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Le Web call center : un rêve technologique ?

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Aux centres d'appels orientés Web, les entreprises françaises ont préféré des centres multimédias gérant le téléphone, les e-mails, le courrier et les fax.

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Le Web call center ? N'importe quel spécialiste de l'univers des centres d'appels vous rit au nez si vous lui parlez de ce qui fut, voici quatre ans à peine, le nouveau concept à la mode. En pleine euphorie Internet, on nous promettait des centres de contacts nouvelle génération, où les téléconseillers allaient dialoguer avec les clients et prospects grâce à la téléphonie sur IP (Internet Protocol), autrement dit en faisant passer la voix par les mêmes “tuyaux” que ceux d'Internet. Mieux : ces mêmes téléconseillers allaient, nous disait-on, pouvoir faire de la conavigation, c'est-à-dire guider l'internaute dans les méandres de sites Web de plus en plus complets. Quant au “call-back, il paraissait déjà presque dépassé ! Pensez donc : cette fonction devait simplement permettre à un internaute naviguant sur un site de se faire rappeler immédiatement par un téléconseiller.

Quatre ans plus tard, ce joli rêve technologique apparaît bien lointain. « On en a beaucoup parlé, ironise Fabien Esnoult, responsable clientèle chez Maxiphone, intégrateur de centres d'appels, mais on n'a rien vu. Je pense qu'il n'existe pas, en France, un seul Web call center tel que certains l'imaginaient en l'an 2000. » Pourquoi ? « C'est simple : les clients ne sont pas demandeurs de ces technologies, qui, quoi que l'on en dise, ne sont pas encore réellement matures, analyse Patrick Spinoza, fondateur et vice-président de Phone Web, prestataire en centres d'appels externalisés.

Un Web call center digne de ce nom supposerait que les internautes disposent tous d'une liaison à haut débit et d'un casque, ce qui est loin d'être le cas. La plupart des études prospectives disponibles sur le sujet estiment que la totalité des internautes français sera équipée en connexion à haut débit en 2020 seulement ! »

Centres de contacts multimédias

D'ici là, le centre d'appels classique a donc encore de très beaux jours devant lui. Classique ? Pas tout à fait quand même. « Nous parlons aujourd'hui de centre de contacts multimédia, explique Francis Frenkel, le responsable des centres d'appels d'Experian, l'un des plus importants acteurs de l'externalisation. Schématiquement, ce centre d'appels nouvelle génération permet de gérer la relation client à la fois par téléphone, mais aussi par e-mail, courrier et fax. »

En fait, le centre de contacts multimédia devient le point névralgique de la gestion de la relation client d'une entreprise. Que les téléconseillers gèrent également le traitement des e-mails – entrants, notamment – apparaît relativement logique. Cela présente plusieurs intérêts. « D'abord, affirme Francis Frenkel, c'est un moyen d'optimiser la productivité : un centre d'appels connaît des pics d'activité dans la journée, traditionnellement en milieu de matinée et en début d'après-midi. Mais, en dehors de ces horaires, l'activité peut être calme. Or, les téléconseillers sont à leur poste. Si le centre d'appels gère le traitement des e-mails, les collaborateurs peuvent être affectés à cette tâche lors des moments creux de la journée. » Autrement dit, le temps de travail des téléconseillers sera mieux utilisé.

Attention toutefois : mettre en place un tel centre de contacts suppose de recruter au préalable des téléconseillers possédant non seulement des qualités d'expression orale, mais aussi de bonnes qualités rédactionnelles. Des fautes d'orthographe ou de grammaire trop nombreuses et trop graves ne pardonnent pas quand on communique avec un prospect ou un client. Certes, il est possible, grâce à des logiciels basés sur l'analyse sémantique, de limiter les interventions des téléconseillers lors de la rédaction des réponses. « Nous avons mis en place ce type de solution dans notre centre d'appels, relate Francis Frenkel (Experian).

Le système peut ainsi générer une réponse totalement préformatée : cela arrive lorsque le client envoie un e-mail de demande de renseignements très basique. La seule intervention du téléconseiller est de vérifier, avant l'envoi du message, que la réponse correspond bien à la demande. » Si celle-ci est un peu plus complexe, le système proposera plusieurs réponses types. Il appartiendra alors au téléconseiller de choisir la mieux adaptée et de la compléter manuellement. Enfin, dernière possibilité : la demande ne peut faire l'objet d'une réponse automatisée. Dans ce cas, le téléconseiller doit aller fouiller dans une base de connaissances informatisée qui lui fournira tous les renseignements nécessaires.

