belle performance compte tenu de la conjoncture du marché du champagne. En 2000, ce secteur a connu une déprime et, en 2001, la sinistrose s’est poursuivie. À l’origine de ce phénomène, il y a eu le passage à l’an 2000. Les intermédiaires et, dans une moindre mesure, les consommateurs, avaient acheté massivement des bouteilles de champagne dans une sorte de syndrome d’enthousiasme collectif. Or, les fêtes de fin d’année ont été marquées par la tempête et ses dégâts, qui n’ont pas été propices à un climat de fête. Et les consommateurs n’ont pas bu plus que d’habitude : ce n’est pas parce que l’on passait à l’an 2000 qu’il fallait se rendre ivre mort ! Au final, il y a donc eu une situation de surstockage : les intermédiaires, qui avaient acheté beaucoup plus de champagne que d’habitude, se sont retrouvés avec un excédent de 70 millions de bouteilles, qu’ils ont dû ensuite écouler en 2000 et en 2001. Il a fallu au marché le temps d’absorber ce stock. Et ce n’est que depuis le début de l’année 2002 que les choses rentrent dans l’ordre : globalement, le marché croît de 15 % au premier semestre, retrouvant ainsi son niveau normal.

Vous êtes, aujourd’hui, le numéro trois français du champagne derrière Moët et Cliquot. Un an auparavant, vous occupiez la quatrième place…

C’est simple : les autres marques ont vu leurs volumes diminuer, pas nous. Nous en sommes évidemment fiers, mais attention, je précise tout de suite que nous n’avons pas pour objectif de faire de gros volumes : dans le vin, la quantité est bien souvent l’ennemie de la qualité. Or, nous tenons évidemment à faire des produits de qualité : nous sommes une entreprise artisanale, même si nos méthodes sont modernes.

Comment, dans ces conditions, expliquer votre bonne tenue ?

Nous sommes la seule maison de champagne au monde à avoir nos propres commerciaux. Les plus petites entreprises n’ont pas la taille et le CA critiques pour justifier des frais fixes d’une force de vente, et passent par des multicartes. Les plus grandes sont alliées à des groupes de vins et spiritueux qui vendent tous les alcools : aucun commercial n’est donc spécialiste du champagne. Nous employons une centaine de commerciaux salariés répartis en France, en Belgique, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Suisse. C’est cette force de vente qui est le moteur de notre développement commercial.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que nos commerciaux ont le temps de parler de nos produits : ils n’ont que cela à vendre ! Ils peuvent, ainsi, évoquer en détail toute notre gamme, ce qui ne serait pas le cas autrement. Ce serait la loi du 80/20 : ils parleraient des 20 % de produits qui font 80 % du chiffre d’affaires. En l’occurrence, chez nous, ils ne parleraient pas des champagnes les plus haut de gamme. Or, pour Laurent-Perrier, les produits haut de gamme représentent plus de 20 % du CA : c’est plus que chez la plupart de nos concurrents. Et, l’an passé, c’est ce segment de marché qui a tiré notre chiffre à la hausse.

Précisément, avoir votre propre force de vente vous permet-il également de choisir vos circuits de distribution ?

Effectivement, en fonction de la conjoncture, nous pouvons dire à nos commerciaux de porter leurs efforts, par exemple, sur les CHR (cafés, hôtels, restaurants) de prestige. Ils peuvent alors parler de toute la gamme et prodiguer des conseils sur le mariage d’un champagne et d’un plat, par exemple. Ils ne sont pas seulement là pour vendre des bouteilles, mais aussi pour conseiller. C’est extrêmement important dans notre métier, parce que, dans un restaurant, c’est assez rarement le consommateur qui décide de ce qu’il veut boire. Le maître d’hôtel ou le sommelier sont prescripteurs : c’est pour cette raison qu’il est primordial, pour nous, de fournir du conseil. Et ça, on ne peut le faire bien qu’avec des commerciaux directs.

Néanmoins, vous vendez également en grandes surfaces…

Bien sûr, et nous n’en avons absolument pas honte. Un tiers de nos volumes en France est écoulé en grandes surfaces. Cela ne déprécie pas le produit, si c’est bien contrôlé, c’est-à-dire que nous refusons les promotions ou les animations délirantes. Les ventes en GMS sont essentielles, mais cela ne représente, en tout, que six ou sept clients. Le réseau des CHR de prestige et des cavistes, lui, totalise plus de 15 000 clients : c’est ici que les forces de vente trouvent tout leur sens.

Vous exportez 60 % de votre production, proportion assez faible comparée à certains de vos concurrents, dont l’essentiel du marché est à l’étranger. Pourquoi ?

C’est vrai que nous avons, chez Laurent-Perrier, une faiblesse à l’export, en particulier sur les marchés américain et japonais. Faiblesse que nous souhaitons corriger. Cela dit, nous sommes très contents de vendre 40 % de notre production en France. Nous pensons que le marché hexagonal est très important : une grande marque de champagne comme la nôtre doit absolument être présente à Paris et en province, parce que nous vendons un produit emblématique de la tradition, du savoir-faire et du terroir français.

Ce métier, vous l’avez dit, est à la fois artisanal et moderne, dans le domaine du luxe et dans celui de la grande distribution… Comment recrutez-vous des vendeurs susceptibles d’allier toutes les qualités nécessaires à la vente de vos produits ?

