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Dossier 3/4 : Dans un contexte de fusion, rassurez et construisez l’avenir

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Une fusion entraîne des interrogations chez les commerciaux. Pour les remobiliser, apaisez les esprits, puis impliquez les équipes dans la construction d’un projet commun.

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Une fusion, au début, ça enthousiasme les dirigeants et angoisse les collaborateurs », affirme Stéphane Waller, directeur de Meltis, cabinet conseil en formation. « C’est un facteur d’anxiété », renchérit Marc Baulier, président de Y’Knot, cabinet conseil en organisation et ressources humaines. Selon l’expert, ce bouleversement est encore plus violent chez les commerciaux que chez les autres : « Ils ont besoin, en permanence, d’identifier un fort et un faible. Lorsque deux entreprises se marient, ils ont donc besoin de savoir s’ils appartiennent au groupe des meilleurs ou à celui des moins bons. » C’est pourquoi Marc Baulier conseille aux dirigeants de « commencer, dès que la fusion est officialisée, par éclaircir l’horizon ». La règle ? « Le parler vrai », tranche Pierre Niewenglowski, consultant en management au Cnof, cabinet conseil en organisation et ressources humaines. Un avis que partage Stéphane Waller, pour qui « toute question doit obtenir une réponse claire. Si la direction n’y veille pas, argumente-t-il, d’autres personnes, extérieures à l’équipe, se chargeront de répondre à sa place. » Et les rumeurs – « toujours plus noires que la réalité », souligne le porte-parole du Cnof – iront bon train.

Toute question mérite réponse

Passé l’effet d’annonce, le projet de fusion donnera naissance à une multitude de questions. « Deux points sensibles vont émerger parmi les préoccupations des vendeurs, observe Pierre Niewenglowski. Il s’agit de la répartition des clients et de la rémunération. » Ici encore, la direction commerciale aura tout intérêt à se montrer transparente sans tomber dans le piège de la séance collective de questions/réponses. « L’idéal est de créer, sur l’intranet par exemple, un espace sur lequel les équipiers peuvent poser leurs questions, suggère le consultant du Cnof. On peut aussi organiser des rendez-vous en tête-à-tête avec les commerciaux les plus inquiets. » Mais l’essentiel est d’apporter des éléments de réponse, et de le faire rapidement ou de s’engager sur une date, si l’on ne peut répondre dans l’immédiat : « Nous ne sommes pas en mesure de vous donner plus de détails sur ce point mais nous traiterons cette question à telle échéance. » Dans le même temps, les deux équipes devront se rencontrer physiquement. « Les présentations officielles sont un instant crucial, estime Marc Baulier (Y’Knot), car elles vont donner à chaque équipe l’opportunité de se forger une première opinion de l’autre. » Une opinion que la direction s’efforcera, bien évidemment, de rendre aussi positive que possible, surtout si le rapprochement s’opère entre deux ex-concurrents. « Il faut faire le deuil des antagonismes, martèle Pierre Niewenglowski. Pour y parvenir, rien de tel qu’une convention durant laquelle on pourra recourir aux techniques du team-building [rencontres sportives ou ludiques en équipes, ndlr] ou du théâtre. » Très vite, il sera également nécessaire d’amener les équipes à travailler ensemble. « On peut commencer par constituer de petits groupes chargés d’identifier les qualités du produit concurrent, suggère l’expert. Cela permet de reconstruire une image valorisante de l’ex-concurrent. » À ce stade, la direction devra, inévitablement, prendre des décisions socialement critiques : une fusion entraîne des doublons, et donc, la plupart du temps, des licenciements. « Cela crée toujours quelques tensions, admet Marc Baulier (Y’Knot), mais elles seront temporaires si toutes les décisions apparaissent comme justes et justifiées. » Concrètement, si elle soit se séparer d’un commercial, l’entreprise devra expliquer son choix de façon rationnelle et argumentée, et traiter le collaborateur avec respect et considération. De même, si le système de commissionnement d’une des deux équipes devient la règle pour tous, il convient d’en démontrer le bien-fondé. « On risque, en négligeant ces explications, de susciter une vague de contestation », prévient le dirigeant du cabinet Y’Knot. D’ailleurs, une question aussi sensible que celle de la rémunération demande beaucoup de recul. Chez le spécialiste de l’impression NRG, né de la fusion de Nashuatec et de Gestetner, les salaires ont été la seule question sur laquelle aucun changement radical n’a été décidé au cours des premiers mois. « Nous avons agi de façon méthodique, prudente et progressive, confie Daniel Weizmann, directeur général d’NRG France, en auditant les compétences, en évaluant les coéquipiers et en avançant pas à pas. Il nous a fallu cinq ans pour homogénéiser les systèmes de rémunération. » Il en va tout autrement s’agissant de l’action commune des deux équipes. Très vite, il faudra construire un nouvel édifice, qui consolidera les liens naissants. « Même si le nouveau projet d’entreprise a été largement prédéfini par la direction générale, note le représentant du Cnof, les collaborateurs doivent prendre une part active à son édification. » Les groupes de travail transversaux seront les principaux outils de cette réflexion commune. Autre point important : aucune des deux structures n’imposera ses vues, mais elles concoureront toutes deux à bâtir un troisième projet, qui profitera des qualités et atouts de chacun. « Nous avons posé les bases d’un nouveau contexte commun aux deux entités, relate le directeur général d’NRG France. En agissant autrement, nous aurions sans nul doute suscité des levées de bouclier chez des commerciaux anciennement concurrents. »

