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Le capital client, une affaire de rentabilité

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C’est le triomphe du customer relationship management. Les entreprises sont de plus en plus sensibles à leur “capital client”. Les progrès technologiques facilitent la collecte, le stockage et le traitement des données, pour améliorer la finesse et la pertinence de la segmentation, base du marketing relationnel.

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Chkaiban Khattar, pdg de Valoris, spécialiste de la valorisation du capital client. “La situation actuelle est très paradoxale. Alors que l’économie se mondialise, il s’agit d’entretenir une relation encore plus fine avec le client. Pour les entreprises, c’est un véritable défi.” On observe une profonde transformation des mentalités. Auparavant, les entreprises fabriquaient des produits, puis cherchaient à les vendre selon le système “push”. Au fil du temps, il est devenu clair que le client, mieux renseigné, était devenu plus exigeant. L’innovation produit ne suffisant plus, on a compris qu’il fallait partir des attentes du client et donc l’écouter avec plus d’attention. “La nouvelle frontière” se situe donc dans la relation avec le consommateur final. Partant de ce constat, Valoris aide les entreprises à percevoir la valeur du client, en réalité ses attentes. Par exemple, pour un groupe de cosmétique dont les produits ont une image technique, la consommatrice attendra des conseils, des bilans, et des résultats. Elle souhaitera un historique de sa relation, qui lui évitera de représenter son cas. On le voit, le capital client se développe à travers des contacts plus fréquents et la fidélité. Mais dans les deux cas, l’entreprise doit se poser une question épineuse : quels sont mes clients les plus importants ? En effet, elle doit traiter ses interlocuteurs différemment selon leur potentiel. Cela implique une refonte importante de l’organisation. Tous les services sont touchés : la production, la logistique et bien sûr, le commercial. Olivier Marchal, directeur au bureau parisien du cabinet conseil en stratégie et organisation Bain et Compagnie. “Le capital client est un des quatre ou cinq actifs de toute entreprise, avec sa marque, son personnel, ses produits... La gestion de l’actif client est une préoccupation grandissante. Depuis la guerre du Golfe, le consommateur est devenu plus rationnel, moins aveuglément attaché à la marque. Nous observons un phénomène général de “shopping around“. La fidélité – nous l’avons mesurée pour différentes sociétés, dans les agences de publicité, ou les sociétés de cartes de crédit par exemple – a une très bonne corrélation avec la rentabilité. C’est un meilleur indicateur économique que les enquêtes de satisfaction client. Tout comme il y a corrélation entre fidélisation, durée de vie et valeur du client. Si l’on maîtrise ces informations, on est capable de mesurer les investissements propices sur tel ou tel segment de clientèle. Le client fidèle a beaucoup d’avantages : il est moins coûteux à satisfaire, il se montre moins sensible aux prix, il va recommander l’offre auprès d’autres consommateurs, il va acquérir les produits nouveaux. Avoir une bonne connaissance de sa segmentation client est la première étape de la démarche de gestion de l’actif client pour adapter toute l’évolution de son offre et de sa communication. Un des freins essentiels reste le manque de lien direct avec le consommateur, notamment dans le secteur de la grande consommation, dans lequel la distribution constitue un “écran” important, car la maîtrise de l’information se trouve aux mains des distributeurs. Ces sociétés disposent de deux angles d’attaque : soit la constitution de massives bases de données sur la structure clientèle et la communication directe, soit un travail de collaboration avec la grande distribution. C’est la formule gagnante qui se développe clairement chez les “leaders” de la grande consommation. L’erreur la plus fréquente des programmes de fidélisation, c’est tout simplement de constituer “une emplâtre sur une jambe de bois”, de correspondre à un mauvais diagnostic des raisons de la fidélité. Ils ne peuvent se limiter à des programmes de rétribution et de cadeaux. Le bon diagnostic aurait peut-être été de réduire ses prix de 3 %, ou de recruter du personnel de vente ou de service. Voire de corriger la structure même de l’offre. L’entreprise doit enfin pouvoir mesurer la performance des programmes de fidélité. La question du timing est importante, les pionniers pourront sans doute recréer un avantage concurrentiel, mais lorsque cela sera devenu la norme, les autres n’auront pas le choix. En “net”, l’entreprise elle-même ou le secteur y aura-t-il gagné, ou les programmes ne représentent-ils qu’un surcoût ? Si la loyauté s’accroît, pour un surcoût de 1 à 2 %, c’est utile. Laurent Savard, fondateur du cabinet Customer Management avec Guy Hagelauer et Jacques Masurel. Cette structure créée en 1998 a “sélectionné“ une quarantaine de consultants spécialistes en marketing, fidélisation ou bases de données, et se positionne comme “exclusivement dédiée à la valorisation du capital client“. “Cela nous stupéfie de voir que beaucoup d’entreprises ne disposent pas d’autres informations sur le comportement de leurs clients que les infos des cartes de crédit.” Bases de données clients, centres d’appels, site web, logiciels de scoring, de datamining, de géomarketing, de customer care et d’automatisation des forces de vente sont autant d’outils qui permettent de