Nous recherchons avant tout des gens passionnés par le vin à titre personnel. Leur rôle est en effet d’être de véritables ambassadeurs de notre marque, de transmettre notre culture d’entreprise. Nous ne leur demandons pas simplement de vendre, mais de vendre bien : leur rôle de conseil est essentiel. C’est pourquoi, nous avons beaucoup de commerciaux qui sont d’anciens cavistes ou maîtres d’hôtel.

Quels rapports entretenez-vous avec vos commerciaux ?

Avant chaque embauche, je rencontre les candidats qui ont été présélectionnés et je donne mon avis. Je les connais donc tous et je les revois ensuite régulièrement, soit en réunion, soit sur le terrain. Je perpétue ainsi une vieille tradition de la maison Laurent-Perrier, qui veut que le président participe de temps en temps à des tournées commerciales. C’est, pour moi, tout à fait essentiel, parce que j’en reviens toujours avec des idées nouvelles. Je pense qu’un président doit aussi se frotter au terrain : lire les rapports ne suffit pas ! De plus, participer à des tournées permet de faire passer des messages commerciaux. Enfin, je vais sur le terrain parce que j’aime la vente et le contact avec les clients.

Vous-même venez d’horizons très différents, puisque vous avez notamment travaillé auparavant chez Unilever, Géant vert ou Tropicana. Un parcours qui n’a rien à voir avec le monde du champagne et du luxe…

Il y a cinq ans, je suis arrivé chez Laurent-Perrier avec une grande humilité, en disant : " Apprenez-moi ! ", car je ne connaissais rien du tout au champagne ! Aujourd’hui encore, je continue d’apprendre ce métier compliqué : chaque vendange, chaque cuvée est différente d’une année sur l’autre. Le champagne naît d’une magie, d’une sorte d’alchimie complexe, face à laquelle il faut rester humble. Cependant, mon rôle, en tant que président du directoire, n’était pas d’intervenir sur la qualité des vins, mais de redresser financièrement une maison un peu vieillissante. Nous avons donc introduit Laurent-Perrier en Bourse, sur le second marché de Paris, nous avons revu les circuits de distribution. Aujourd’hui, toutes les bouteilles Laurent-Perrier sont vendues par nos équipes commerciales, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Est-ce pour moderniser l’image de marque que vous êtes en train de changer l’habillage des bouteilles ?

Oui, c’est le grand chantier actuel. Cela peut paraître anodin mais, dans notre métier, ce n’est pas facile. Nos clients, comme les consommateurs finaux, aiment bien reconnaître les bouteilles. Nous devons donc le faire en douceur. Et pourtant, c’est nécessaire, parce que la maison Laurent-Perrier a évolué ces dernières années, et les anciennes étiquettes reflètent l’image d’une autre époque, qui n’est plus de mise aujourd’hui. Nous avons toujours été à la pointe de l’innovation, par exemple avec le lancement d’un grand rosé à une période où il n’y en avait pas. Et nous devons continuer à mettre cette modernité en avant.

Les professionnels disent de vous que vous réalisez la synthèse entre tradition et modernité. Est-ce exact ?

Le champagne est à la fois un emblème de la tradition et un produit moderne. Mon épouse est cambodgienne. Eh bien, le champagne se marie parfaitement avec de nombreux plats de la cuisine asiatique. C’est cela aussi, la modernité du champagne !

Parcours

Une carrière de gourmet

1971

Après des études à HEC, Yves Dumont entre dans le groupe Unilever en tant que chef de produit des laboratoires Sarep. Il évolue au sein du groupe et devient chef des ventes en région.

1977

Yves Dumont est directeur adjoint de Belin. Il poursuit alors sa carrière dans le secteur de l’agroalimentaire.

1979

Il entre chez Géant Vert France en tant que directeur général. Cinq ans plus tard, il prend la direction générale de Géant Vert Europe.

1990

Yves Dumont est nommé p-dg de Tropicana Europe, qui appartient au groupe Seagram.

1997

Il intègre Laurent-Perrier en tant que président du directoire et directeur du développement. Sa principale mission consiste à opérer le redressement financier de la maison de champagne.

Repères

Une gamme étendue de champagnes

Les vins tranquilles

Ils ne bénéficient pas de l’appellation de “champagne”, mais perpétuent une tradition de cette région en offrant des cépages typiques de ce terroir. On trouve ainsi un ratafia à 11 euros, un chardonnay à 15,50 euros, un pinot franc à 17 euros et un bouzy rouge à 18,50 euros.

Les champagnes moyenne gamme

Le Demi-Sec et le Brut Laurent-Perrier sont vendus à 25 euros. Ces deux produits sont le reflet de la tradition de la maison Laurent-Perrier, contrairement aux champagnes millésimés qui reflètent une année.

Les champagnes haut de gamme

Ce sont les bouteilles vendues au-dessus de 30 euros, qui représentent plus de 20 % du chiffre d’affaires de Laurent-Perrier. Outre les Brut Vintage 1993 (32 euros), l’Ultra Brut (32 euros) et La Cuvée Rosé Brut (42 euros), la maison propose des vins plus onéreux, issus d’un travail rigoureux. Le Grand Siècle La Cuvée est ainsi vendu 72 euros, le Grand Siècle 1990, 110 euros et, enfin, le Grand Siècle Alexandra Brut Rosé 1990, 137 euros.

 
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Frédéric Thibaud

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