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Ces commerciaux qui gagnent plus que vous…

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Un commercial peut-il gagner plus que son supérieur hiérarchique ? Oui, disent les experts. À condition que ce rééquilibrage n’affecte pas la fonction de manager.

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Traditionnellement, la rémunération d’un collaborateur est indexée sur son ancienneté, mais aussi, et surtout, sur sa position hiérarchique au sein de l’entreprise. Une position mesurée, dans la plupart des cas, par le pouvoir qu’occupe la personne, au sens managérial du terme. Autant dire que l’unique possibilité de voir sa rémunération progresser passe, aujourd’hui, neuf fois sur dix, par la prise en main d’une fonction d’encadrement. Une réalité qui aboutit, selon Thierry Magin, directeur associé de MCR consultants, conseil en rémunération, à des situations parfaitement illogiques : “ Dans certains secteurs, comme la banque, on rencontre des cas étonnants : un manager qui encadre dix collaborateurs occupant des fonctions basiques, sans réelles valeur ajoutée, est nettement mieux rémunéré qu’un commercial grands comptes brassant cent fois plus de chiffre et dégageant cent fois plus de marge. ” C’est probablement ce qui pousse certaines entreprises à faire évoluer leur approche. Quitte à bousculer leurs habitudes culturelles. Il arrive ainsi que le marché de l’emploi, et donc le marché des salaires, se laisse influencer, de temps à autre, par les initiatives particulières de certaines entreprises. Le voilà qui intègre aujourd’hui l’idée selon laquelle la seule façon de progresser en terme de rémunération ne passe plus forcément par l’accès à un poste de manager. “ Des entreprises valorisent les postes “d’experts” et, à travers eux, les compétences “métier”. Elles estiment ainsi qu’il vaut mieux garder à son poste un excellent responsable grands comptes – et donc le reconnaître et le rémunérer comme il le faut – plutôt que d’avoir, demain, “sur les bras”, un manager médiocre, ex-excellent grands comptes ”, souligne Thierry Magin.

Grille à double entrée

L’expert en rémunération encourage ainsi les entreprises à imaginer une grille des salaires à double entrée, tenant compte à la fois des compétences managériales et des compétences “métier”. Et de préciser : “ Seuls certains secteurs “pionniers” vont jusqu’au bout de cette logique, à l’instar des télécoms : dans cet univers, certains experts sont rares et précieux, en particulier dans les services recherche et développement, ce qui a conduit les entreprises à réévaluer les rémunérations, en dehors de toute considération hiérarchique. Les entreprises ont d’autant plus intérêt à s’orienter dans cette voie-là, insiste le directeur de MCR, que l’Apec prévoit, pour les années 2005-2007, une pénurie et, par conséquent, une âpre guerre des talents. ” Mais attention ! Pas question, pour autant, de dévaloriser la fonction managériale. Un point sur lequel tous les experts s’accordent, tant cette fonction est capitale pour assurer le bon fonctionnement des services : “ Un bon manager doit posséder de multiples compétences. Il doit savoir écouter, prendre les bonnes décisions, connaître les grandes et les petites choses… ”, souligne Gilles Cibron, responsable du secteur industrie chez Leroy Consultants (groupe BPI). L’entreprise ne doit donc pas négliger ou oublier de valoriser ces collaborateurs qui occupent des postes clés. D’ailleurs, selon Thierry Magin, “ il n’est pas question de faire de la surenchère sur les compétences métiers ; il faut simplement déverrouiller la situation, faire évoluer la pensée unique, pour déconnecter les compétences managériales et commerciales, les reconnaître l’une autant que l’autre, et, surtout, ne pas les opposer. ”

Perte d’influence

Jacques Inizan, directeur de Comanagement, société de conseil en management et enseignant associé à l’IUT de Tours, sensibilise les entreprises aux dangers qui peuvent accompagner le rééquilibrage des salaires en faveur des commerciaux : “ Cette “revalorisation” de la rémunération des commerciaux par rapport à celle de leur manager doit reposer sur un système de rétribution bien maîtrisé. Car le fait de rémunérer davantage ses commerciaux que leur manager ne doit pas, non plus, être systématique. Une telle approche serait dangereuse pour l’entreprise ! ” Jean-Michel Azzi, p-dg de Maesina International Search, ajoute : “ Si le commercial gagne plus que son supérieur hiérarchique uniquement parce qu’il bénéficie d’une sorte de “rente de situation”, déconnectée de ses résultats du moment, c’est que l’entreprise s’est laissé piéger. Il lui faut alors revoir son système de rémunération. ” Dans ce dernier cas, en effet, l’entreprise risquerait, au fil du temps, de voir ses managers perdre une partie de leur influence sur leurs commerciaux. Car, comme le rappelle Jacques Inizan, “ le salaire est très important dans l’échelle de valeur des collaborateurs ; dans leur esprit, la valeur d’un coéquipier est complètement liée à ce qu’il gagne ”. C’est pourquoi l’entreprise doit, certes, récompenser la performance commerciale, mais en prenant garde de ne pas inverser les valeurs commerciales et managériales. Tout compte fait, le rééquilibrage en question apparaît bien comme une voie efficace pour gérer au mieux les compétences internes et prévenir une guerre des talents. Mais, plus que tout autre concession salariale, il impose de respecter “autrement” la valeur de chacun des talents qui composent l’entreprise.

Témoignage

Jacques Faliès, directeur commercial de ZEP, fabricant de produits de maintenance et de nettoyage industriel “ Un très bon commercial peut gagner jusqu’à deux fois mon salaire mensuel ” La force de vente de ZEP est constituée d’environ 150 VRP exclusifs. “ Lorsque nous recrutons, nous recherchons les meilleurs éléments, de véritables champions, en sachant qu’un talent reconnu se rémunère, explique Jacques Faliès. Pour moi, ce n’est pas un problème qu’un commercial gagne plus que moi. Au contraire. Nos succès sont complètement liés : plus un commercial vend, plus il nourrit le chiffre d’affaires de l’entreprise et plus il gagne d’argent. ” Dans cette logique tout le monde est gagnant. “ Chaque mois, entre cinq et dix commerciaux peuvent gagner plus que moi, poursuit Jacques Faliès. Je ne perds pas pour autant mon autorité sur eux. Car l’autorité ne dépend pas du montant inscrit en bas de la feuille de salaire, mais bien de la fonction occupée et, surtout, de la personnalité du manager. Le fait que certains membres de mon équipe gagnent plus que moi n’atteint pas, non plus, ma motivation. J’ai moi-même été représentant. Aujourd’hui, la fonction que j’occupe m’offre une vision plus globale de l’entreprise, qui correspond à ce que je souhaitais. ”

À retenir

_ Il n’est plus irréaliste de verser un salaire plus élevé à un commercial qu’à son manager. _ Les entreprises intègrent, dans ce cas, une grille des salaires à double entrée, tenant compte des compétences managériales et “métier”. _ Cette revalorisation des compétences “métier” ne doit pas déboucher sur une dévalorisation de la fonction managériale.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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