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L'autorité “militaire“ ne fait plus recette

Publié par le | Mis à jour le

Si, hier, il suffisait au manager de hausser le ton pour se faire respecter, il n'en est plus ainsi. Aujourd'hui, il risque, au moindre faux pas, d'être accusé de harcèlement moral. L'heure de la responsabilisation et de l'implication en amont des collaborateurs a sonné. Et si, d'aventure, la coupe est pleine, à lui de maîtriser les débordements.

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Le manager d’aujourd’hui est beaucoup plus exposé que celui d’hier. « Jusqu’au début des années 70, le chef exerçait son autorité sans partage. C’était l’ère du “patron a toujours raison”, le règne de la méthode des pharaons : ceux qui ne sont pas contents, on les jette aux crocodiles », se souvient Jean-Louis Muller, directeur de l’unité management et développement des personnes à la Cegos. Puis, progressivement, les managers se sont retrouvés face à des collaborateurs que le titre de directeur n’impressionnait plus. « Aujourd’hui, le seul lien de subordination qui lie un manager à ses collaborateurs ne suffit plus pour imposer ses vues », constate Stéphanie Savel, consultante chez ASG Conseil (Aznar Savel Gauthier). L’autorité version militaire a fait long feu.

Récemment, un pas supplémentaire a été franchi avec le “TQM” (total quality management). Il s’agit de donner la possibilité aux collaborateurs de juger leurs supérieurs hiérarchiques. Conséquence : un manager qui rencontre des problèmes avec plusieurs de ses collaborateurs sera vite taxé de mauvais manager. « Un responsable d’équipes peut aujourd’hui être accusé par ses collaborateurs de harcèlement moral. Il doit appliquer les directives de sa propre hiérarchie mais dispose pour cela de moyens de plus en plus réduits », explique Stéphanie Savel. Le manager d’aujourd’hui doit user, sans abuser, d’autorité, et doit surtout savoir l’utiliser à bon escient. Le “travailleur du savoir“ Sur l’autorité et plus particulièrement les modes d’exercice de l’autorité, il existe un certain nombre de théories anciennes, et notamment celle de David Mac Gregor, qui identifiait plusieurs types de management, allant d’un style très autoritaire à un style plus participatif. Ces théories ont été, depuis, enrichies. Aujourd’hui, on estime qu’il n’y a pas, dans l’absolu, de bon ou de mauvais management. Le dirigeant doit s’appuyer à la fois sur son feeling et sur les théories relatives au management. Mais, regrette Stéphanie Savel, « la plupart des personnes qui encadrent des hommes ne connaissent pas suffisamment l’ensemble de ces théories sur le management, ce qui les empêche de prendre du recul ». Puisque l’autorité peine désormais à s’affirmer en tant que telle, les managers ont tout intérêt à explorer d’autres voies, et, parmi elles, celle du “travailleur du savoir”. Le principe ? Il s’agit de rendre chacun des collaborateurs responsable de ses actes, en lui expliquant au préalable la stratégie de l’entreprise et ce que l’on attend de lui. Une méthode qui marche si les équipes sont réceptives. De plus, pour que le manager réussisse dans sa mission, il faut qu’il ait, avec sa propre hiérarchie, le même type de relation, qu’on lui ait expliqué la stratégie, et ce que l’on attend de lui. Mais attention, « ce travail, réalisé en amont, n’ôte pas au manager le droit de faire preuve d’autorité lorsque le besoin s’en fait sentir. Les colères saines, ça existe ! », assure Stéphanie Savel.

L’autorité à géométrie variable

À la place des principes et astuces clés en main, les spécialistes prônent aujourd’hui une pratique de l’autorité en fonction de la situation, de la maturité professionnelle du collaborateur, de sa relation au travail. « Avec un débutant, le manager aura tout intérêt à être assez directif et autoritaire sur les procédures, les règles de fonctionnement internes, sur les principes et les valeurs de l’entreprise », illustre Stéphanie Savel. Avec un commercial expérimenté, il pourra davantage jouer sur la persuasion. Et avec un commercial qui bat tous les records ? Pas de passe-droit ! « Même s’il réalise de superbes résultats, le commercial doit comprendre que sa valeur ajoutée dans l’entreprise ne se limite pas aux chiffres », précise Stéphanie Savel.