mieux connaître ses clients pour mieux les fidéliser. Le leitmotiv doit être : fournir plus de valeur aux clients les plus rentables. Car toute politique de fidélisation coûte de l’argent. Il y a différents niveaux, le premier étant les récompenses, le deuxième celui de la valeur ajoutée, et le troisième niveau, le plus difficile, est le niveau “émotionnel”. L’entreprise dit à ses clients : “Vous existez, ou You ARE, A pour appartenance, R pour reconnaissance, E pour émotion.” Elle n’a pas intérêt à offrir ces trois niveaux aux mêmes personnes, ou dans les mêmes proportions. La fidélisation repose vraiment sur la segmentation plutôt comportementale des clients qui permet de se différencier par une meilleure adéquation à leur demande d’accueil, de service, de personnel commercial... C’est avant tout par une personnalisation de la relation que vous vous attacherez vos clients : si cela passe par les outils classiques que sont les magazines clients, les clubs de clientèle, les cartes de fidélité, les services interactifs, elle passe surtout par l’écoute, le dialogue, le conseil, la sécurité, l’appartenance, la reconnaissance et même l’émotion. Toute action demande une implication forte de la direction générale, qui doit communiquer sa vision, la mission de l’entreprise. Enfin, la fidélisation signifie une communication claire des engagements vis-à-vis des clients. Cela passe par une reconfiguration des processus, et/ou une révision de supply chain, la création de moyens de collecte, de stockage et de traitement des informations clients, mais aussi la conversion de l’administration des ventes en véritable service client, ou la formation des vendeurs à fidéliser et pas seulement à conquérir. Gilles Venturi, directeur de Soft Computing, spécialiste en techniques décisionnelles. Il est associé au groupe Rapp Collins, qui comprend aussi Fideliting, filiale spécialisée dans les programmes de fidélisation. “Certaines entreprises sont en avance sur le traitement des bases de données, notamment les établissements de crédit, les télécoms et la VPC. Mais d’autres ne savent pas encore les exploiter, alors qu’il existe des marges de progrès considérables pour un investissement relativement modéré.” Pour Soft Computing, le capital client tient en une seule équation : le cash-flow généré sur la durée de vie du client actualisée moins les coûts de recrutement et de rupture de la relation. Nous proposons des entrepôts de données susceptibles de centraliser toutes les informations concernant le client, et de les analyser. L’objectif est d’optimiser la valeur du client en augmentant son chiffre d’affaires et en optimisant les coûts de recrutement et d’animation. Concrètement, cela recouvre essentiellement cinq types d’intervention : l’optimisation du recrutement des clients, l’augmentation des ventes croisées, l’anticipation du départ des clients, la réorganisation des assortiments en magasins ou des offres de services, le ciblage de précision et la mise en relation des investissements de communication avec les ventes individuelles. Nous sous-traitons ces analyses pour le compte d’entreprises, ou bien nous assurons un transfert de technologie. Généralement, nos prestations s’adressent à des entreprises détenant des portefeuilles clients importants : 3 à 400 000 clients en grand public, et 30 à 50 000 en business to business. Je suis optimiste pour l’avenir, car la quantité et la qualité des informations croît de manière exponentielle notamment grâce aux nouveaux canaux que sont les centres d’appels et le réseau internet. Ceci nous pousse vers l’exploitation des informations sur les clients en temps réel. Éric Falque, associé du cabinet conseil en stratégie et organisation PriceWaterhouseCoopers “British Airways a calculé que la perte d’un client “affaires” pouvait lui coûter jusqu’à 500 000 F, en considérant que la durée de vie de ce client est de 8 ans. Cela prouve qu’il faut passer d’une approche transactionnelle à une approche relationnelle.” Le terme de capital client est générique. Pour être plus concret, nous avons identifié des process applicables par l’entreprise : compréhension des besoins du consommateur, gestion de sa relation, management du personnel en contact avec la clientèle, mesures de la satisfaction et du mécontentement, vision de la durée de vie du consommateur. On ne se focalise plus sur la vente ponctuelle ou le chiffre d’affaires, mais sur la durée et la qualité des rapports commerciaux. Les secteurs d’activité proches du client, tels que les compagnies aériennes ou les banques, ont été les premiers à adhérer au concept il y a environ 15 ans. Aujourd’hui, en plus des télécommunications, les fabricants de produits de grande consommation, les distributeurs et le business to business s’y mettent à leur tour. En toute logique, plus la concurrence est vive, plus les entreprises sont sensibles au concept de capital client. La prise de conscience est donc réelle. L’évolution majeure réside dans l’évolution de la technologie. Les progrès facilitent le contact direct avec les consommateurs et le stockage des données les concernant. Par ailleurs, le personnel de l’entreprise dispose d’outils qui le rapprochent du client. C’est ainsi le cas pour un commercial, capable de se connecter à distance à sa base de données pour obtenir l’historique de la relation de son interlocuteur avec sa société. Certes, le coût de ces technologies reste important. Il faut concevoir la notion de capital client comme une mise à niveau. Au-delà de ce minimum, l’entreprise parvient à se différencier de ses adversaires.