Le rôle des managers intermédaires

Ici, le rôle des managers intermédiaires – chefs des ventes, directeurs régionaux – semble prépondérant. Comme le souligne Stéphane Waller (Meltis), « ce sont eux qui, après s’être appropriés le projet, vont “porter la bonne parole” jusqu’au terrain ; c’est un premier niveau sur lequel le top management devra s’appuyer » Mais l’impulsion de départ, elle, sera donnée par le président et sa garde rapprochée. « Eux seuls sont communs aux deux organisations, poursuit Stéphane Waller. Ils doivent donner le “la” au cours d’une intervention officielle : un road show ou une série d’allocutions en visioconférence, par exemple. » Et Marc Baulier de conclure en souriant : « C’est au p-dg de convaincre, d’entraîner ses troupes. En s’engageant dans un projet de fusion, il accepte de ne plus dormir pendant quelques mois. »

Cinq activités pour souder les équipes

1-Un jeu de piste en ville ou dans la nature. Il fait appel à la tête et aux jambes ; chacun peut trouver son rôle. 2- Une soirée “jeux vidéo”. Animée par de jeunes fans de la console, elle mettra en concurrence plusieurs équipes réunissant, en leur sein, des membres des deux forces de vente. 3-Une séance d’initiation à la spéléologie. Accessible aux débutants (l’agence Saga d’Aventures conseille de choisir un site accessible aux enfants… sans le dire aux participants, bien sûr !), elle générera un peu d’appréhension et incitera les coéquipiers à s’entraider. 4-Une après-midi rafting. Cela nécessite beaucoup de coordination entre les individus. 5- Une croisière sur un voilier. Génératrice d’émotion et de sensations fortes, elle met à contribution chaque membre de l’équipe.

À retenir

- Dès que le projet de fusion est rendu public, communiquez avec les équipes et évitez les zones d’ombre. - Les questions sensibles – rémunération, avantages sociaux, etc. – feront l’objet de séances de questions/ réponses, sur l’intranet par exemple. - Très vite, les deux équipes fusionnées devront se rencontrer, dialoguer et travailler ensemble. - Aucune des deux structures ne devra imposer ses vues, mais chacune devra apporter sa pierre à l’édifice. - Le rôle du management intermédiaire est crucial : après le p-dg, c’est lui qui “portera la bonne parole” jusqu’au terrain.

Témoignage

Daniel Weizmann, directeur général d’NRG France, spécialiste des solutions d’impression « Mobiliser autour d’un projet fédérateur » En 1999 naissait NRG France. Les cinquante vendeurs Nashuatec, la marque préférée des grands comptes, épousaient leur ennemi héréditaire, la force de vente Gestetner (plus de 300 commerciaux à l’époque), très implantée auprès des PME/PMI et des collectivités locales. Une fusion qui, cinq ans plus tard, fait toujours figure d’exemple. Pourquoi ? « Parce que nous avons su mobiliser les énergies autour d’un projet unique et fédérateur », résume le directeur général d’NRG France. Un projet que chaque collaborateur a pu s’approprier puisqu’un document a été diffusé, exposant clairement le nouveau projet 1999-2004. Pourtant, des dossiers sensibles, la direction n’en manquait pas. « Il existait, par exemple, des clients communs aux deux équipes. Nous avons défini le portrait-robot du client Nashuatec et dressé une liste exhaustive de comptes réservés à sa force de vente. Gestetner avait tous les autres ! À l’époque, les deux forces de vente ont appris à se “passer” des clients. » NRG avait mis en place une mesure compensatoire : durant six mois, le commercial qui cédait un compte gardait une partie de son co missionnement. « Il y a eu quelques frictions mais elles n’ont jamais dégénéré. »

 
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Stéfanie Moge-Masson

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