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La guerre réelle des libraires virtuels

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Amazon s’est imposé sur Internet comme le principal concurrent de l’intouchable Fnac, en se battant essentiellement sur la qualité du service.

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Concurrents Fnac.com et Amazon.fr ? Allons donc ! C’est à peine si l’un se contente d’un pudique “ toutes les offres complémentaires contribuent à crédibiliser ce marché ”, tandis que l’autre affirme, dans un discret euphémisme, “ ne pas vouloir parler de [ses] concurrents et préférer se concentrer sur [ses] clients ”. Voilà, côté face, l’aspect policé du duel entre les deux acteurs majeurs de la distribution de produits culturels sur Internet. Côté pile, toutefois, c’est une véritable guerre commerciale qui fait rage, chacun essayant de se différencier comme il le peut. Or, dans la librairie en ligne, cette différenciation est plutôt délicate. Comme le reconnaît bien volontiers Thomas Lot, président d’Amazon Europe : “ Qu’est-ce qui ressemble plus à un livre qu’un autre livre ? ” Pour conquérir la fidélité des internautes, les deux cybermarchands doivent donc travailler, non pas tant sur l’offre qui, peu ou prou, est identique, mais sur la livraison, l’ergonomie du site, les prix – dans une certaine mesure – et surtout, sur le conseil et le service. En la matière, Fnac et Amazon revendiquent ouvertement la culture de l’excellence. C’est surtout vrai pour le pure player américain qui, il faut le reconnaître, n’a pas tellement le choix. “ Nous devons créer un environnement où le client achète en toute confiance, explique Thomas Lot. Ce climat est, pour nous, le gage du succès. ” D’autant plus qu’Amazon intervient exclusivement sur Internet et que, ne disposant pas de magasin pour asseoir sa marque, le commerçant doit, en permanence, prouver son sérieux à des internautes souvent réticents à acheter en ligne.

L’univers d’une librairie… sur Internet

Concrètement, cela se traduit par un site dont l’ergonomie permet à tout un chacun de surfer sans encombre. Pour la majorité des articles, on trouvera donc une photo, un descriptif (résumés de livres, détails techniques, etc.), mais aussi certains sommaires, des extraits de livres ou de CD musicaux, des bandes-annonces de films pour les DVD, etc. Amazon tire parti de tous les avantages qu’offre Internet en matière d’interactivité. En effet, le cybermarchand fournit le classement de chaque article en fonction des ventes réalisées et donne des idées d’achat selon les goûts des internautes. Par exemple, si vous achetez un roman policier de Michael Connelly, Amazon vous suggèrera d’autres titres dont le style ou la thématique sont proches, commandés par les internautes. L’intérêt ? “ Recréer l’univers d’un magasin ”, répond Thomas Lot. Il est vrai que l’internaute qui vient sur Amazon.fr peut se balader dans les rayonnages virtuels comme dans une véritable librairie, ce qui, sur le Web, tient de la quadrature du cercle ! Et c’est justement l’une des grandes forces du site, on peut venir butiner, fureter et… acheter, même si l’on ne cherche rien de précis.

