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Le troc séduit aussi les entreprises (Spécial 20 ans)

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Si le troc est de plus en plus apprécié des particuliers, les entreprises, elles aussi, y ont recours. Méthode d’échange marchandises B to B, le barter fait des émules.

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Tirer le meilleur parti de ce que l’on possède, monnayer ses biens afin d’en faire un moyen de paiement... C’est le fondement même du troc : en échange de cet objet, d’une valeur X, je te donne cet autre objet, de valeur équivalente. À moins que rien, chez moi, ne t’intéresse pour l’instant, auquel cas je t’accorde un crédit qui te permettra de choisir, plus tard, parmi mes biens, celui qui t’intéresse... à concurrence de la valeur de ce que tu m’as échangé. Et si ce que tu choisissais chez moi avait plus de valeur que ce que j’avais moi-même choisi chez toi, alors ce serait à mon tour de bénéficier d’un crédit... Et ainsi de suite. L’idée n’est pas d’hier, mais elle s’appliquait – hier encore – essentiellement entre particuliers. Du trafic de billes, dans la cour de récréation, aux Sel (système d’échange et de commerce local), ces organisations permettant à des dizaines de milliers d’adhérents de troquer entre eux des biens et services par l’intermédiaire d’une vaste bourse d’échange, cette monnaie de substitution a toujours eu cours, semble-t-il. D’aucuns en ont même fait un véritable business, à l’instar de La Trocante, qui propose aux particuliers de se débarrasser de leurs “vieilleries” en bon état. Calquée sur le modèle du dépôt-vente, l’enseigne compte aujourd’hui, quinze ans après sa création, 74 magasins franchisés et se développe au rythme de trois ou quatre ouvertures par an. Les raisons de ce succès ? “ Les gens veulent éviter de jeter, explique Jean-François de Beaurepaire, directeur du réseau La Trocante. Parallèlement, ils ont envie de renouveler plus fréquemment leurs équipements, en informatique, vidéo, hi-fi et électroménager notamment. Nous leur offrons la possibilité de concilier les deux : en vendant leurs objets par notre intermédiaire, ils peuvent en tirer de la valeur et se rééquiper par la suite. ” Un système D qui satisfait, par ailleurs, un goût tout naturel pour la “chasse aux meilleurs prix”.

Un concept venu d’outre-Atlantique

Mais, plus récemment, le troc a également fait école auprès des entreprises. Bien entendu, ces dernières ont toujours pratiqué l’échange bilatéral, parfaitement légal à condition qu’il donne lieu à une émission régulière de factures avec TVA. La nouveauté réside donc dans la formalisation de cette économie de l’échange sous la forme du barter. Né aux États-Unis, où il aurait d’ores et déjà séduit quelque 450 000 entreprises (selon l’Irta, l’association des sociétés de barter), le barter n’est autre que le troc organisé au sein d’une communauté d’entreprises. Concrètement, des sociétés intermédiaires interviennent comme interfaces entre acheteurs et vendeurs et se rémunèrent en prélevant une commission sur le montant des transactions. Le barter permet à ses utilisateurs d’acquérir des biens sans entamer leur trésorerie et à d’autres, de vendre leurs produits ou services à de nouveaux clients. Exemple : un imprimeur souhaite acheter du mobilier de bureau. Il s’adresse à une société de barter dont le catalogue contient une offre de ce type. Il achète ses tables et ses chaises à l’un des fabricants de mobilier figurant au catalogue du prestataire, et les paie “en compensation”, c’est-à-dire en échange de sa propre marchandise, en l’occurrence de futures prestations d’impression. Dès lors, le compte de l’imprimeur est donc débiteur, puisqu’il a bénéficié d’une marchandise mais n’a pas encore fourni le service correspondant ; dès que l’un des clients de la société de barter achètera, par son intermédiaire, des travaux d’impression, ce compte se rééquilibrera. L’imprimeur pourra même, si le montant de sa prestation excède son achat en mobilier de bureau, bénéficier d’un crédit, qu’il pourra dépenser dans le catalogue du prestataire. “ L’échange marchandises tend à s’imposer comme un outil financier à part entière ”, témoigne Carole Cusin-Micheletti, directrice du développement d’Efficio France, l’un des acteurs du marché. De fait, il conquiert peu à peu ses lettres de noblesse. “ Ceux qui y goûtent y reviennent ! ”, lance, de son côté, François Raffet, directeur marketing de Barterforum.

