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Bataille rangée sur le front des pesticides

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Bayer CropScience et Syngenta Agro, les deux leaders du marché des produits phytosanitaires, s'affrontent à coups d'offres de services, d'innovations produits et tentent de fidéliser des revendeurs “tout-puissants”. Le but? Faire face à la décroissance du secteur.

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À l'heure du bio et du développement durable, le marché des pesticides – ou, selon la terminologie qu'utilisent les industriels, “des produits de protection des plantes” – n'a pas la cote. Pire encore?: leur principal débouché, l'agriculture, est malmené. Les subventions sont remises en cause et la concurrence des pays de l'Europe de l'Est ne cesse de croître. Après avoir connu des taux de progression annuels de 25 % dans les années quatre-vingt, ce marché est aujourd'hui atone, voire en décroissance. Les entreprises ­s'affrontent donc pour développer, ou tout simplement maintenir, leur part de marché. Bayer CropScience, la filiale française de l'Allemand Bayer issue du rachat d'Aventis CropScience, est en tête, suivie du Suisse Syngenta Agro (né de la fusion des activités agrochimiques de Novartis et d'Astra Zeneca). Le premier a une revanche à prendre. En ­effet, si la marque reste leader, ce n'est plus qu'avec 29 % de parts de marché, contre 35 % en 2002. À l'horizon 2008, la direction commerciale vise 33 % de parts de marché. Mais Syngenta Agro, qui en possède 23 %, n'a pas dit son dernier mot.

Revendeurs: des services innovants pour les séduire

Syngenta Agro observe des variations importantes de son taux de pénétration d'un revendeur à l'autre (450 au total). La marque représente 45 % chez certains quand elle n'est que de 10 % seulement chez d'autres. La direction commerciale a donc, depuis cette année, mis à la disposition de ses responsables commerciaux un “plan de compte”. Cet outil leur sert à analyser en profondeur l'activité de chaque revendeur. Il s'agit notamment de comparer la pénétration de la marque par rapport à la moyenne régionale par famille de produit. «Cela nous permet de lui proposer une offre produits adaptée et de déterminer un plan d'action, note Jean-Pierre Barth, directeur commercial de Syngenta Agro. Sans compter que ces informations nous sont très utiles pour fixer les objectifs des commerciaux.» Bayer Crop­Science a, pour sa part, mis en place un “contrat d'entreprise”, faisant le choix de travailler plus et surtout mieux avec ses revendeurs. «Dans le passé, leur rémunération était essentiellement liée au ­chiffre ­d'affaires qu'ils réalisaient avec nous, relate son directeur commercial Yves Berthon. Nous avons décidé de payer davantage leur professionnalisme au travers de critères qualitatifs, comme le référencement des produits, la qualité de stockage, la mise sur le marché, etc. Plus les efforts sont significatifs, plus le contrat est avantageux pour le revendeur.» 80 % des distributeurs bénéficient d'un tel contrat; parmi eux, environ 20 % perçoivent un gain supplémentaire véritablement significatif. Les deux sociétés cherchent à séduire par tous les moyens ces revendeurs, notamment en multipliant les services à leur intention. «Moyennant un niveau d'activité minimum négocié au cas par cas, souligne le directeur commercial de Syngenta Agro, nous leur avons fourni de nombreux outils d'aide à la décision qu'ils peuvent mettre à la disposition des agriculteurs.» Par exemple le Fongimètre, un logiciel qui, sur la base de données historiques, l'aide à optimiser sa production, ou encore le Vigie Virose, un identificateur de maladies permettant d'intervenir très tôt. La société organise aussi des séminaires de sensibilisation à l'agriculture raisonnée chez ses revendeurs. «Cette politique nous a donné l'occasion de développer notre chiffre d'affaires, de valoriser nos prix, bref de promouvoir nos produits et les faire utiliser dans le respect de la démarche agriculture durable», analyse Jean-Pierre Barth. Bayer CropScience a, lui, davantage mis l'accent sur des outils de formation et de communication. Au menu? Des formations métier pour le personnel en place chez les revendeurs (techniques de vente, politique agricole commune, etc.); des éléments de communication permettant à ces derniers de réaliser des campagnes de marketing direct à l'intention des agriculteurs?; ou encore des outils pour envoyer des SMS ou des fax d'alerte, par exemple en cas d'intempéries annoncées. La société met également à leur disposition sa base produits sur un extranet, de façon à ce que chacun puisse se l'approprier sur son propre site. Bayer a également constitué un club de réflexion baptisé “Accords majeurs”, à travers lequel les revendeurs sont invités à échanger et à réfléchir sur des sujets de fond.