Un canal de vente complémentaire des magasins

Chez Fnac.com, la problématique est évidemment bien différente. Jan Löning, le directeur du site, reconnaît volontiers que la puissance et la notoriété de la librairie auprès du grand public ont constitué des atouts importants lors du lancement. “ Nous avions, dès le départ, une vraie crédibilité. Les gens pouvaient acheter chez nous les yeux fermés, sans se demander s’ils allaient être livrés et sans avoir peur de laisser leur numéro de carte bancaire. Cela dit, cette crédibilité rend nos clients d’autant plus exigeants. Beaucoup ont une relation presque affective avec la Fnac et nous ne devons pas les décevoir : leur fidélité se mérite tous les jours. ” Mais, en raison de cette double présence sur Internet et dans la distribution “réelle”, l’internaute a un comportement différent. “ Le site est une porte d’entrée supplémentaire vers notre offre. Ce n’est qu’un canal additionnel, même s’il nous permet également de toucher une clientèle différente, qui ne vient pas en magasin ”, affirme Jan Löning. Très logiquement, c’est donc ici une stratégie “clic & magasin” qui est mise en avant. Nombre de clients utilisent ainsi le Web pour préparer leurs futurs achats en boutique. “ On sait ainsi que 39 % des visiteurs de Fnac.com viennent sur le site pour repérer des articles. Sur cette proportion, 87 % concrétisent par un achat effectif dans l’un de nos points de vente. ” Dès que c’est possible, les synergies Web/magasins sont recherchées. Le site fournit, par exemple, les dates des rencontres avec les artistes. Tous les magasins mettent en avant le logo du site : un client qui trouve porte close est invité à se rendre sur Fnac.com, “ ouvert 7j sur 7 et 24h sur 24 ”. Enfin, pour les adhérents, les avantages sont les mêmes, qu’ils achètent en ligne ou pas. Un optimisme partagé quant à l’avenirRien d’étonnant, avec de tels atouts et une petite longueur d’avance – Fnac a été lancé à l’automne 99, Amazon en août 2000, seulement –, que le libraire français clic & mortar affiche un bel optimisme. “ Nous serons rentables à la fin de l’année prochaine ”, promet Jan Löning. Sa volonté est, à terme, de faire passer la proportion de revenus générés par Internet de 1,9 % à 10 % du chiffre d’affaires global du groupe. Chez Amazon, en revanche, Thomas Lot ne se hasarde pas à de tels pronostics. Cependant, l’optimisme est de mise : avec 218 millions d’euros de chiffre d’affaires par trimestre et une croissance de 70 % depuis trois trimestres, le climat est plutôt au beau fixe. “ L’objet de notre stratégie est de faire baisser les coûts ”, explique-t-il. Comment ? Toujours de la même manière : en améliorant la qualité afin d’éviter les réclamations onéreuses. Aujourd’hui, 10,6 % du chiffre d’affaires d’Amazon France est absorbé par la logistique, c’est-à-dire le packaging, la livraison et le support après-vente. C’est sur ce dernier point que le libraire escompte réaliser des économies. D’ailleurs, en un an, le nombre d’appels a diminué de 30 %. Amazon espère également que des librairies traditionnelles lui confieront leur distribution sur Internet. Cela signifie-t-il pour autant que le marché français de la librairie en ligne connaîtra des mouvements de consolidation ? “ Pas forcément, répond Jan Löning. Il n’y aura consolidation que si Internet ne se développe pas assez rapidement. À ce titre, nous attendons avec impatience la “démocratisation” du haut-débit. ” Et la marge de progression est encore importante : la France ne compte, en effet, que 6 millions de cyber-acheteurs, contre 14 millions en Allemagne, par exemple. “ En France, on en est encore aux débuts de l’Internet marchand ”, renchérit Thomas Lot. Et, si l’Hexagone suit les progressions des pays voisins, il y aura de la place pour tous les acteurs déjà présents sur le secteur de la librairie en ligne. Mais les meilleurs places au soleil coûtent cher. La question est de savoir si les actionnaires, par nature pressés, sauront attendre les premiers rayons d’une embellie qui se fait désirer.

Les offres

Fnac.com L’offre est quasiment exhaustive sur le catalogue livres en français, CD et DVD. En plus, Fnac.com vend du matériel informatique, des logiciels, de la hi-fi, des voyages et assure un service de billetterie. Le site propose donc la même chose qu’un magasin, mais avec des gammes bien plus étendues. Quant aux prix, ils sont identiques à ceux pratiqués dans les points de vente, hormis quelques promotions occasionnelles. “ Notre priorité est de proposer du choix, du service et de l’expertise, explique Jan Löning. Nous ne voulons pas “acheter” nos clients à coup de promotions ! ” Amazon Le pure player met en avant son offre exhaustive : tous les livres disponibles en français sont vendus, ainsi que le catalogue de DVD et CD. À quoi s’ajoutent 800 000 livres en langue anglaise, ce qui en fait le premier libraire anglais en France. Amazon se positionne également sur les prix : les livres sont donc vendus avec le rabais légal de 5 % (comme sur Fnac.com), mais Amazon essaie de creuser la différence sur les livres en anglais et sur les CD et DVD. Sur ces deux dernières familles de produits, Thomas Lot, affirme que “ l’écart de prix par rapport à nos concurrents est toujours significatif. ”

 
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Frédéric Thibaud

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