De la diplomatie

Mais, là aussi, il faut user de doigté et préférer les formules du style : “Je tiens à te dire que…, ce qui n’empêche pas que tu sois un très bon commercial”, ou encore “Justement, parce que tu es un très bon commercial, je tiens à te dire que…”. Jean-Louis Muller identifie quatre manières de manager et d’exercer son autorité. Il y a le modèle du “paillasson”, c’est le cas du manager qui n’ose pas affirmer son autorité.

À l’inverse, il y a le modèle du hérisson, caractéristique du manager qui crie haut et fort “ton rapport ne vaut rien !” Il attaque bille en tête, humilie le collaborateur. Cette méthode peut être efficace, mais en aucun cas efficiente. Elle massacre à coup sûr le long terme. Le manager risque, d’une part, que ses collaborateurs lui fassent payer en retour ses excès. Il risque aussi, face à un collaborateur qui n’est pas impressionné par la hiérarchie, de déclencher un conflit.

Le troisième modèle consiste à pratiquer la manipulation, à faire des allusions, à flatter. Il lâche par exemple à son collaborateur : “Toi qui es intelligent, tu devrais comprendre que…” Jean-Louis Muller estime que « ces trois modèles d’autorité, ou d’absence d’autorité, ne sont absolument pas satisfaisants. À tourner ainsi autour du pot, à ne pas être direct, le manager favorise le stress. » Ce spécialiste du management prône en revanche le modèle de “l’autorité diplomatique” qui consiste à s’appuyer sur des faits et à rappeler les conséquences. Prenons le cas d’un vendeur qui arrive avec trente minutes en retard à la réunion du matin. Dans le premier cas, son responsable lui assure que ce n’est pas grave… mais lui en veut quand même. Dans le second, il l’incendie et risque le clash. Dans le troisième, il contourne les faits par une remarque du style : “Pour quelqu’un qui dit qu’il gère bien son temps...”. Dans le quatrième, il lui fait remarquer : “Lorsque tu arrives à 10 heures au lieu de 9 heures 30, ça m’irrite parce que cela décale tout mon programme de la journée”. Et Jean-Louis Muller de préciser : « Si le manager est très fort, il peut ajouter : “sache que ce que je vais te dire ne va pas te faire plaisir, mais c’est important que je te le dise pour que l’on continue à correctement travailler ensemble”. »

L’autorité n’est pas une affaire de décibels

Les termes employés sont décisifs et doivent, par conséquent, être minutieusement choisis. Par exemple, il ne faut pas dire : “Vous êtes incompréhensible”, mais “Je ne vous comprends pas”. L’autorité doit traduire les opinions du manager mais en aucun cas se transformer en jugement de valeur. Concernant un commercial, il s’agit bien de critiquer les résultats et en aucun cas la personne. Même si le manager dit des choses désagréables à l’un de ses collaborateurs, il doit le faire avec le souci de préserver leur relation dans le temps. Avant de dire ou de faire, il doit donc mesurer les conséquences de ce qu’il va dire, et être clair sur l’objectif qu’il recherche. Personne ne doit perdre la face. Le manager doit également être très attentif aux réactions et au comportement de son interlocuteur, qui en disent souvent très long. Et respecter certaines règles sur la forme. Par exemple, tout le monde s’accorde, à dire qu’il est de loin préférable d’agir en face à face, de façon à ne pas mettre le collaborateur en difficulté vis-à-vis de ses collègues. Et puis « l’autorité n’est ni une affaire de décibels, ni une affaire de débit », explique Jean-Louis Muller. Les hommes et les femmes de la fonction commerciale ont souvent le défaut d’être trop pressés. « Or, pour avoir de l’autorité, il faut parler lentement, être bien calé sur son siège et regarder son interlocuteur droit dans les yeux. » Ne pas oublier que le regard en dit parfois plus que de longs discours...

 
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A.-F. Rabaud

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