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Jouez à fond sur les synergies !

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Les entreprises commercialisent souvent des produits et services différents mais complémentaires. Essayer de vendre tous ces produits au client rentabilise assurément l’activité. À condition de mettre en place une véritable stratégie de ventes croisées.

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Vous avez décidé de renouveler la flotte d’ordinateurs de votre entreprise : un commercial vient vous voir, avec qui vous concluez l’affaire. Au terme des négociations et des discussions, il se rend compte que vous avez, en outre, des besoins en photocopieurs que son entreprise fabrique également. Il vous propose alors de vous mettre en contact avec un autre commercial de la société, spécialisé, lui, dans les photocopieurs. Voici un exemple typique d’une vente croisée : un commercial profite de l’une de ses visites pour vous proposer un autre produit commercialisé par le groupe. Les ventes croisées ou plus généralement les synergies sont une source de profits à ne pas négliger, car elles augmentent d’autant la rentabilité. Ce qu’Anne Macquin-Lacrampe, professeur de vente à HEC, résume en expliquant “que les entreprises dépensent des millions de francs pour mettre en place des bases de données centralisées et compatibles entre elles. L’un des meilleurs moyens de rentabiliser l’investissement, c’est d’exploiter ces bases de données pour faire des cross-sellings. Le réflexe devrait être évident pour les entreprises.” Créer une autre culture d’entreprise Et en effet, certains grands groupes ont bien compris les avantages qu’ils pouvaient tirer des ventes croisées. Ainsi, Accor* a créé voilà un peu plus de deux ans une “cellule synergies”. Objectif : vendre aux clients l’ensemble des produits commercialisés par le groupe et faire en sorte que quelqu’un qui achète un billet d’avion (dans les agences de voyages Carlson Wagons Lits) reparte aussi avec des nuitées Sofitel ou Novotel et pourquoi pas avec une location de voitures Europcar, toutes ces enseignes appartenant au groupe Accor ou étant partenaires privilégiés. Ainsi présentées, les ventes croisées peuvent paraître évidentes. Et pourtant ! “Les us et coutumes faisaient que les gens du groupe travaillaient indépendamment les uns des autres alors que nous avons des métiers totalement complémentaires”, explique Jean-Pierre Deroin, le directeur des synergies chez Accor. Concrètement, il a donc fallu mettre en place des collaborations étroites entre les différentes marques du groupe et surtout proposer aux vendeurs des formations adaptées. “Nous avons par exemple formé l’ensemble des agents Carlson Wagons Lits à la location de voiture et à l’hôtellerie, des produits qu’ils ne connaissaient pas. Nous leur avons aussi proposé des formations portant spécifiquement sur la vente : comment répondre aux objections d’un client qui vient acheter un billet d’avion et qui a priori n’est pas intéressé par des nuits d’hôtel”, raconte Jean-Pierre Deroin. Accor est même allé encore plus loin dans les ventes croisées en éditant chaque semestre un Carnet évasion qui recense une vingtaine de promotions sur des produits du groupe. Distribués à un million d’exemplaires aux clients par mailings, dans les hôtels, aux possesseurs de tickets-restaurants, etc., ces Carnets proposent des réductions alléchantes, du genre : 40 % de réduction pour un week-end dans les Sofitel d’Europe, 150 francs de réduction sur les forfaits de plus de cinq jours chez Europcar, etc. Au final, ce chantier stratégique pour Accor a demandé “un fort changement de mentalité” mais il a aussi permis “d’apporter de la valeur ajoutée à nos clients et de les fidéliser”. Gérer la relation client Il s’agit effectivement là d’un autre avantage des ventes croisées qui, outre la plus grande rentabilité qu’elles induisent, favorisent aussi une meilleure gestion de la relation client. “Les ventes croisées permettent de donner une réponse complète au client”, souligne Anne Macquin-Lacrampe. En un mot, lui offrir des produits et des services presque packagés qui lui évitent du temps perdu en démarches annexes pour trouver les mêmes produits ou services… chez un concurrent ! C’est ce qu’a parfaitement compris Cegetel, le groupe ayant une offre de téléphonie fixe (avec le 7), de la téléphonie mobile (SFR) et de l’internet (AOL). Depuis deux mois, lorsqu’un consommateur achète un pack SFR, il lui est ainsi proposé une offre Privi7, c’est-à-dire un abonnement au réseau fixe de l’entreprise. Actuellement, 22 % des clients du 7 sont également abonnés SFR, un chiffre que le groupe a très logiquement pour volonté d’accroître substantiellement. Les ventes croisées peuvent également être une question d’opportunité et d’image de marque. En grande consommation par exemple, il s’agira plutôt de suggérer au consommateur d’acheter deux produits qui ne sont pas indispensables l’un à l’autre mais qui sont fortement complémentaires. C’est le cas quand un fabricant de biscuits propose en rayon un package de gâteaux sucrés et salés. Cela s’applique encore lorsque deux produits ont une image de marque très proche. “Il y a parfois des opérations où l’on vend deux choses qui n’ont rien à voir entre elles mais qui sont cohérentes au niveau de l’image, explique Anne Macquin-Lacrampe. Quand Procter & Gamble vend un désodorisant anti-tabac avec des produits Tupperware parce que la clientèle est identique, c’est aussi de la vente croisée.” Pourquoi ? Parce que cela va au-delà du simple accord commercial entre Procter & Gamble et Tupperware. Ces ventes s’appuient en effet sur un véritable partenariat fort qui se traduit notamment par des intéressements financiers pour les vendeurs. On applique un principe assez similaire pour pratiquer des ventes croisées avec les grands comptes, des clients qui y sont traditionnellement plus réfractaires que le consommateur lambda. En effet, bien souvent, ils ont déjà des fournisseurs attitrés dont ils ne changent pas volontiers, sauf si vous acceptez de faire des coupes sombres dans vos marges. Dès que l’on essaie de proposer à un grand compte plusieurs produits et services, on s’engage donc immédiatement dans d’âpres négociations, et cela peut finalement coûter très cher en temps et en rabais consentis. Dans ce cas, la plupart du temps, les ventes croisées vont plutôt prendre appui sur ce que Jean-Pierre Deroin chez Accor appelle “des croisements commerciaux. Nous pratiquons cela par exemple avec Danone qui est le premier fournisseur de yaourts pour Accor. Danone nous achète de l’hôtellerie et de la location de voitures notamment. C’est de la vente croisée avec un partenaire industriel, basé sur de l’échange commercial du type "je t’achète tu m’achètes".” Ventes croisées ou synergies ? Mais, on le voit, il s’agit plus ici de synergies au sein d’un groupe ou entre plusieurs entreprises. D’autant que selon certains spécialistes, la notion de vente croisée stricto sensu devient de moins en moins pertinente. “On se rend compte désormais que les vendeurs sont de moins en moins spécialisés par produits, explique Éric Mongrolle, professeur de vente à l’ESSEC. Les entreprises mettent peu à peu en place des forces de vente dédiées par nature de clientèle, et le commercial devient un ambassadeur de l’entreprise qui représente tout ce qu’elle vend.” Il est évident que “ce type de vendeur est beaucoup plus formé, ce n’est pas un commercial basique qui se contente de prendre une commande, affirme Éric Mongrolle. Il devient un véritable ingénieur commercial, interlocuteur privilégié du client.” Cela suppose que l’entreprise s’inscrive dans une démarche de gestion de la relation client et adopte une véritable stratégie en conséquence. Mais qu’on l’appelle “vente croisée” ou “synergie”, cette stratégie n’a de toute façon qu’un seul et même objectif : vendre plus de produits et services différents et complémentaires pour mieux satisfaire le client et augmenter la rentabilité des commerciaux. * Accor a cédé fin novembre sa participation dans Europcar à Volkswagen. Mais Europcar reste partenaire d’Accor qui continue de proposer la location de voiture dans son offre.

