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Directeur commercial, et après ?

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Loin d’être un aboutissement, la fonction commerciale est de plus en plus la “voie royale” pour évoluer vers d’autres responsabilités, comme la direction générale, le consulting ou même la direction des ressources humaines.

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La fonction commerciale est le point névralgique de l’entreprise et de son succès. Celui qui l’a tenue peut aller vers n’importe quelle autre fonction », explique François Decreus, p-dg d’Homme & Mobilité, spécialisé dans l’outplacement, les bilans de carrière et d’orientation. « Un directeur commercial possède des atouts pour briguer un poste de top management : une vision du marché et des clients, une bonne analyse de l’offre produit ou service et la capacité à la faire évoluer. » Samir Koleilat, ex-directeur commercial devenu p-dg de Primus Telecommunication France, confirme : « Les multiples fonctions que j’ai occupées, le fait d’être habitué à construire, à planifier une réussite au lieu de la rêver, tout cela prépare bien à la fonction de directeur général. » Pour Marie-Pierre Guilbert, consultante senior associée au cabinet Boyden, « l’idéal est d’avoir occupé une fonction marketing ou une fonction “grands comptes” avant de prendre en charge une direction commerciale. Ce type de parcours est idéal pour évoluer vers une direction générale. Le candidat dispose alors d’une bonne réflexion stratégique. » En matière de création ou de reprise d’entreprise, les managers commerciaux – rompus à la solitude et à la prise de risques – sont également très bien armés, surtout s’ils travaillent en binôme avec un financier. Pour briguer une direction générale, le directeur commercial doit bien entendu avoir des notions en finance, marketing, communication, ressources humaines, etc. Bref, il doit être polyvalent. Samir Koleilat explique, par exemple, qu’il n’a jamais cessé « de suivre des séminaires, de participer à des forums, de suivre des formations et des cours par correspondance, au Cnam, à l’ISG, à l’IFG et à Dauphine ». À ce niveau, aucune transition ne se fait naturellement et sans efforts. Le cadre commercial doit faire preuve d’une volonté certaine et être prêt à s’investir dans une formation complémentaire pour combler d’éventuelles lacunes.

Un dirco à la DRH, ça déménage !

Plus surprenant, la direction commerciale ouvre aussi les portes de la direction des ressources humaines. Bien entendu, il n’est pas question d’attendre d’un ex-directeur commercial qu’il crée le service. En revanche, « certaines personnes ont suivi ce parcours et y ont excellé », affirme, exemples à l’appui, Marie-Pierre Guilbert. « Ils transforment cette fonction administrative en une fonction “hyper connectée” à la stratégie de l’entreprise. Ils apportent un éclairage très pragmatique en terme de développement des compétences, de formation, de gestion de carrière, d’anticipation des besoins de main d’œuvre. » Yves Martin, quarante-sept ans, ex-directeur commercial de Kellog’s, a expérimenté ce parcours à la direction des ressources humaines du groupe américain. « Lorsque j’ai postulé, certains m’ont vraiment pris pour un martien ! Si j’ai pu négocier ce changement de cap, c’est parce que je me trouvais dans une entreprise que je connaissais et dans laquelle je me sentais bien, témoigne-t-il. Je ne l’aurais pas fait autrement. » Ce qui prépare le directeur commercial à prendre la tête d’un service ressources humaines ? La relation de proximité qu’il sait créer avec ses collaborateurs est une qualité essentielle pour un DRH. Bien entendu, cette réorientation nécessite quelques ajustements. « On attend d’un directeur commercial qu’il soit “over actif” et d’un directeur des ressources humaines qu’il fasse surtout “bouger sa tête”. Autre grand changement : je suis passé d’un environnement professionnel extrêmement masculin à un environnement essentiellement féminin, ce qui m’a demandé d’adapter mon style de management. D’autre part, j’ai dû aborder des logiques très nouvelles pour moi, légales, juridiques, etc. » Ce changement de cap nécessite également de combler d’éventuelles lacunes. « Lorsque j’ai pris mes nouvelles fonctions à la DRH, j’ai suivi une semaine de formation à HEC. Assuré par une sommité du monde des ressources humaines, ce programme s’est révélé extrêmement riche », se souvient Yves Martin, devenu, depuis lors, président d’Interbrew.

Consultant, un booster

Plus “classiques”, certains s’orientent vers la fonction de consultant en organisation commerciale ou en formation. Cette reconversion est la plupart du temps prisée par les plus de quarante-cinq ans, qui cherchent de l’indépendance, disposent d’une vaste expérience et d’un carnet d’adresses bien fourni. Certains parlent alors d’une “voie de garage”. Pourtant, pris suffisamment tôt dans sa carrière, ce tournant peut véritablement la booster. « Le directeur commercial est en prise avec le quotidien d’une entreprise ; il développe quelques projets par an : deux, trois. Le consultant est, lui, au contact de plusieurs clients, plusieurs dizaines de problématiques et doit proposer de multiples solutions et idées. C’est une fonction qui développe l’ouverture d’esprit et a représenté, pour moi, un formidable accélérateur de carrière », raconte Jean-Pierre Ayer, aujourd’hui à la tête de l’Institut du temps géré (ITG). La représentante du cabinet Boyden observe toutefois un risque de frustration dans ce parcours : « Au bout d’un certain temps, ces hyper actifs peuvent se sentir frustrés de ne pas concrétiser leurs préconisations. » Quand ce moment arrive, il faut revenir à une fonction plus opérationnelle, pour laquelle on est alors particulièrement bien armé.

