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Cherchez et triez pour mieux décrypter l’information

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N’en déplaise aux aventuriers, la veille relève davantage d’un travail de fourmi que d’un scénario à la James Bond. Mission : collecter et hiérarchiser l’information.

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Véritable “radar” de l’entreprise, la veille concurrentielle consiste à surveiller l’offre des acteurs présents sur votre marché. Une mission aujourd’hui quasi inévitable, comme l’explique Louis Chalenset, p-dg d’Innovation 128, conseil en veille stratégique : “ Une entreprise ne peut plus se permettre de vivoter. Elle doit anticiper. Grâce aux nouvelles technologies, votre client peut être contacté à l’autre bout du monde par un concurrent sans que vous le sachiez. ” Le constat est limpide, mais le processus difficile à mettre en place. Car lancer une stratégie de veille concurrentielle, c’est avant tout entamer un important travail de collecte et de hiérarchisation de l’information. “ Toutes les entreprises pratiquent empiriquement la veille, en collectant, par exemple, les plaquettes de leurs concurrents sur les salons, déclare Christophe Potron, directeur de Médiaveille, cabinet spécialisé dans la veille sur Internet. Mais rares sont celles qui se donnent la peine de structurer cette masse d’informations. ” Il est donc conseillé de commencer par identifier et classer les entreprises concurrentes. “ Listez vos cinq principaux concurrents et observez-les en fonction de critères que vous aurez définis au préalable ”, suggère Louis Chalenset. En effet, nul n’est besoin de surveiller vos concurrents dans tous les domaines. Il faut intervenir là où il y a menace. Par exemple, lorsqu’un concurrent lance un produit similaire au vôtre. Deuxième étape de la phase d’identification : définir le type d’informations souhaitées, qui peut être d’ordre quantitatif (chiffre d’affaires, rapport financier, taux d’endettement, taux de remise, tarifs, etc.), mais aussi qualitatif (niveaux de garantie, modalités de paiement, qualité du service après-vente). “ L’écart constaté entre prix affichés et prix réels est souvent considérable. Ce sont ces derniers qu’il faudra surveiller ”, poursuit le spécialiste.

Collectez l’information

Une fois ce travail effectué, il faut trouver la matière, c’est-à-dire l’information. Les experts en veille classent l’information en trois familles. “L’information blanche” constitue, en général, 85 % de la matière. Elle rassemble toutes les données officielles appartenant au domaine public. Certains chiffres peuvent aisément être dénichés sur les sites comme Euridyle.com, ou sur ceux de l’Insee et des différents ministères. Rien ne vous empêche, d’ailleurs, si vos concurrents sont cotés en Bourse, de lire les communiqués des sites d’information boursière. “L’information grise”, elle, représente environ 10 % de la matière intéressante. Elle est plus souterraine, sans être hors la loi, et émane, en général, du réseau de clients et de fournisseurs. Il peut s’agir du témoignage d’une personne récemment licenciée, ou encore celui d’un client ou d’un fournisseur avec qui l’on aura établi un dialogue informel. Enfin, “l’information noire” est le fruit de l’espionnage ou de la corruption. La collecte de ce type de renseignements est en principe très peu pratiquée, puisque formellement interdite par la loi. Toutefois, sans tomber dans cet extrême, il est possible de se tenir au courant en faisant feu de tout bois, c’est-à-dire en étant à l’affût du moindre indice. En surveillant, par exemple, les petites annonces de son concurrent, on peut se faire une idée de sa politique de recrutement. “ Essayez de multiplier les sources d’information, de recouper les dires de vos interlocuteurs, insiste Louis Chalenset, afin de tracer un portrait relativement réaliste de votre concurrent. Sans oublier, non plus, de surveiller les nouveaux entrants, c’est-à-dire les entreprises susceptibles de devenir vos concurrentes. ”

Désignez des veilleurs

Reste à désigner les personnes qui seront en charge de collecter l’information pour le compte de votre entreprise. Deux solutions : créer une cellule de veille concurrentielle en interne ou déléguer la prestation à un cabinet externe spécialisé dans la veille concurrentielle. Si vous optez pour la première solution, la plus économique, placez la cellule de veille sous la responsabilité d’un animateur, dont vous aurez repéré les qualités d’observation. “ Tel une vigie sur un bateau, le veilleur a pour mission de signaler ”, précise Hubert Caron, p-dg du réseau Habi, conseil en gestion d’entreprise, veille et intelligence économique. Mais il faudra également envoyer vos commerciaux à la chasse aux informations, “ quitte à les récompenser par de petites primes ”, ajoute Christophe Potron. Pour faciliter le travail des veilleurs, vous pouvez vous procurer des logiciels de veille concurrentielle sur Internet. Les plus simples se concentrent sur les “actualités” des sites Web concurrents. Les plus sophistiqués, appelés “agents intelligents”, sont capables de lancer automatiquement des requêtes sur Internet et d’alerter le destinataire sur sa messagerie électronique. “Bull Eyes Pro”, téléchargeable sur le site Intelliseek.com, permet par exemple de lancer une veille sur la globalité d’un site pour 220 euros (1448 francs). “ C’est une aide précieuse, mais rien ne remplacera la finesse d’un jugement humain, insiste Nicolas Bertapelle, ancien responsable des activités de veille stratégique chez Cofinoga et fondateur de Jasmin, cabinet conseil en marketing et en stratégie.