“Nous pratiquons les ventes croisées (ou recommandations) depuis la naissance de notre réseau. Cela représente 2 400 transactions en France en 1999.” Hervé Bléry, directeur général de Century 21 Fort d’un réseau de 600 agents immobiliers franchisés en France, Century 21 a pratiqué 2 400 ventes croisées en 1999 en France. “Par exemple, quand un vendeur Century 21 rencontre un client à Bordeaux et qu’il se rend compte que ce client veut acheter un bien à Lille, le vendeur met le client en relation avec l’agent immobilier de la ville concernée.” Une synergie qui se fait naturellement, affirme-t-il, car c’est dans la culture d’entreprise. Si la vente est conclue, la rémunération est motivante : l’agent immobilier qui a découvert le besoin touche 20 % des honoraires facturés par son confrère local qui empoche, lui, 80 % de la vente ou de la location.

“Les synergies sont chez Accor un chantier stratégique lourd, parce que nos métiers sont complémentaires.” Jean-Pierre Deroin, directeur des synergies dans le groupe Accor Depuis un peu plus de deux ans, Accor a fait des synergies une priorité du groupe : celui-ci vend aussi bien de l’hôtellerie que du voyage, de la restauration ou de la location de voitures. “L’investissement a été très lourd car il a fallu faire un travail de fond très important sur les formations des vendeurs et sur les réseaux informatiques des différentes marques pas toujours compatibles.” Mais l’investissement se révèle très payant : “Grâce aux ventes croisées entre Carlson Wagons Lits et l’hôtellerie, nous avons augmenté de 32 % nos réservations d’hôtels.”

“Les ventes croisées sont une caractéristique de notre activité depuis plusieurs années, car nous proposons à la fois des produits et des services. Nos commerciaux travaillent ainsi avec une rémunération motivante en cas de vente croisée.” Robert Vassoyan, directeur marketing de Compaq France “Nos commerciaux sont censés vendre la totalité de l’offre Compaq. Toutefois, ce n’est pas toujours évident : quand un client exprime des besoins spécifiques (par exemple pour des services complexes, monter une architecture, etc.) auxquels un commercial ne sait pas répondre seul, il fait appel à l’un de nos ingénieurs commerciaux spécialisés rattachés à une division produit. Pour que le système soit motivant, Compaq a mis en place une double rémunération qui bénéficie aux deux commerciaux.”

Ce qu’il faut retenir 1. Inciter les forces de vente d’un groupe ou d’une même entreprise à pratiquer les ventes croisées ou les synergies suppose un acte managérial fort : elles doivent être fortement “poussées” par la direction, sans quoi les vendeurs ne les pratiqueraient pas. 2. La mise en place d’une stratégie de ventes croisées suppose des investissements importants, car il sera sans doute nécessaire de faire de la formation sur l’ensemble de l’offre produit et de ses conditions de vente, pour que vos commerciaux puissent, sinon proposer l’ensemble de votre offre, du moins bien identifier les besoins du client pour passer le relais à l’un de ses collègues. 3. Lorsqu’il y a vente croisée, il faut instaurer une rémunération motivante pour les commerciaux. Cela se traduit généralement par un pourcentage supplémentaire sur l’affaire signée. C’est notamment à ce prix que la force de vente aura le “réflexe vente croisée”.

 
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F. T.

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