Organisation commerciale: diversification ou concentration

Syngenta et Bayer ont adopté des organisations commerciales différentes. Bayer a mis en place, dès sa création, quatre équipes terrain distinctes, composées d'ingénieurs d'affaires et d'atta­chés commerciaux dédiés aux marchés des céréales, des grandes cultures, de la vigne et des traitements des semences. Au total, un peu plus de 200 personnes. Les réseaux sont ainsi placés dans une quasi-concurrence, même si l'ensemble des actions terrain est coordonné par un directeur régional (14 au total) aux pouvoirs élargis, chargé, entre autres, de définir avec chaque distributeur un cadre général annuel. «Ce choix s'imposait du fait de la largeur de notre gamme, relève Yves Berthon. Mais nous ne pouvions pas nous contenter de mettre en place plusieurs réseaux totalement autonomes, comme ce fut le cas dans le passé. Nos ­gammes sont trop proches.» De son côté, Syngenta Agro vient de refondre son organisation commerciale. À la recherche d'optimisation des coûts, la société a fait des choix très différents. «Nous disposions, jusqu'alors, de deux réseaux de vente. L'un tourné vers les grandes cultures (céréales, oléagineux et protéagineux), et l'autre vers les cultures spécialisées (vigne, arboriculture, etc.), explique Jean-Pierre Barth. Nous avons fusionné les deux forces de vente et réduit l'effectif d'environ 20 %. Le distributeur n'a plus qu'un interlocuteur commercial unique responsable du business et de la satisfaction clients, ce qui facilite les relations.» Aujourd'hui, la direction commerciale dispose d'une force de frappe de 162 collaborateurs, dont 150 sur le terrain. Les responsables de comptes, au nombre de 22, sont aidés par des experts marketing et de développement par filière, ainsi que par des ingénieurs ­technico-commerciaux chargés, en outre, des animations en points de vente.

Offre produits: la prime à l'innovation

Lorsque Syngenta Agro a été créé, en 2001, la nouvelle structure a hérité d'une situation financière difficile. Ce qui, à l'époque, a conduit la direction à mettre en place une stratégie d'économies drastiques. Les usines de production dans le monde sont passées de 37 à moins de 30, et la gamme a subi une cure d'amaigrissement. «Notre portefeuille produits a fondu, reconnaît Jean-Pierre Barth. De 180 produits en 2001, nous sommes passés à 115 aujourd'hui. Bien entendu, cela n'a pas été sans conséquences sur notre stratégie de distribution et sur notre business. Nous avons “perdu” plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires sur la période 2001-2003!» De son côté, Bayer CropScience aborde le marché, aujourd'hui comme hier, sans véritable pression sur ses produits. «Appartenant à un groupe multisectoriel, nous sommes moins focalisés sur les résultats au quotidien. Par ailleurs, nous bénéficions de la force de frappe d'une multinationale en matière de recherche, reconnaît Yves Berthon. Nous avons actuellement 170 produits. Nous devrions en sortir une dizaine en 2006 et 13 en 2007.» Poussées d'un côté par les pressions économiques, qui appellent un dégraissage des gammes, et, de l'autre, par la distribution puissante, qui impose en France une segmentation produits toujours plus fine, les stratégies évoluent. «?Notre situation est complètement assainie. Depuis fin 2004, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de croissance, se réjouit Jean-­Pierre Barth (Syngenta Agro). Nous avons sorti cinq produits en 2005 et nous apprêtons à en sortir sept en 2006. La protection des cultures reste un marché d'innovation. C'est important si l'on veut éviter que nos revendeurs se livrent à une guerre des prix!» De son côté, Bayer Crop­Science n'a de cesse de sortir de nouvelles molécules lui permettant d'aborder d'autres segments de marché. Pourtant, pour des raisons économiques, il n'est pas exclu qu'il soit amené à passer, à court ou à moyen terme, par une contraction de sa gamme. «La réduction portera, au maximum, sur une dizaine de produits. Mais pas plus», assure Yves Berthon.

Syngenta Agro France

Chiffre d'affaires 2004: 390 millions d'euros Effectif: 400 personnes Date de création: 2001

Bayer CropScience France

Chiffre d'affaires 2004: 500 millions d'euros Effectif: 800 personnes Date de création: 2002

 
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Anne-Françoise Rabaud

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