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Achats : quand les femmes font la loi

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Elles remplissaient déjà le réfrigérateur, aujourd’hui elles s’équipent seules en automobile. Pour obtenir leur confiance, empreinte d’exigence, les marques s’efforcent de respecter les valeurs exprimées par les femmes : honnêteté, sécurité et convivialité.

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On les savait maîtresses du contenu du caddie du ménage. Dans les années 90, les femmes imposent aussi leur avis quand il s’agit d’un investissement lourd. Elles sont de plus en plus nombreuses dans les magasins de bricolage, où elles naviguent indifféremment entre les rayons décoration et gros œuvre. Les femmes sont également à l’origine de 40 % des achats de voitures neuves, selon le constructeur automobile Peugeot. “La consommation se féminise de plus en plus, analyse Gérard Mermet, célèbre sociologue des attitudes de consommation, conseiller d’entreprises et auteur de Francoscopie 99 chez Larousse. Les années 80 ont été une décennie de consommation excessive et boulimique. En réaction, les années 90 ont vu l’émergence des valeurs féminines, plus morales. Autonomes, les femmes d’aujourd’hui se retrouvent souvent en situation de décision pour l’ensemble des achats. Célibataires, chefs de famille monoparentale ou en couple, ce sont elles qui tiennent les cordons de la bourse.” Consommatrices incontournables, les femmes ont des exigences que les marques, fabricants et distributeurs, s’attachent à décortiquer. L’enjeu est de taille : il s’agit pour eux de déterminer dans quelle mesure ils ont intérêt à construire des produits sur mesure et/ou à différencier leur stratégie commerciale. Des consommatrices rationnelles Le premier objectif des fabricants habitués à cette clientèle est de proposer le meilleur rapport qualité-prix. “Les femmes savent ce que propose la concurrence, très forte dans le petit électroménager. Ce qui les intéresse, c’est ce que fait l’appareil et pour quel prix, pas comment il le fait”, souligne Amaury Finaz de Villaine, directeur des marques du groupe Moulinex. Les produits doivent être faciles à utiliser, fournir le résultat escompté et apporter une sécurité maximale. Le robot Ovatio, dernier-né de Moulinex, a été conçu en fonction de ces critères. Même les fabricants de bricolage, univers a priori moins féminin, privilégient désormais cette approche. “Nous avons constaté que les femmes sont très sensibles au caractère pratique d’un produit. Cela se traduit par une prise en main des outils mieux étudiée, car le premier réflexe de la cliente sur le point de vente est de tester la préhension”, explique Françoise Blais, directrice du marketing de Black & Decker. Une offre unisexe ? La question-clé est : faut-il fabriquer des articles destinés aux femmes, qui “excluraient” les hommes ? “Imaginer une voiture uniquement pour les femmes, c’est courir à l’échec, estime Mathieu Bellamy à la direction marketing et commerciale de Peugeot. Lorsque nous avons lancé la 106, nous l’avons plutôt positionnée comme une voiture maniable, citadine et ludique. Elle est adaptée aux souhaits de notre clientèle féminine mais les hommes peuvent la conduire sans rougir.” À l’inverse, certains produits moins unisexes qu’ils n’y paraissent peuvent se prêter à une différenciation de l’offre. Les résultats d’une enquête sur la dépilation ont poussé Gillette à élargir sa cible en lançant en 1994 une version féminine de son rasoir mécanique. “Beaucoup de femmes empruntaient le rasoir de leur conjoint sans en acheter pour elles-mêmes, rappelle Arnaud Aujouannet, chef de produits féminins Gillette. Nous avons étudié les gestes de la dépilation, la densité des poils féminins pour lancer un rasoir adapté aux femmes.” (Cf. témoignage page 40). Quatre ans plus tard, les ventes de rasoirs mécaniques féminins, chiffrées en 1998 à 100 millions de francs, représentent 7 à 8 % des ventes de la clientèle masculine. De la pédagogie Le succès d’une marque auprès des femmes se décide sur le point de vente. Pour des achats à fort investissement utilitaire, financier ou affectif, le vendeur peut faire la différence. “Les femmes sont méfiantes, elles n’aiment pas la pression commerciale, explique Mathieu Bellamy. Elles ne sont pas à l’aise dans une concession automobile et elles ont peur de l’arnaque. Nous avons donc mis l’accent sur deux points. D’une part, nous faisons un effort sur la personnalisation de la con-cession en séparant l’accueil et l’espace de vente, lui-même plus convivial. D’autre part, nos vendeurs doivent avoir un discours clair et calme, pas trop insistant.” Le vendeur doit savoir informer la cliente à la fois par la parole et par le geste. “Nos revendeurs doivent amener la cliente à exprimer ses besoins pour les identifier, et prendre le temps de faire des démonstrations”, ex-plique Didier Bordes, directeur marketing des produits de communication mobile Motorola. La pédagogie déclinée en face-à-face par les forces de vente renforce l’efficacité de la publicité dans la presse féminine, des campagnes d’échantillonnage et des mailings personnalisés. Service et confiance Séduites, les femmes sont-elles fidèles ? “De moins en moins car elles achètent avant tout un produit, pas une marque, explique Sandrine Seksik, planneur stratégique de l’agence de publicité Lintas. On ne peut pas leur vendre de belles images avec du vent derrière. Elles achèteront de nouveau un produit qui aura tenu ses promesses et n’aura pas déçu leur confiance.” Pour encourager les consommatrices, les marques prévoient aussi des services, présentés comme un plus, et souvent appréciés. “Nous proposons à nos clientes Fil femmes, un service de dialogue gratuit par téléphone, explique Nicole Rosa, fondatrice de la société d’assurances La Compagnie des femmes. Elles peuvent obtenir des réponses à tous leurs problèmes de vie quotidienne. Nous allons lancer un service d’accompagnement pour les aider à faire face à un imprévu.” Même le service payant a du succès auprès des consommatrices. Ce sont elles qui, en majorité, achètent le contrat-service après-vente de Peugeot. “Les femmes sont plus exigeantes que les hommes, elles réclament une prestation de service sans faille. Avec ce forfait entretien garanti quatre ans, elles achètent une vraie assurance pour avoir la paix”, explique Mathieu Bellamy. Dérogeant à la règle du “garanti un an” traditionnellement appliquée à l’outillage ou au petit électroménager, Black & Decker offre une garantie de deux ans pour renforcer son capital confiance auprès de ses clientes. “Pour s’assurer de la qualité du produit, les consommatrices regardent notamment la durée de la garantie. Lorsqu’elle est plus longue que la normale, elles se sentent plus en confiance”, affirme Françoise Blais. Autre point à ne pas négliger : le bouche à oreille qui fonctionne bien selon le sociologue Gérard Mermet. Les femmes n’hésitent pas à se renseigner auprès de leurs amies et à conseiller une marque qui tient ses promesses. Les industriels doivent aussi avoir le souci de faire évoluer leurs produits vers toujours plus de confort et de résultat. Plus que tout autre, la femme est un consommateur exigeant.