L’export, un peu réducteur

Que dire de la direction commerciale export ? Souvent très proche de la direction commerciale France, elle constitue toutefois rarement une issue pour le directeur commercial. « Il s’agit d’une fonction assez “réductrice”, d’un métier qui, de part ses missions et son environnement, est finalement très différent de celui de directeur commercial. Sans compter que dans encore beaucoup d’entreprises, l’activité commerciale export reste moins stratégique que l’activité France », observe Marie-Pierre Guilbert, consultante chez Boyden. À l''inverse, la fonction de directeur du développement international, une fonction plus complexe qui consiste, par exemple, à mettre en place une stratégie de croissance à l’international, peut constituer une évolution intéressante. Avant de rebondir vers de nouveaux horizons, de nouvelles responsabilités, avant de faire le grand saut, il est indispensable de s’accorder une pause, d’avoir une réflexion sur sa carrière, par soi-même ou via une organisation, de manière à partir sur un projet crédible et en phase avec le marché. Faire un bilan de compétences ? Certains le conseillent chaudement, d’autres sont plus réservés sur son efficacité et émettent des doutes sur le retour sur investissement. « Je vois des tas de cadres qui ont fait un bilan de compétences et j’ai le sentiment que leur horizon professionnel n’est pas plus clair pour autant ! », indique Gilles Dagorn, p-dg de Job Strategy. Il est important de réfléchir en amont et, le moment venu, de se lancer. « Et puis, tant pis si l’on se casse la figure, on finit toujours par se redresser… et on en ressort plus fort », conclut Samir Koleilat.

Enquête

Mobilité élevée et démissions records pour les cadres Les cadres ont la bougeotte ! C’est ce qui ressort de l’enquête Apec Mobilité 2001, intitulée : “Mobilité élevée et... démissions records pour les cadres”. L’an passé, « près d’un cadre sur trois a connu une forme de mobilité professionnelle (…). C’est le taux le plus élevé enregistré depuis le lancement de cette enquête, il y a onze ans. La mobilité, subie dans bien des cas il y a quelques années, est de plus en plus choisie par nombre de cadres », nous révèle l’Association pour l’emploi des cadres. Autre phénomène que souligne l’enquête de l’Apec : « Les cadres les plus expérimentés sont aussi les plus mobiles. » Les directeurs commerciaux n’échappent pas à cette tendance. Ils sont même particulièrement bien armés pour voguer vers de nouveaux horizons professionnels.

Témoignage

Jean-Pierre Ayer, directeur général des opérations de l’Institut du temps géré (ITG) « Après mes expériences dans la vente, le consulting m’a réellement permis de faire évoluer ma carrière. » « La filière commerciale ? C’est la meilleure des formations à la fonction de directeur général, estime Jean-Pierre Ayer. Elle permet de développer une forte autonomie, apprend à s’organiser… » Jean-Pierre Ayer a démarré son parcours professionnel dans la vente, chez Olivetti puis chez Colgate Palmolive. Il est ensuite entré chez Pioneer, distributeur multicanaux, où il a gravi les échelons et terminé directeur commercial. Après une expérience à la Cegos comme consultant, il a fondé l’ITG, l’Institut du temps géré. « La vente prépare d’autant mieux à la direction générale que l’entreprise se tourne de plus en plus vers ses clients et ses marchés. Bien entendu, en passant à la fonction de directeur général, certaines lacunes peuvent apparaître ; il ne faut alors pas hésiter à se former, notamment en management. »

Avis d’expert

Gilles Dagorn, p-dg de Job Strategy, cabinet de stratégie et recherche d’emploi « Faire évoluer sa carrière est un projet qui doit mûrir. » « Actuellement, le marché de l’emploi est très ouvert et, de ce fait, les cadres prennent plus qu’hier l’évolution de leur carrière en main. Concrètement, il s’écoule souvent six mois entre la première visite d’un cadre et le moment où il me dit : je me lance ! », explique Gilles Dagorn. C’est un projet qu’il faut mener sans précipitation. L’âge pour booster ou réorienter sa carrière ? « Il est très clair que les cadres prennent ce virage de plus en plus jeunes, entre 35 et 45 ans. Une fusion ou un rachat peut d’ailleurs faire l’effet d’un détonateur, faire réagir le cadre, accélérer ses projets d’évolution de carrière. »

Témoignage

Yves Martin, quarante-sept ans, p-dg d’Interbrew, deuxième brasseur mondial et troisième français « Je n’ai jamais hésité à prendre des risques, à réorienter volontairement ma carrière. » Après avoir été vendeur, notamment chez Ralston Purina, Yves Martin est entré chez Maison du Café comme cadre commercial. Il a ensuite intégré le groupe Kellogg’s, dans lequel il a occupé diverses fonctions commerciales, avant d’être nommé directeur commercial, puis de prendre la direction des ressources humaines. « Passer de la direction commerciale à la direction des ressources humaines a été une expérience difficile et passionnante. Difficile parce qu’on attend d’un directeur des ressources humaines qu’il soit discret et non pas qu’il harangue les foules. J’ai dû apprendre à pondérer ma spontanéité. En revanche, la fonction de directeur commercial prépare bien au management des hommes. Je me suis toujours intéressé de près à mes collaborateurs, j’ai toujours été attentif à leurs motivations. C’est essentiel pour faire un bon DRH. » Aujourd’hui, il est p-dg d’Interbrew.

A retenir

_ Les entreprises, tournées vers leurs marchés et leurs clients, confient volontiers la direction générale à d’ex-managers commerciaux. _ Les directeurs commerciaux disposent de nombreux atouts pour briguer le poste de directeur général ou des ressources humaines. Ils sont également les bienvenus dans l’univers du conseil. _ Le secret d’un tel changement de cap ? Faire une pause, un bilan et combler les lacunes par des formations.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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