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Démission. Emmener un proche collaborateur avec soi

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En quittant une entreprise, un manager peut être tenté d’emmener un collaborateur de talent. Une démarche qui doit s’accompagner de nombreuses précautions.

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Partir avec son bras droit, quitter une entreprise en emmenant, dans ses bagages, un collaborateur très proche ? « Pour bon nombre de managers, la tentation est grande ! », s’exclame Philippe Perret, directeur exécutif du cabinet de recrutement et de chasse de têtes Michael Page. De fait, la formule revêt de nombreux avantages. « Et, en premier lieu, celui du confort, de la sécurité, affirme Roger Sasportas, p-dg de RS management, cabinet conseil en ressources humaines et en gestion de carrière. Cette pratique est courante chez les personnes habituées à travailler en binômes. C’est ainsi que de nombreux dirigeants commerciaux s’en vont avec leur assistante, de peur de ne pas réussir à reconstruire, avec une autre collaboratrice, toute la complicité professionnelle qu’ils ont bâtie au fil des ans. » Mais attention : s’il admet que les départs “couplés” sont de plus en plus fréquents, Roger Sasportas pointe du doigt les dangers de ce genre de tactique. « Cela peut traduire un excès de frilosité chez les deux collaborateurs », estime-t-il. Chez le manager, tout d’abord : pour l’expert, « en débauchant son assistante, il trahit un état passager de panique ou, du moins, d’anxiété. De plus, il se prive des qualités – nécessairement différentes – d’une autre collaboratrice, ce qui révèle, chez lui, un manque d’ouverture sur les capacités humaines. » Quant à l’assistante “suiveuse”, elle fait preuve, elle aussi, d’un cruel manque d’audace et d’adaptabilité. « Au final, conclut l’expert, les deux personnes risquent de mettre en péril leur évolution future. »

La décision doit venir du manager

Pourtant, de l’avis même de Roger Sasportas, les choses sont radicalement différentes quand le manager emmène avec lui un commercial de talent, un responsable comptes clés ou, a fortiori, un “spécialiste” – ingénieur commercial, par exemple. « Dans ce cas, analyse Philippe Perret (Michael Page), le départ en tandem se justifie davantage. Surtout si le manager attend quelques mois – le temps de se familiariser avec ses nouvelles fonctions – pour faire venir son “filleul”. » Bien sûr, cette arme à double tranchant est à manier avec précaution. Comme le souligne Philippe Sgroï, responsable du pôle recrutement et évaluation de la Cegos, « la décision doit venir du manager ; en aucun cas elle ne doit être suggérée par son nouvel employeur. À une époque, poursuit l’expert, certaines entreprises avaient la fâcheuse habitude “d’acheter” les managers avec leurs meilleurs élements. On voyait des équipes entières se déporter d’une société à l’autre à l’occasion du départ de leur dirigeant… » Cette époque est révolue. D’ailleurs, la pratique – pour le moins déloyale – est totalement illicite. Même s’il est bien éloigné de cet état d’esprit, le manager qui emmène avec lui l’un de ses coéquipiers de talent devra se préparer à vivre une période trouble avec son ex-employeur. De fait, la démission d’un cadre dirigeant fait souvent naître quelques tensions ou difficultés. Et, comme le note Philippe Perret, « il y a des chances pour que ce soit deux fois pire quand une démission en entraîne une autre. L’entreprise se voit privée de deux éléments importants au lieu d’un. » Au manager, donc, de bien peser le pour et le contre.

Vérifiez l’intérêt du candidat

Enfin, avant de faire venir à lui son ex-collaborateur, le manager devra le passer au filtre d’un processus de recrutement classique. « C’est indispensable ! », martèle Roger Sasportas. Et ce, pour de multiples raisons. Primo, les commerciaux ne sont pas des organes que l’on transplante comme on veut. Pour que la greffe prenne, il faut que le collaborateur soit “compatible” avec son nouvel environnement : produits, secteur, concurrence, etc. Secundo, il convient de s’assurer que le candidat au départ est véritablement motivé par le poste, par son contenu intrinsèque, ses perspectives d’évolution, etc. « L’envie de suivre un gourou n’est pas un motif suffisant, indique Philippe Sgroï (Cegos). Il faut être certain que cette décision est liée à d’autres arguments que la personnalité du patron, aussi fascinante soit-elle. » Tertio, le succès d’un tel mouvement est aussi lié à l’adhésion de sa nouvelle équipe. « Pour que le “filleul” soit bien accepté, il est important de le mettre en concurrence avec d’autres candidats, reprend le porte-parole de Cegos. Et, qui plus est, de lui faire passer les mêmes tests de recrutement que les autres. » L’objectif étant de supprimer tout argument irrationnel, subjectif ou affectif du processus de sélection. Ce qui contribuera, de surcroît, à tranquilliser la direction de l’entreprise et à valoriser le collaborateur. « Ainsi conçu, affirme Roger Sasportas, le recrutement d’un ex-coéquipier peut être très positif, car il permet au manager de limiter la prise de risques. » En effet, recruter un commercial avec lequel on a longtemps travaillé, c’est faire venir à soi un coéquipier fidèle, fiable, dont on connaît la vraie personnalité et avec lequel l’alchimie fonctionne à plein. « Autant de qualités rares – donc précieuses, insiste l’expert –, et que l’on a bien du mal à jauger au cours d’un processus de recrutement ordinaire. »

Témoignage

François Portier, directeur commercial France de United Biscuits (UB) « Un recrutement facile, rapide et sûr » En 1999, lorsqu’il a quitté UB Surgelés pour devenir directeur d’enseigne chez United Biscuits France, François Portier a emmené l’un de ses chefs de secteur, Franck Dupin, qu’il a recruté en tant que responsable comptes clés. « Plusieurs raisons m’ont guidé dans cette décision : d’une part, le poste de Franck Dupin venait d’être supprimé, tandis que chez UB France, un poste très proche de ses compétences se libérait. D’autre part, je connaissais ses capacités professionnelles, et je savais que nous pouvions travailler en excellente intelligence. » Après avoir obtenu l’accord de sa direction, François Portier recrute donc son ex-collaborateur. « Mon avis était en partie forgé, mais j’ai tenu à m’assurer que ce poste de responsable comptes clés lui conviendrait et qu’il aurait toutes les qualités pour l’assumer. » Une bonne décision puisque, deux ans plus tard, quand François Portier est promu directeur commercial France de la société, son “filleul” est, lui aussi, propulsé vers de nouvelles responsabilités : Franck Dupin devient alors directeur d’enseigne.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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