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Contrat. Modifier sans risque la rétribution d’un collaborateur

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Faire évoluer la structure de la rémunération d’un collaborateur s’inscrit dans un cadre juridique extrêmement subtil, dont il est préférable de ne pas sortir.

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1 / Bien mesurer la complexité

Faire évoluer la rémunération de ses collaborateurs constitue, dans tous les cas, une opération délicate. En effet, la rémunération est, au même titre que le lieu d’exercice de l’emploi, un élément substantiel du contrat de travail que sont amenés à signer un employeur et un salarié au moment du recrutement. Un élément substantiel auquel on ne peut pas toucher en toute impunité. Pour corser encore un peu plus les choses, la rémunération, qui comprend aussi bien le salaire de base, qu’une partie variable, des primes ou encore des avantages en nature a diverses origines : la loi, la convention, les usages, et bien entendu, le contrat de travail.

2 / Ne pas imposer unilatéralement

En période de crise, la direction commerciale peut ressentir la nécessité de modifier la partie fixe du salaire de ses vendeurs ou bien de revoir le système de calcul de la partie variable, deux éléments dont la source juridique est le contrat de travail. « La rémunération est un élément substantiel du contrat de travail, qui résulte d’un accord de volonté des deux parties, rappelle Maître Jean-Marie Léger, avocat associé au cabinet Saint-Sernin Lehman, spécialisé dans le droit des affaires. C’est pourquoi toute modification doit faire, à nouveau, l’objet d’un accord de volonté, autrement dit d’un avenant. » Ce qui signifie qu’en aucun cas, un employeur ne peut décider unilatéralement de modifier l’un des éléments de la rémunération. Et ce, même si cette éventualité fait l’objet d’une clause dans le contrat initial de travail. Ce type de clause est, en effet, considéré comme nul par la jurisprudence.

3 / Obtenir un accord écrit

Par conséquent, « toute modification du fixe, tout changement dans l’assiette de calcul du variable ou même des indicateurs d’attribution du variable doivent faire l’objet d’un accord exprès et non équivoque du salarié, insiste Maître Jean-Marie Léger. Et ce, même si la nouvelle méthode de calcul de la rémunération semble a priori plus avantageuse pour le salarié. » Concrètement, l’entreprise doit obtenir l’accord écrit des salariés concernés. En cas de non respect de cette règle, un salarié dont le mode de calcul de la partie variable de sa rémunération aurait été modifié à son insu et qui pourrait démontrer, à long terme, qu’il est perdant, peut exiger des rappels de salaires. Cela vaut même si le nouveau mode de calcul a été appliqué durant plusieurs mois, voire plusieurs années.

4 / Opter pour la bonne procédure

Le législateur distingue deux cas de figure. Lorsque la modification est liée à la situation personnelle d’un salarié, il n’y a pas de processus imposé. En revanche, lorsqu’elle est la conséquence des difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, le législateur impose une procédure précise (article L321-1-2). Si le changement concerne moins de dix collaborateurs, l’entreprise doit adresser un courrier recommandé avec accusé de réception à chacun, indiquant les raisons et formalisant les modifications. L’avenant doit comprendre l’identification des parties, l’énoncé des motifs, la modification (et, donc, la nouvelle “règle”), la date à laquelle le nouveau mode de calcul prendra effet, ainsi que des précisions sur la procédure et, notamment, le délai d’un mois accordé au salarié à réception du courrier pour accepter ou refuser la proposition. Il doit également comporter un alinéa précisant que les autres clauses du contrat de travail initial ne sont pas modifiées. Si le salarié ne s’est pas manifesté après un mois, son employeur peut considérer qu’il accepte tacitement la proposition formulée. Cette dernière prend alors valeur d’avenant au contrat de travail.

5 / Réagir en cas de refus du salarié

Tout refus de la part du salarié doit être notifié par écrit. L’employeur a alors le choix : soit il renonce la modification du contrat de travail, soit il licencie les collaborateurs pour motif économique. Le salarié peut, de son côté, contester le motif de licenciement invoqué par l’employeur. Dans l’hypothèse où la modification du mode de calcul de la rémunération concerne plus de dix collaborateurs, la règle du licenciement collectif est susceptible, dans certains cas, de s’appliquer.

Conseils de pro

- La modification du mode de calcul et d’attribution du variable des commerciaux ne doit pas déboucher sur la création d’inégalités et de discriminations au sein de la force de vente. Toute différence doit trouver sa justification dans un critère objectif : taille de la zone, etc. Par exemple, à travail égal, hommes et femmes doivent avoir la même rémunération. - Au-delà de ces révisions de la rémunération, l’entreprise peut, sans avenant cette fois-ci, procéder à des révisions automatiques en usant de la clause d’indexation. Cette clause, prévue au moment de la signature du contrat de travail, prévoit de faire évoluer le salaire selon un indice en rapport direct avec l’entreprise et son activité. Pas question, par exemple, d’indexer la rémunération sur l’indice général du coût de la vie, considéré comme trop vague. - Sur la forme, mieux vaut être extrêmement explicite et précis pour décrire le nouveau mode de calcul. Néanmoins, certains experts utilisent des subtilités de langage, qui permettent à l’entreprise de se protéger. Des astuces que l’on ne saurait conseiller aux novices.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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