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La guerre des libraires virtuels

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Poids lourds du marché culturel traditionnel, marchands virtuels et boutiques on line se battent à coups de millions de francs pour se partager le gâteau de la librairie sur internet. À l’heure où l’Américain Amazon veut s’implanter en France, on n’en est encore qu’à la phase de positionnement sur ce marché très prometteur.

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Qui oserait prédire aujourd’hui, comme il y a quelques années, qu’internet signe l’arrêt de mort de l’écrit ? Plus personne. Et pour cause : la vente en ligne de livres est le secteur le plus lucratif derrière l’informatique et les voyages. Selon une étude du Benchmark Group, il représentait dans l’Hexagone, en 1998, 9 % des achats effectués sur le web avec 36 MF de CA (un chiffre qui atteindrait désormais plus de 120 millions, d’après le directeur multimédia de France-Loisirs). Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que le livre est, sur le net, typiquement un objet de grande consommation que le cyberacheteur n’a pas besoin de voir ni de toucher, sachant à l’avance à quoi ressemblera le produit commandé. Dans cette course au chiffre d’affaires, les poids lourds du marché culturel traditionnel, comme la Fnac ou France-Loisirs, ont encore une longueur d’avance. Ces enseignes bénéficient d’un avantage de taille : elles possèdent une marque installée, reconnue par tous et c’est naturellement que les cyberconsommateurs se dirigent en priorité vers elles pour faire leurs achats. “Notre réseau existe depuis quarante ans, explique Patricia Delpierre, responsable marketing de Fnac.com, on a un capital-confiance qui compte énormément sur le net notamment pour le paiement sécurisé.” Idem chez France-Loisirs qui, disposant d’une importante base de données clients, peut faire la promotion de son site à moindre coût. À entendre les discours de ces géants, on pourrait se demander ce qui reste aux autres acteurs du marché. Les libraires purement virtuels, nés de l’explosion internet et pionniers du e-commerce de livres dès 1996, bénéficient en fait d’un capital-sympathie. À leur actif, ils ont aussi l’inventivité, car ils ne se sont pas contentés de mettre en ligne un catalogue qu’ils possédaient déjà. “Nous estimons avoir un vrai avantage en terme de savoir-faire”, s’exclame Patrice Magnard, pdg d’Alapage.com (France Télécom). Comme ses collègues de Chapitre (indépendant) et de Bol (groupe Bertelsmann), il voit son entreprise croître à des rythmes qui, dans d’autres secteurs, donneraient le vertige : ici, se vanter d’un CA multiplié par quatre ou cinq d’une année sur l’autre n’est pas rare… Dans ce marché virtuel aux contours encore flous, on voit également naître de petits libraires presque familiaux. C’est le cas par exemple de l’éditeur traditionnel Claude Tchou qui a lancé sur internet une bibliothèque de livres introuvables, ou de Pierre Costes, cet ancien chômeur qui a monté Quartier-livres.com, sur le modèle des librairies de proximité. La prochaine révolution viendra peut-être du e-book, ces livres que l’on pourra télécharger. Au deuxième trimestre 2000, certains sites, comme Alapage, proposeront ce service. Mais les professionnels se montrent divisés sur sa rentabilité. Car le plaisir du livre, acheté sur internet ou dans une librairie classique, ne passe pas uniquement par son contenu, mais aussi par son contenant : une belle couverture, des tranches que l’on met en avant sur une étagère, le parfum de l’encre et du papier. Autant de détails que le monde virtuel ne sait pas encore reproduire.

“L’avenir d’Alapage est dans le livre mais aussi dans d’autres domaines. Demain, sur notre site, on pourrait très bien vendre du vin ou des produits d’assurance.” Patrice Magnard, pdg d’Alapage.com Pionnier en France du secteur du livre sur internet en ayant ouvert son site en 1996, Alapage, qui avait débuté sur Minitel, appartient à la catégorie des libraires purement virtuels sans existence physique de points de vente. Un handicap au départ puisqu’il a fallu réussir à imposer une marque. Comment ? D’abord en mettant en place une base de données de produits la plus large possible : mission réussie avec aujourd’hui deux millions d’articles en vente (livres et CD), un fonds de 360 000 livres introuvables dans le commerce et, depuis fin décembre, 1,2 million d’ouvrages en anglais. Une banque de données tellement fournie que des concurrents du site (Chapitre ou la Fnac) l’ont utilisée en la louant. “Nous estimons avoir un vrai avantage concurrentiel, qui est notre savoir-faire”, explique Patrice Magnard. Le fils du célèbre éditeur affirme avoir multiplié son CA par trois en un an avec 600 000 visites par mois et un panier moyen par consommateur entre 200 et 230 F. Néanmoins, pour développer la marque, Alapage a eu besoin d’argent. Et quand France Télécom lui a proposé en septembre dernier de racheter 100 % de la société pour un montant que la rumeur estime aux environs de 350 millions de francs, Patrice Magnard n’a pas pu refuser. Pour son plus grand bénéfice, puisqu’il peut aujourd’hui avoir des projets plein la tête. “Nous avons par exemple changé notre logistique. Nous pouvons livrer 100 000 produits en moins de 48 heures. Et puis, nous allons nous diversifier.” Le jeune pdg pense, à l’instar de son grand concurrent américain Amazon, que l’avenir du site est dans le livre mais aussi ailleurs. “Nous allons faire de la vente aux enchères, et demain, nous pourrions très bien vendre du vin, des voyages ou des assurances.”

