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“Biotechs” : des pépites qui valent de l’or

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Les médicaments soignant le cancer ou le sida sont peut-être pour demain. C’est en tous cas ce que promettent les sociétés de biotechnologie. Des valeurs spéculatives qui, pour la plupart, ne sont pas encore rentables.

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L’homme possède environ 30 000 gènes : cette information a fait la une des journaux en mars dernier. Et en effet, le décryptage partiel de la carte du génome humain est une découverte capitale. La connaissance des gènes ouvre la voie à un nouveau type de médecine : alors qu’aujourd’hui on traite surtout les symptômes des maladies, les futurs médicaments pourront en soigner les causes, et être ainsi bien plus efficaces. C’est d’autant plus important que des maladies graves, jusqu’à présent pratiquement incurables, comme le cancer, les affections neurologiques et dégénératives ou le sida, se trouvent au cœur des recherches des biotechnologies. Une étude de Merrill-Lynch évalue à plus de 350 le nombre de nouveaux médicaments actuellement développés par les biotechs dans le monde. Un secteur prometteur donc, et qui aiguise bien des appétits. Quantité de petites sociétés effectuent des recherches à fonds perdus – pour le moment – en espérant trouver la molécule miracle. La situation est assez comparable à celle des start-up Internet qui dévorent beaucoup d’argent frais pour atteindre au plus vite la rentabilité. Comme sur le Web, les biotechs doivent procéder à des levées de fonds, enregistrent des pertes, s’introduisent en Bourse… et certaines disparaîtront inévitablement. Comme l’explique Aram Mangasarian, business développeur chez Exonhit, «certaines mourront faute d’avoir trouvé un créneau suffisamment original et novateur. » Entre start-up Internet et biotechs, la comparaison ne s’arrête pas là : les deux secteurs, côtés sur le Nasdaq, aux États-Unis, ou sur le Nouveau Marché, en France, ont été adulés sur les places financières avant de connaître une descente aux enfers. En un an, ces valeurs ont perdu environ 30 % de leur capitalisation au Nasdaq. « La spéculation du secteur ne donne pas beaucoup de sérénité aux entreprises du marché, reconnaît Gérard Soula, p-dg de Flamel Technologies, mais elle n’altère en rien la pérennité des biotechnologies, qui sont véritablement l’avenir de la pharmacie. » Les grandes sociétés pharmaceutiques en sont d’ailleurs bien persuadées, qui signent à tout va des partenariats avec les biotechs. Ainsi, chez Novartis, 27 % du budget R&D est investi dans des partenariats avec de petites sociétés de biologie moléculaire. Autre exemple : Cerep, l’une des seules biotechs françaises déjà rentables, a conclu des accords avec des géants comme Sanofi Synthélabo ou Bristol Myers Squibb. Mais Cerep est l’exception qui confirme la règle : la plupart des sociétés ne tablent pas sur la rentabilité avant 2004 ou 2005, c’est-à-dire lorsque certains de leurs produits auront fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Aucune biotech sérieuse n’envisage toutefois de vendre directement et sous son nom les médicaments. Ce sont les grandes sociétés pharmaceutiques possédant le savoir-faire marketing et les forces de vente adéquates qui commercialiseront les produits. « Mais, affirme Thierry Jean, p-dg de Cerep, le jour où les biotechs commenceront à percevoir les premières royalties, ce sera le jackpot. »

« Ce secteur a démontré son réalisme industriel. Les biotechnologies sont véritablement l’avenir de la pharmacie. » Gérard Soula, p-dg de Flamel Technologies En l’an 2000, Flamel Technologies a fêté ses dix ans d’existence. C’est dire si elle ne peut plus, aujourd’hui, être qualifiée de “start-up”. D’autant qu’avec cent trente salariés, une cotation sur le Nasdaq depuis 1996 et un produit déjà commercialisé (des lentilles photochromiques), la société possède un solide historique. Pourtant, Flamel a enregistré l’an passé des pertes de 9,5 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 10,9 millions de dollars. C’est que la recherche de nouveaux médicaments est gourmande. « Nous développons actuellement dix projets sur la base de technologies exclusives », explique Gérard Soula, le p-dg. Parmi eux, des médicaments pour traiter le diabète, d’autres pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires ou la stérilité. Des axes de recherche prometteurs ; imaginez en effet les retombées financières d’un produit permettant de soigner différentes formes de diabète ! Ce sont ces perspectives de rentabilité forte qui poussent les investisseurs à soutenir Flamel Technologies, la société ayant réussi, depuis sa création, à lever la bagatelle de 65 millions de dollars. Et ce ne sont pas les soubresauts des valeurs biotechs en Bourse qui vont faire changer d’avis Gérard Soula. Pour lui, « ce secteur a démontré son réalisme industriel. Et même si la spéculation des investisseurs ne donne pas beaucoup de sérénité aux entreprises de ce marché, elle n’altère en rien leur pérennité. » D’ailleurs, Flamel a signé de nombreux partenariats avec des sociétés pharmaceutiques traditionnelles, (comme Novo Nordisk), qui rémunèrent les recherches dès qu’un nouveau palier de découverte est franchi. Pour Gérard Soula pas de doute : « Les biotechnologies sont véritablement l’avenir de la pharmacie. »