Hiérarchisez l’information

Enfin, il vous reste à classer et à synthétiser les informations que vous aurez recueillies. Pour Louis Chalenset, rien de plus simple : “ Créez une “armoire de la concurrence”, un lieu où vous conserverez toutes les informations après les avoir classées. ” Ensuite, vous en ferez des synthèses destinées aux directions des services concernés. Vous pourrez également dresser une monographie de chacun de vos concurrents et la réactualiser une fois par an. Elle comprendra leurs faits marquants, l’évolution de leur stratégie. “ Une fois l’information mise à jour, vous pourrez approfondir des points précis, poursuit Louis Chalenset. Par exemple, les causes d’une croissance des ventes de 20 % du produit X ou Y. ” En somme, tout ce qui vous apparaît comme une menace ou une opportunité. Mais, quels que soient la forme et le support adopté, un seul impératif : faire court. “ Rédigez des rapports de synthèse brefs, d’une ou deux pages maximum, conclut Louis Chalenset. Les dirigeants sont pollués par l’information… Alors, autant leur faciliter la tâche ! ”

Témoignage

Roselyne Lesne

, présidente du Synapi, Syndicat national des prestations et conseil en information et consultante chez RLC, cabinet conseil en veille et information stratégique “ Jouez collectif et honnête ! ” “ Une veille coûte du temps. Avant de vous lancer, rencontrez deux ou trois personnes de chaque service. Demandez-leur de quelles informations elles ont besoin et de quelles informations elles disposent. Vous pourrez ensuite définir les priorités de votre veille. ” Roselyne Lesne, présidente du Synapi, Syndicat national des prestations et conseil en information, considère que l’esprit de groupe et la méthodologie sont les éléments clés d’une stratégie de veille concurrentielle réussie. “ Trop de services veillent pour eux sans partager leurs informations, déplore-t-elle. Une bonne veille implique un esprit d’équipe. Dans chaque service, une personne doit animer la veille et rapporter les informations à la hiérarchie. ” Et d’insister sur l’éthique. “ Les mots-clés de notre propre code de déontologie sont “engagement”, “honnêteté et loyauté”, professionnalisme et qualité de service”, “confidentialité” et, enfin, “transparence”. ”

L’externalisation, efficace mais coûteuse

Sous-traiter la veille permet d’éviter que la vigilance ne s’émousse au fil des mois. Mais cette prestation reste onéreuse. Il faut en effet compter entre 7 000 et 45 000 euros (entre 50 000 et 300 000 francs) pour une veille sous-traitée, selon Hubert Caron, p-dg du Réseau Habi, conseil en gestion d’entreprise, veille et intelligence économique.

Témoignage

Yannick Gérard

, p-dg de Mérand Mécapate (matériel de boulangerie) “ Nous avons répertorié et classé 300 sites d’acteurs de notre filière ” “ La veille concurrentielle permet de dresser une cartographie des acteurs de son marché et limite les risques d’erreurs stratégiques. Alors pourquoi s’en priver ? ” En 1999, Yannick Gérard, p-dg et directeur commercial de Mérand Mécapate, une PME de 35 personnes spécialisée dans la fabrication de matériel de boulangerie, assiste à une conférence sur la veille concurrentielle. C’est le déclic. “ Nous n’avions ni les moyens, ni les capacités de mettre en place une cellule de veille, explique-t-il. Nous avons donc choisi d’impliquer les services commerciaux et techniques de la société. ” Plaquettes, politiques commerciales, lancements de produit et tarifs ont, par exemple, été collectés sur le terrain. “ Avec l’aide de Médiaveille, cabinet spécialisé dans la veille sur Internet, nous avons, durant quatre jours, formé les équipes, ajoute Yannick Gérard. Tout le monde s’est prêté au jeu et prend aujourd’hui un réel plaisir à veiller. ”

Témoignage

Nicolas Bertapelle

, fondateur de Jasmin, cabinet conseil en marketing et en stratégie “ Désignez des veilleurs qui ont de la bouteille ” “ Plus le secteur est compétitif, plus on a besoin de connaître le marché et de prendre des décisions stratégiques à partir des informations recueillies. ” Nicolas Bertapelle a créé, puis dirigé, la cellule de veille stratégique et commerciale de Cofinoga. “ Après les années d’euphorie, le contexte concurrentiel s’est durci en 1998. Il fallait alimenter l’entreprise en informations ”, explique-t-il. Dans un premier temps, Nicolas Bertapelle s’est servi du Net et d’un scanner pour dupliquer les documentations qu’il recueillait ; puis il a complété ses informations auprès des clients et des fournisseurs. En interne, il a repéré les “âmes de veilleurs”, des personnalités curieuses et ouvertes. “ Le meilleur veilleur n’est pas forcément le jeune diplômé d’une école de commerce. Au contraire, il faut désigner quelqu’un qui a de la bouteille, du métier. L’idéal étant que chacun se sente impliqué dans le processus. ”

A retenir

- Identifiez et classez les entreprises concurrentes par ordre de priorité. - Définissez le type d’informations souhaité : quantitatives (chiffre d’affaires, taux d’endettement, rapport financier, tarifs pratiqués) ou qualitatives (niveaux de garantie, modalités de paiement, qualité du service après-vente). - Multipliez les sources d’information (Web, terrain, salons, clients, fournisseurs, petites annonces) et recoupez-les pour brosser un portrait fidèle de votre concurrent. - Impliquez votre équipe en interne en créant une cellule de veille avec un animateur dédié.

 
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Caroline Thiévent

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