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« Le centre d'appels doit devenir un centre de profit »

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Président-fondateur du groupe Call Center Alliance et auteur d'un ouvrage de référence sur les centres d'appels*, Bernard Caiazzo entrevoit l'avènement du Web call center comme l'une des étapes d'un processus long et complexe. Demain, viendra l'heure du centre de contacts multimédia ; après-demain, celle du centre d'appels intégré. Une évolution dont les répercussions seront nombreuses et profondes, à l'intérieur des entreprises comme chez leurs prestataires.

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Quelle est, en 2001, la situation des centres d''appels ? Bernard Caiazzo : La première génération de centres d''appels, essentiellement tournée vers la gestion des appels entrants, tend, peu à peu, à céder sa place à une seconde génération, qui se préoccupe moins de solutions technologiques que de rentabilité. Demain, les entreprises ne chercheront plus seulement à s''approprier une technologie leur permettant de répondre aux demandes de leurs clients et prospects. Elles voudront convertir leurs call centers en centres de profit, comme y sont d''ores et déjà parvenues bon nombre de sociétés des secteurs de la téléphonie ou de l''Internet, par exemple. Cette nouvelle génération de centres de contacts, que j''ai l''habitude de nommer “centres d''appels avancés”, place l''homme au cœur de ses préoccupations. Pour négocier ce virage de la gestion des appels entrants à la vente, il est en effet nécessaire de former ses télé-opérateurs, de les initier à la démarche commerciale. Alors, de conseillers, les salariés des centres d''appels deviennent, progressivement, vendeurs. Et demain ? À quoi ressembleront les centres d''appels d''ici à quelques années ? Bien entendu, les centres d''appels “plurimédias” sont appelés à se multiplier et devraient arriver à maturité vers 2003. La gestion des mails, le cobrowsing, le bouton virtuel, ou “push to talk”, et le call back sont des technologies parfaitement opérationnelles. Pourtant, le développement des Web call centers est soumis aux aléas du progrès. Ainsi, le call back ne suffisant pas – il faut, pour l''utiliser, que l''internaute dispose d''une seconde ligne téléphonique –, l''essor des Web call centers est jugulé par les tâtonnements de la voix sur Internet, dite “voix sur IP”. Parce qu’elle occupe beaucoup de place lors de sa transmission, qui demeure longue et souvent fastidieuse, l''utilisation de la voix sur IP ne se généralisera que lorsque la capacité des bandes passantes sera notablement accrue. Et après ? L''avènement du Web call center est-il l''ultime étape de cette longue évolution ? Non. Le Web call center n''est pas le plus abouti des centres de contacts. L''étape suivante sera celle du “centre d''appels intégré”, qui permettra à l''entreprise de personnaliser son offre conformément aux attentes de ses clients, sondés par téléphone ou en ligne. Ces centres d''appels de quatrième génération, qui apparaîtront, selon moi, vers 2005, ne concerneront plus seulement le marketing et la vente : ils auront des répercussions directes sur la production et permettront à l''entreprise de fabriquer du sur mesure. Dans l''automobile, par exemple, les constructeurs pourront se permettre de modifier les fonctionnalités de leurs modèles en fonction des desiderata de tel ou tel acheteur. D''ailleurs, certains groupes du secteur se préparent déjà à ce tournant stratégique : aux États-Unis, Ford ne s''est-il pas lancé dans une joint-venture avec Teletech, fournisseur mondial de services de gestion de la relation client ? Quels autres secteurs serviront de locomotives à ce mouvement ? La santé, les télécoms, la banque, l''assurance, les services aux particuliers (câble, satellite), etc. Bref, l''ensemble des produits et services à forte valeur ajoutée devrait surfer sur la vague avant les autres. Mais le mouvement concernera rapidement bien d''autres secteurs d''activité. Il est, par exemple, tout à fait possible d''imaginer que la distribution alimentaire profite de cette opportunité afin de personnaliser son offre et d''anticiper d''éventuelles crises de confiance des consommateurs. Cette évolution vers le centre d''appels intégré aura des conséquences, semble-t-il, sur le profil des équipes de télé-opérateurs, et donc sur les problématiques de recrutement, qui restent l''un des problèmes majeurs des centres de contacts… En effet. Les centres de demain s''offriront les compétences d''ingénieurs, d''informaticiens, de pharmaciens, de diététiciens et – pourquoi pas ? –, de médecins, dont les niveaux de rémunération n''auront rien de comparable avec ceux qu''accordent actuellement les entreprises au commun de leurs télé-opérateurs. Puisque les salaires y seront plus élevés qu''ailleurs, ces centres-là, tout comme les Web call centers, pourront sans peine demeurer à Paris. Quant aux autres, ils sont tous appelés à quitter la Capitale au profit de villes de province moyennes, dans lesquelles ce métier bénéficie d''une image valorisante et où l''on peut vivre – et même bien vivre – avec une rémunération plus modeste. À cette condition, les centres d''appels feront face à l''épineux problème du recrutement : les perspectives d''évolution des téléconseillers (les centres privilégient largement la promotion interne) et l''avenir prometteur du secteur (neuf cents nouveaux centres se créent, chaque année, en France) constituent des arguments de poids pour de nombreux jeunes diplômés. Quelle est, à l’heure actuelle, la situation de la France par rapport à ses concurrents mondiaux ? Les États-Unis ont gardé leur longueur d''avance. Outre-Atlantique, 100 % des cinq cents premières entreprises se sont dotées d''un centre de contacts. À titre de comparaison, seules 38 % des premières entreprises européennes en ont fait autant. La France se situe dans la moyenne des pays du Vieux Continent, avec quelque 38 % de ses cinq cents premières entreprises équipées. Une situation qui la place à égalité avec ''Allemagne et le Benelux, devant l''Espagne, l''Italie et l''Autriche, mais derrière la Grande-Bretagne (pionnière en Europe) et les pays scandinaves. Comment se manifeste le retard de certaines entreprises françaises par rapport à leurs voisines britanniques ou aux américaines ? Il convient tout d''abord de s''attarder sur les remarquables progrès accomplis par les entreprises françaises. Au cours de l''année 2001, une soixantaine de groupes, comptant parmi les cinq cents premiers de l''Hexagone, vont se munir d''un centre d''appels. Qui plus est, ils le font dans de bien meilleures con-ditions, puisqu’ils sont plus avertis qu''autrefois : ils sont évidemment plus matures que leurs prédécesseurs. Toutefois, bon nombre d''entreprises éprouvent quelques difficultés à passer de la première à la seconde génération de centres d''appels. Ce sont celles qui considèrent encore le call center comme un centre de services, loin de toute conception mercantile de l''outil. Or, cette vision est bel et bien dépassée : le centre de contacts doit faire partie du territoire des directeurs commerciaux, il doit devenir l''un des lieux de l''action commerciale. Ces structures côutent relativement cher (de 50 000 à 100 000 francs, soit de 7 600 à 15 200 euros environ par poste de travail). C’est pourquoi les entreprises doivent absolument songer à les rentabiliser en y effectuant de la vente et du recouvrement.

(*) Les centres d''appels, les nouveaux outils de la relation client. Éditions Dunod, février 2000, 191 pages, 147 F (22,41 e).

 
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Propos recueillis par Stéfanie Moge-Masson

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