Internet fait ses débuts en centre d’appels
La technologie internet s’introduit peu à peu dans les plates-formes d’appels. En offrant un nouveau mode d’accès interactif au client, ces dernières sont promises à une transformation en centres de contact multimédia. Les téléopérateurs vont devoir prouver de nouvelles compétences.
Je m'abonneLa qualité de service sur les sites web français laisse à désirer. Selon une enquête réalisée par le magazine Décision micro & réseaux de février 1999 auprès de 130 sites, seuls 38 % d’entre eux assurent une réponse à un e-mail en moins de 24 heures. À l’inverse, 47 % laissent les e-mails sans réponse. Verdict : peut mieux faire. “La France est très en retard par rapport aux États-Unis”, estime Bernard Caiazzo, le président du groupe Qualiphone, de retour d’un voyage outre-Atlantique au cours duquel il a visité une quinzaine de centres d’appels parmi les plus performants. Deux raisons semblent expliquer ce déficit hexagonal. D’une part, les foyers français sont encore sous-équipés en micro-ordinateurs et en accès internet. D’autre part, les entreprises françaises font peu d’effort pour intégrer le web à leur stratégie commerciale. “Les sites des grandes entreprises ont plus pour fonction de communiquer que de fournir un accès supplémentaire à l’entreprise et de générer des ventes”, analyse Bernard Caiazzo. “Ces sites sont plus des vitrines qu’un canal de vente ou de communication à but commercial”, renchérit Cora Sibel, responsable marketing et communication Europe du Sud de l’éditeur Clarify. Trois manières d’utiliser internet Technologiquement parlant, tout ou presque est possible aujourd’hui. Les solutions d’intégration d’internet dans un centre d’appels sont de trois ordres. La plus simple, baptisée “text-chat”, consiste à échanger des e-mails, le principe étant de répondre le plus rapidement possible à la demande de l’internaute. Le fournisseur d’accès à internet AOL est ainsi présent sur un forum sur lequel il discute avec ses utilisateurs à la recherche d’une information. La seconde option, le “call back”, fait intervenir la téléphonie. L’internaute consulte le site d’une entreprise et demande à un téléopérateur de le rappeler en cliquant sur une icône, comme le propose déjà Microsoft. La troisième solution, très élaborée, met en relation directe l’internaute et le centre d’appels grâce à la technologie IP qui permet de transmettre de la voix via internet (aussi appelé “call through”). “La plupart des cahiers des charges sur lesquels nous travaillons concernent la relation par e-mail, car c’est la plus opérationnelle, indique Frédéric Lacroze, directeur associé de Digiway. La transmission de la voix par IP n’est pas encore très au point. Quant au call back, si le téléopérateur ne rappelle pas rapidement, il risque de perdre l’internaute qui souvent agit par impulsion, comme dans le téléachat.” Internet dans la relation client Selon une étude du cabinet Datamonitor, près de 60 % des centres d’appels devraient avoir intégré l’e-mail en 2002 et ils seraient un peu plus de 20 % à ce moment-là à pratiquer le rappel téléphonique. Ils en retireront plusieurs avantages, notamment économiques. D’abord, le logiciel de gestion des e-mails va peu à peu intégrer un moteur d’analyse des messages qui permettra, pour des demandes simples, d’élaborer une réponse sans l’intervention d’un téléopérateur. D’où des économies en ressources humaines, réalisées également grâce aux possibilités de délocalisation offertes par de faibles coûts de communication. La délocalisation a aussi pour effet d’améliorer la relation client. Réparti sur plusieurs sites dans plusieurs pays, le centre d’appels est accessible sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Un plus non négligeable pour le commerce B to C, les internautes grand public se connectant souvent le soir ou le week-end. Internet constitue une voie d’accès supplémentaire à l’entreprise pour le client. En mesure de visualiser l’offre mise en ligne, il peut instantanément passer commande. Autre avantage : une organisation interne du centre plus performante. Mixé avec les appels téléphoniques entrants classiques, internet permet à la plate-forme de mieux réguler sa charge de travail. “Grâce au mode call blending sur lequel fonctionnent les logiciels de couplage téléphonie-informatique, les e-mails peuvent être routés vers les téléopérateurs inoccupés, de la même manière que les appels téléphoniques entrants”, explique Frédéric Lacroze. Encore faut-il assurer une bonne qualité de service. Il va de soi, en particulier pour l’internaute demandeur, qu’un e-mail ne doit pas rester trop longtemps sans réponse. De même, il faut que les téléopérateurs, formés à l’argumentation par téléphone, se montrent aptes à la communication écrite. “Les téléopérateurs vont progressivement devoir faire preuve de compétences multimédias et multiproduits, notamment pour réaliser des ventes facilitées par la visualisation des produits”, souligne Cora Sibel. Les spécialistes estiment cependant qu’internet ne concurrencera pas le face-à-face, ni les autres appels. Un avis confirmé par l’étude du cabinet Datamonitor : 63 % des entreprises indiquent qu’internet jouera un rôle complémentaire aux appels, transformant les centres d’appels de demain en véritables centres de contacts.