« Il nous faut conclure des partenariats avec des sociétés pharmaceutiques, car elles seules ont les moyens de commercialiser nos produits. » Aram Mangasarian, business développeur chez Exonhit Créé en 1997 par trois anciens de Rhône-Poulenc, Exonhit s’est spécialisé dans le “profilage thérapeutique”, une technologie permettant de peaufiner des médicaments adaptés au profil génétique des patients. « Nous avons deux activités, explique Aram Mangasarian, business développeur. D’une part, nous vendons aux sociétés pharmaceutiques des diagnostics, nos “profilages” de médicaments ; d’autre part, nous développons trois projets pour produire de nouveaux médicaments : deux sur le traitement des cancers, et un pour les maladies neurodégénératives. » Pour l’heure, Exonhit tire ses revenus de la seule première activité, et ne prévoit pas de commercialiser ses nouveaux médicaments avant 2004, au mieux. Exonhit, qui compte quarante-cinq salariés, est le type même de l’entreprise biotech pas encore rentable. Deux levées de fonds lui ont permis de récolter jusqu’à présent plus de 16 millions d’euros, et les responsables commerciaux se bornent à dire que les revenus augmentent à un rythme annuel de 100 %. L’avenir, Aram Mangasarian le voit sereinement : « D’abord, il nous faut conclure des partenariats avec des sociétés pharmaceutiques, car elles seules ont les moyens de commercialiser les produits. Ensuite, il nous faut amener nos médicaments en phase d’essais cliniques. Et alors seulement, à l’horizon 2003, nous prévoyons une introduction en Bourse. Cela ne nous inquiète pas, car nous avons une technologie brevetée et unique. Mais je suis persuadé que 30 % des biotechs mourront, c’est-à-dire celles dont les recherches ne sont pas fondées sur une technologie véritablement innovante. »

Repères en chiffres 350 : c’est le nombre de nouveaux médicaments actuellement en cours de développement dans le monde, dans les sociétés de biotechnologies. 15 % : c’est la proportion de la capitalisation boursière actuelle des sociétés de biotechnologies dans l’ensemble du secteur pharmaceutique mondial ; soit environ 300 milliards de dollars. 37 % : c’est le rythme de croissance du nombre de brevets déposés dans le secteur des biotechnologies en France en l’an 2000, ce qui place notre pays au cinquième rang mondial derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni.

« Nos petits moyens nous ont immédiatement condamnés à être rentables. Un business model réussi, puisqu’en 2000, Cerep est la troisième performance de la Bourse de Paris, tous marchés confondus ! » Thierry Jean, p-dg de Cerep Cerep est une biotech atypique. « Je l’ai créée en 1989 avec un tout petit budget, raconte Thierry Jean, son p-dg. Nos petits moyens nous ont immédiatement condamnés à être rentables. » Alors que la plupart de ses consœurs doivent lever des fonds, Cerep commence par vendre des services aux grandes sociétés pharmaceutiques pour financer la recherche et le développement. Une stratégie payante puisque c’est l’une des rares biotechs déjà rentables aujourd’hui. Ce qui lui a permis, par exemple, de racheter un laboratoire de l’Institut Pasteur de Lille, celui d’Upsa, de créer une filiale aux États-Unis et d’entrer en Bourse en 1998. Cette crédibilité l’a également conduite à lancer, en partenariat avec de prestigieuses entreprises comme Sanofi Synthélabo ou Bristol Myers Squibb, huit programmes de recherche pour trouver de nouveaux médicaments dont l’un dans le traitement du sida. Les médicaments ainsi découverts seront commercialisés par les partenaires. « En caricaturant à peine, je dirais que les big pharmas se spécialisent dans la vente, et les biotechs, dans la recherche », lance Thierry Jean. Ce business plan séduit manifestement beaucoup les investisseurs : peu de sociétés peuvent en effet se targuer d’une progression du cours de l’action de 350 % en l’an 2000, ce qui fait de Cerep la troisième performance de la Bourse de Paris, tous marchés confondus ! Un record au regard du massacre qui a eu lieu sur les autres valeurs biotechs. « Mais, contrairement à bien d’autres, explique Thierry Jean, nous avons un profil de faible risque, et le jour où nous toucherons les premières royalties, ce sera le jackpot. D’ici là, notre business-model nous permet de tenir sans brûler de cash. »

 
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Frédéric Thibaud

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