Un outil de développement

Car s’il offre aux entreprises un moyen astucieux d’économiser leur cash, le barter leur permet également de développer leur présence commerciale. En effet, les prestataires s’engagent à trouver à leurs clients vendeurs de nouveaux comptes, évitant ainsi les clients acquis et même les prospects “chauds”. Conséquence : le barter devient un outil de conquête, aidant les entreprises à conquérir de nouveaux créneaux, de nouvelles zones géographiques ou encore de nouvelles cibles. “ Nos clients l’utilisent pour déstocker, développer leur chiffre d’affaires ou acquérir de nouveaux clients, indique François Raffet. Signe des temps : ils sont de plus en plus nombreux à commencer par vendre avant même d’acheter. ” Autre évolution : s’il était, à ses débuts, essentiellement connu des grands groupes, le barter retient de plus en plus l’attention des PME et PMI. Selon l’Irta, en Europe occidentale, 6 000 entreprises y auraient recours régulièrement. C’est soixante-quinze fois moins qu’aux États-Unis, mais cela reflète une petite montée en puissance du phénomène ! “ Le Net nous a beaucoup aidés à séduire les sociétés de taille modeste ”, explique le porte-parole de Barterforum. Depuis 2000, la société de barter dispose de son site, qui offre à une myriade de PME l’opportunité d’échanger des produits et services grâce à une plate-forme d’e-commerce. “ Les membres de la “communauté” sont immédiatement mis en relation, et le réseau s’enrichit à vitesse V ”, reprend François Raffet. Témoin de cette popularisation – lente mais sûre – du concept : hier cantonné aux médias et aux secteurs connexes (agences de communication, de marketing direct, de tourisme d’affaires, coursiers, imprimeurs, traiteurs, etc.), le barter pénètre de nouveaux secteurs, comme le transport, l’informatique ou encore les fournitures de bureau. “ Notre métier commence à se faire connaître et notre discours gagne en crédibilité ”, conclut le directeur marketing. Pour l’heure, une dizaine seulement de prestataires se partagent le marché hexagonal, mais la famille des spécialistes du barter pourrait bien s’agrandir au cours des prochaines années. “ La France accuse un retard certain par rapport au Royaume-Uni ”, note-t-on chez Barterforum. Pour accompagner la montée en puissance du “troc organisé”, ce dernier étend progressivement sa palette de services. “ Nous sommes aujourd’hui capables de répondre à des demandes très diverses. Nous pouvons, par exemple, organiser de A à Z une opération de marketing direct dont les dotations seront réglées en échange marchandises. Nous disposons, pour cela, de notre propre agence de marketing promotionnel, Ogem. ” En France, le marché du barter semble bel et bien sorti de l’enfance, entré dans l’adolescence.

Témoignage

Franck Kosakevitch, directeur du développement de Phone Marketing “ Le barter nous a apporté du business neuf ” Spécialisé dans la mise en place de centres de contacts pour les grands comptes, Phone Marketing a fait appel à Barterforum pour réaliser divers achats : mobilier de bureau, dotations, événements, etc. “ En échange, nous leur avons demandé de nous apporter du business neuf, explique Franck Kosakevitch. C’est ainsi que nous avons initié une collaboration avec Renault. Nous n’aurions sans doute pas gagné ce client sans la médiation de Baterforum. ” Cet apport de business est d’ailleurs un élément décisif de succès : “ Rien ne sert de recourir au barter si l’on piétine les plates-bandes de sa propre force de vente ! ”

 
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Stéfanie Moge-Masson

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