Deux analyses du capital client Laurent Savard, de Customer Management : “Nous avons importé des États-Unis un logiciel expert qui permet de diagnostiquer l’état du capital client en une journée grâce à 150 questions sur lesquelles se penche un comité de direction. Il identifie ainsi les maillons faibles de la chaîne.“ Cinq chapitres composent le questionnaire : l’orientation client de l’entreprise, l’écoute des clients et du marché, la maîtrise de la qualité et des processus, la communication et les nouvelles technologies, la satisfaction et la fidélisation des clients. ATOS, spécialiste de la relation client à travers la mise en place de bases de données et de centres d’appels, a acheté en novembre 1998 Statilogie. Le modèle d’étude du capital client, développé par Statilogie, analyse le comportement d’achat d’un client suivant cinq dimensions : consommation, fidélité, potentiel de consommation, potentiel de fidélisation et potentiel de rayonnement. La valeur du client est ainsi matérialisée dans un “score“, puis étudiée via des “matrices de décision“.

Ce qu’il faut retenir Le capital client est lié directement à la rentabilité de l’entreprise. Augmenter son taux de fidélisation peut accroître spectaculairement la colonne “profits”. S’attacher à connaître la life-time value de sa clientèle est le premier pas vers la gestion de l’actif client. Tout comme la connaissance des raisons du départ des clients. La collecte puis l’analyse de l’information client (mode d’achat, besoins) sont fondamentaux pour nourrir la base de données. Le programme de fidélisation doit s’appuyer sur la segmentation client. Il doit aussi être conçu comme évolutif dès l’origine : l’entreprise a intérêt à prévoir ses quatre, cinq, voire dix premières années. Le bon suivi permet un meilleur ajustement des données et leur exploitation, moulinées segment par segment. Attention : le coût de sortie éventuel est un des surcoûts essentiels à imaginer ; il faut voir qu’un retour en arrière créerait un problème d’image.

 
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M. N., S. B.

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