“France-Loisirs a toujours représenté la littérature pour tous. Avec notre site internet, c’est encore plus vrai : nous y faisons se rencontrer auteurs et lecteurs.” Frédéric Jumentier, membre du comité exécutif et directeur activité internet de France-Loisirs France-Loisirs a ouvert son site en mars 1998. Le club estime qu’il était normal d’offrir ce service à ses adhérents. “France-Loisirs a une tradition multi-canaux avec de la VPC et des points de vente. Nous nous devions d’être aussi sur le web.” Avec une présence dans un foyer français sur cinq, France-Loisirs “dispose d’une base énorme de 4 millions de clients avec laquelle nous pouvons faire la promotion de notre site à moindre coût.” Et bien sûr, la réputation du club rassure fortement les cyberacheteurs. France-Loisirs, qui refuse de communiquer le montant de son CA sur internet, estime donc être “très bien positionné” sur le marché de la librairie virtuelle : “Notre activité sur le web aété multipliée par cinq en un an, nous pensons détenir 10 à 15 % de parts de marché avec plus de 200 commandes quotidiennes et 2 000 références.” Il est vrai que le site de France-Loisirs, ouvert à tous sauf l’espace marchand réservé aux adhérents, est un modèle du genre : tout a été conçu pour que l’internaute se sente chez lui. La société a ainsi été la première à lancer en France le “roman interactif” : un écrivain met en ligne le premier chapitre d’un livre dont les internautes doivent imaginer la suite. “Nous l’avons fait avec Yann Queffélec et avons imprimé le résultat : le livre s’est vendu à 50 000 exemplaires !” En ce moment, l’expérience est reconduite avec Irène Frain qui “chat” en direct chaque semaine avec des passionnés. En matière d’animations, le site offre des dossiers et une recherche intuitive : vous cliquez sur des images évocatrices d’univers différents et France-Loisirs vous propose un livre correspondant aux critères. Innovation, convivialité : l’esprit club poussé jusqu’au bout du moindre clic de souris !

“Nous sommes le premier site de commerce électronique en France. Un résultat obtenu grâce à notre réseau qui existe depuis une quarantaine d’années et qui nous a donné un capital-confiance.” Patricia Delpierre, responsable marketing de Fnac Direct On ne présente plus la Fnac. Et c’est un vrai avantage sur internet où le plus difficile est d’imposer une marque et de conquérir la confiance du cyberconsommateur. Pour l’enseigne du groupe PPR, c’était chose faite avant d’arriver sur le web ! “Notre force, c’est notre réseau, explique Patricia Delpierre. On a un nom et déjà un capital-confiance. Cela compte pour les consommateurs, notamment au moment du paiement sur internet.” Un atout qui explique les bons résultats du site. “Fnac Direct a réalisé en 1999 un CA de 42 MF (environ 1 % du CA total de la Fnac) avec un panier moyen par consommateur entre 200 et 300 F. En décembre, nous avons eu des jours avec des pointes à 50 000 visites et 2 900 commandes sur internet.” La Fnac estime aussi offrir de vrais services sur le web. “Nous avons un contenu éditorial de 3 500 pages avec des dossiers thématiques, des interviews, etc. Par ailleurs, nous proposons pour les 100 000 produits les plus vendus une livraison sous 48 heures et nous avons une fonction de suivi de commande.” Selon Médiamétrie, fnac.com (anciennement fnac.fr) est le premier site de commerce électronique en terme d’audience en France. Le géant espère pouvoir tripler l’activité de son site cette année.

Repères en chiffres 140 millions : 141 c’est le chiffre d’affaires total estimé du marché de la librairie en ligne en France en 1999. 40% des cyberconsommateurs ont déjà acheté des livres sur internet. C’est le produit le plus vendu sur le web. 650 millions de dollars : c’est le chiffre d’affaires du libraire américain virtuel Amazon pour le quatrième trimestre 1999.

 
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F.T.

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