Courrier et fax toujours d'actualité

Mais outre l'e-mail, qui représente chez Experian environ 20 % des échanges, un centre de contacts multimédia doit gérer des canaux plus traditionnels, mais essentiels, tels que le courrier et le fax. Ainsi, chez Maxiphone, on centralise tous les courriers reçus par la Caisse d'Épargne quand elle mène une opération de marketing direct. « Nos téléconseillers ouvrent les enveloppes et saisissent les informations transmises par le biais des coupons que les prospects ou les clients ont rempli, témoigne Fabien Esnoult (Maxiphone). Ensuite, nous envoyons ces données aux agences, qui peuvent alors prendre contact individuellement avec les personnes ayant répondu. »

Autre exemple, toujours pour la Caisse d'Épargne : lorsque les téléconseillers font de l'émission d'appels dans le cadre d'une campagne de marketing direct, ils saisissent les données relatives aux prospects “chauds” sur leur ordinateur, qui génère alors automatiquement l'envoi de fax vers les agences concernées. Il faut d'ailleurs noter que le fax est un moyen de communication toujours très utilisé, en dépit de son aspect un peu vieillot. Les mauvaises langues diraient que le centre de contacts multimédia d'aujourd'hui utilise essentiellement de “vieilles” technologies – téléphone, courrier, fax – et que les nouvelles technologies sont limitées à leur portion congrue avec l'e-mail.

On est donc revenu du rêve technologique d'hier. Les rares entreprises à avoir tenté l'expérience du Web call center, à l'instar des grands vépécistes comme La Redoute ou Les Trois Suisses, n'ont pas poursuivi et ont même très rapidement arrêté leurs services : la petite téléconseillère virtuelle qui apparaissait sur les pages de ces sites afin de guider les internautes dans leur navigation a très vite été remplacée par de vraies collaboratrices de centres d'appels, plus rentables et plus efficaces.

Témoignage

Olivier Laurent, directeur du service et de la qualité à la Camif, société de VAD spécialisée dans la maison et les loisirs « Notre centre de contacts traite l'ensemble des canaux » La Camif s'est dotée d'un centre de contacts multimédia gérant à la fois les contacts par téléphone, e-mail, courrier et fax. « Nous disposons de technologies qui nous permettraient de faire du chat ou du call-back, mais nous ne le faisons pas, parce que nos clients n'en sont pas demandeurs », explique Olivier Laurent. En revanche, le centre de contacts, en plus du téléphone classique, traite aussi les e-mails. Les téléconseillers s'en occupent, alternant, dans leur journée de travail, prise en charge des appels et réponses aux courriers électroniques.

« Quand un e-mail arrive, le système informatique puise dans une base de connaissances, qui suggère au téléconseiller plusieurs réponses possibles. Mais nous n'en fournissons pas de totalement automatisée. De ce fait, le téléconseiller lit le message, regarde la réponse proposée, vérifie qu'elle est bien adaptée et la reformule ou la précise avant de l'envoyer. » Par ailleurs, la Camif a mis en place un serveur vocal interactif,qui oriente le client vers des interlocuteurs spécialisés dans un secteur (meuble, électroménager, etc.). « Nous avons ainsi divisé de moitié le nombre de contacts. »

Avis d'expert

Francis Frenkel, responsable des centres d'appels d'Experian, groupe spécialisé dans l'externalisation « Le Web call center sera peut-être une réalité... dans le futur » La principale fonctionnalité ajoutée par Experian à ses centres d'appels, ces dernières années, est le traitement des contacts clients par e-mail. « Les autres technologies qui devaient composer le Web call center tel qu'on l'imaginait – chat, call-back, conavigation, etc. –, ne sont pas du tout utilisées en France, affirme Francis Frenkel. Ces dernières sont matures, c'est-à-dire qu'elles existent et que, d'un strict point de vue technique, elles fonctionnent. Mais elles ne sont pas utilisées car les internautes français n'en sont pas demandeurs. » À cela, plusieurs raisons : d'abord l'équipement informatique et l'accès à Internet, encore relativement faibles dans l'Hexagone, et puis la complexité d'utilisation de ces outils au regard, par exemple, de la simplicité du téléphone.« En revanche, outre-Atlantique – où les internautes sont nombreux et expérimentés –, le Web call center est une réalité. Cela signifie qu'un jour, les entreprises françaises se doteront elles aussi de centres d'appels Internet. Toute la question est de savoir à quel horizon. Mais, pour l'heure, l'investissement n'est pas du tout rentable. »

LEXIQUE

-Le chat permet à l'internaute de dialoguer en direct et par écrit avec un téléacteur.

- Le call-back propose à l'internaute d'être rappelé par un téléacteur. Seule contrainte : le client devra se déconnecter d'Internet, à moins de disposer d'une seconde ligne téléphonique.

- Le cobrowsing (ou conavigation) est une navigation copilotée par l'internaute et le télévendeur.

 
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Frédéric Thibaud

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