“Nous avons créé un label “Casto pour elle” pour identifier les outils adaptés aux besoins des femmes car aujourd’hui, d’après nos études, la plupart bricolent. Nous avons aussi décerné cette année, pour la première fois, le prix de l’outil féminin.” Benoît Vermersch, directeur marketing images et services Castorama. En juin 1998, la première grande surface de bricolage en Europe a commandé une étude à l’IFOP. 93 % des femmes interrogées ont affirmé bricoler ou jardiner. “Nous demandons à nos fournisseurs de fabriquer des produits mixtes et polyvalents qui intègrent les exigences des femmes : légèreté, facilité d’utilisation, sécurité et garantie de résultat.”

“Les femmes sont peu sensibles au discours technologique sur le produit. Nous avons donc axé notre communication sur la séduction en positionnant le rasoir mécanique dans l’univers de la beauté.” Arnaud Aujouannet, chef de produits féminins Gillette. Depuis 1994, Gillette propose une gamme spécifique de produits de rasage aux 60 % de femmes qui s’épilent avec un rasoir mécanique. “Pour asseoir notre identité féminine, nous avons élaboré un plan marketing totalement déconnecté du plan masculin en regroupant tous nos produits sous la marque “Gillette pour elle”. Notre politique promotionnelle est aussi beaucoup plus qualitative. Ainsi, en magasin, nous assortissons couramment au rasoir un échantillonnage gel à raser et lait après-dépilation pour offrir une méthode dépilatoire complète.”

“J’ai élaboré des contrats d’assurance pour les femmes car elles ont des accidents plus nombreux mais moins graves que les hommes, leur retraite est moitié moins élevée et leurs dépenses de santé sont plus importantes.” Nicole Rosa, directrice de La Compagnie des femmes En 1996, Nicole Rosa a créé La Compagnie des femmes, un réseau de 60 mandataires indépendants. Elle propose des produits d’assurances, des conseils et des services adaptés aux femmes. “Nous utilisons une méthode de distribution par réunion au domicile d’une hôtesse. Les participantes peuvent ainsi poser toutes les questions possibles sur les problèmes d’assurance. Elles veulent avant tout de l’information, pas un vendeur de produits. Elles souhaitent qu’on les écoute et qu’on leur offre l’information dont elles ont vraiment besoin. La réunion leur permet de s’exprimer et de dédramatiser des sujets sérieux souvent traités de manière intimidante par les assureurs.”

Analyse de la cible femmes - Elles sont 30 133 470, soit 51,4 % de la population française*. - 47,6 % des femmes françaises travaillent et représentent 44 % de la population active totale. Quatre femmes sur cinq âgées de 25 à 49 ans occupent un emploi. - Selon les chiffres de l’enquête Consommation (janvier 1994) du Crédoc, au moment d’acheter, les femmes sont avant tout sensibles au label de qualité (69,1 %) détenu par un produit, et à ses garanties écologiques ainsi qu’à la confiance inspirée par la marque (65,6 %). Elles sont aussi plus attentives que les hommes aux “bonnes affaires” : 38,7 % profitent souvent des offres promotionnelles pour leurs achats alimentaires et une femme sur cinq attend toujours la période des soldes pour les achats vestimentaires. 27,7 % des femmes actives désirent pouvoir passer plus de temps à faire les courses. Mais 30,7 % souhaitent y consacrer moins de temps. La moitié des femmes sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche. * Chiffres INSEE au 1er janvier 1998.

 
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Marie-Pierre Vega

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