“Une entreprise doit proposer autant de portes d’accès qu’elle a de catégories de clients. Certains d’entre eux se dirigent vers le web, elle doit donc les y accompagner. C’est à la fois une question d’image et d’avantage compétitif.” Bénédicte Bigot, responsable du marketing des solutions centre d’appels de France Télécom L’opérateur teste une offre de web call center auprès d’une quinzaine d’entreprises pilotes, dont la FNAC et Cofinoga. L’offre consiste en une triple solution, échange d’e-mail, call back, call through, et également la possibilité pour le téléopérateur d’intervenir directement sur l’application sur laquelle l’internaute est connecté (call browsing). “À partir de notre offre, les centres d’appels peuvent assister les internautes dans l’utilisation d’un outil, présenter des produits et guider le client jusqu’à l’acte d’achat, et enfin, proposer des services de conseil ou de transaction en associant à la voix une interface graphique.” Le coût d’abonnement à ce service, commercialisé au deuxième semestre 1999, n’a pas encore été fixé.
“Notre flux d’e-mails augmentant, il nous a semblé important de les intégrer à l’ensemble des appels entrants et de leur assurer un traitement d’une qualité équivalente en termes de délai et de productivité.” Gérald Bouillaud, responsable télémarketing de Lyonnaise Câble Le centre d’appels de Lyonnaise Câble, équipé de 85 positions, gère en moyenne 200 e-mails quotidiens, essentiellement orientés sur la demande d’informations. Une fois par jour, le logiciel Hermès Pro de Vocalcom relève les messages, traite automatiquement les interlocuteurs non raccordés au câble et transmet les autres aux téléopérateurs qui rappellent ou répondent par un e-mail. “Notre objectif est de traiter les e-mails comme un appel, dans un délai de 20 secondes maximum.” Grâce au même logiciel, les demandes de rappel sont relevées toutes les 30 secondes et transmises à un fichier d’appels. Même opération, toutes les demi-journées, avec les demandes de documentation, relancées par un appel cinq jours plus tard.
Cinq raisons d’intégrer internet 1. Fournir un mode d’accès supplémentaire à l’entreprise. Certaines catégories de clients utilisent le web comme source d’information sur l’offre de l’entreprise. 2. Augmenter la productivité et la qualité du traitement des e-mails et l’homogénéiser avec le traitement des appels classiques. 3. Soigner son image et améliorer le service client en proposant des services interactifs (assistance, conseil). 4. Accroître les ventes. Internet est non seulement un canal supplémentaire de communication mais aussi de transaction. 5. Délocaliser à un moindre coût pour augmenter la productivité globale du centre d’appels. Éparpillé sur plusieurs sites, le centre d’appels peut fonctionner 24 heures sur 24, sept jours sur sept, grâce au décalage horaire.