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Le vrai pouvoir d’achat de l’enfant

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L’influence des moins de 10 ans vaut son pesant d’or. Leurs parents tiennent compte de leur avis pour presque la moitié de leurs achats. Les jeunes consommateurs sont à chouchouter : quand on sait les séduire, les portes de la famille mais aussi de leur cercle de copains s’ouvrent.

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Enfants, certes, enfantins, pas tant que ça. Les plus jeunes des consommateurs, les moins de 10 ans, représentent une clientèle à ne pas négliger. Leur avis compte dans la famille, et ils se font entendre quand il s’agit d’imposer un produit dans le caddie de la maisonnée. Mûrs plus tôt, prescripteurs plus vite, les enfants influencent 43 % des achats de leurs parents (cf. encadré). Et disposent aussi d’un pouvoir d’achat. L’Institut de l’Enfant, spécialiste du marketing de l’enfant, estime à 64 F l’argent de poche donné par mois, une somme à multiplier parfois par cinq en comptant les cadeaux lors de fêtes, les primes aux notes ou encore le détournement de menue monnaie, lors de courses par exemple. Ce qui représente tout de même pour les 4/10 ans de 861 millions à 4,1 milliards de francs. Les marques s’intéressent de plus en plus à ces clients en herbe qui disposent d’un vrai pouvoir. "Dans les années 60, vendre aux enfants signifiait convaincre les parents, précise Joël-Yves Le Bigot, président de l’Institut de l’Enfant. Au début des années 70, on a pris conscience de la personnalité de l’enfant, et la publicité à destination de cette cible est apparue dans les années 80." Devant un produit, la réaction des plus jeunes est souvent tranchée : ça plaît beaucoup ou pas du tout. Pour s’assurer d’une réaction positive, il faut prévoir un programme musclé avant de s’adresser à la cible exigeante des enfants. Se démarquer Premier atout : proposer un produit attirant et sophistiqué. Les marques multiplient les tests avant le lancement du produit, et prévoient l’évolution de leurs gammes. "Pendant plusieurs mois, nous avons réalisé des tests avec des groupes d’enfants de 3 à 11 ans, explique Paul Peeters, directeur de la communication Europe de Samsonite, qui a lancé au printemps dernier la gamme de bagages Sammies pour les plus jeunes. Leurs réactions nous ont permis par exemple de prévoir une nouvelle couleur pour janvier prochain. Ils trouvaient que nos produits ressemblaient à une grenouille, c’est pourquoi nous lançons une nouvelle gamme en vert et jaune." Pour renforcer l’attirance en linéaire vers le produit, le cadeau, associé au packaging, fait de l’effet. CSR-Pampryl propose, pendant la période de Noël, deux cadeaux associés à un bipack de Champomy, la boisson festive des petits. "En terme d’approche, la prime directe est le mécanisme le plus pertinent, précise Anne-Christine Senderens, chef de groupe marques enfants chez Pampryl. Cette année, les enfants trouveront un rose à lèvres et un gel coiffant avec leurs bouteilles de Champomy. L’essentiel est de rester cohérent avec la définition du produit, en offrant un cadeau en rapport à la fête." De la télé à la cour d’école Design et cadeau associé renforcent le repérage du produit en linéaire. Mais pour toucher son cœur de cible, il faut savoir communiquer auprès d’elle. Dans le cas des plus jeunes, la télévision reste le média roi, soit en ciblant des plages spécifiquement enfants, soit des plages mixtes, parents et enfants. Pour le récent lancement de Spyro sur la Playstation, Sony, qui élargit ainsi sa cible vers un public plus familial, a prévu une campagne sur TF1, Canal Plus, M6 et France 2, associée à des publicités en presse spécialisée jeux et enfants. "Il faut faire passer un message très ludique, très proche des enfants, sans être simpliste ou gamin", explique Georges Forney, pdg de Sony Computer Entertainement France. Pour enclencher le bon mécanisme, il s’agit de savoir sur quel tableau on joue : soit on vend un produit dédié uniquement à l’enfant, soit on se positionne sur l’effet de mimétisme des petits par rapport au grands. Adidas préfère ainsi s’adresser d’abord aux plus âgés. "La plupart de nos actions sont destinées à convaincre les 11/17 ans, précise Isabelle Madec, directrice marketing d’Adidas. Même si nous disposons de gammes spécifiques plus colorées, nous comptons d’abord sur l’identification des enfants avec les adultes." Il n’est ainsi pas toujours nécessaire de prévoir des spots spécifiquement enfants pour garder son image de marque. Et le média TV n’est pas un passage obligé. Pour toucher les enfants, il est aussi possible d’agir au sein de leur univers quotidien. "Nous organisons des mini tournois de football en région, à partir de 6 ans", précise Isabelle Madec. La cour d’école est un lieu privilégié pour les marques. C’est en son sein que se font et se défont les modes enfantines, et que l’approbation de la tribu des tout-petits a lieu. Elle reste cependant réservée à des produits associés à l’éducation. Coktel, de Cendant Software, propose des logiciels ludo-éducatifs, d’accompagnement scolaire et de vie pratique, comme Adi ou Adibou. "Nous avons une déléguée scolaire qui tourne dans les écoles, ainsi qu’un réseau de classes pilotes qui développent des projets éducatifs avec nos produits", précise Marta Thongsavarn, directrice marketing France de Cendant Software. Cette présence à l’école renforce les présentations logicielles en magasin, la publicité en presse familiale, et les campagnes d’échantillonnages. Après avoir fait connaître et apprécier le produit, il s’agit de ne pas perdre sa clientèle. "Les enfants d’aujourd’hui sont très zappeurs, ils testent, ils essayent, remarque Cécile Velasco, directrice associée du cabinet conseil Junior City. Ils jettent aux orties ce qu’ils adoraient six mois avant." Jeux de fidélité Pour fidéliser ces clients volages, des actions de marketing direct sont à prévoir. Jeux, concours et boutiques appellent à la consommation. "Pour la première fois, à l’occasion de Noël, nous ouvrons une Champo’Boutik. En collectionnant des Champosous, l’enfant peut recevoir des articles pour faire la fête, comme un lot de flûtes, ou un nœud papillon", explique Anne-Christine Senderens, de Pampryl. Les animations pour prolonger la vente passent aussi par des cartes de fidélisation. "La politique d’animation est multiple : d’abord, pour trois produits achetés, le quatrième est offert. Ensuite, en renvoyant sa carte de garantie, l’enfant est inscrit pour recevoir un magazine d’actualité trimestriel, qui lui donne accès à diverses animations. Enfin, nous lançons en janvier une carte de parrainage", précise Marta Thongsavarn. Le bouche à oreille fonctionne particulièrement bien : la réputation d’une marque se tisse dans les réseaux d’échange des enfants. Cependant, la fidélisation doit aussi tenir compte du positionnement de la marque. Si on propose des gammes de produits destinés aussi aux adolescents, il faut savoir négocier le virage du collège. Car lors du passage à la pré-adolescence, les enfants n’ont qu’une idée en tête : se démarquer de leur statut de petits. "Nous avons remarqué que nos ventes maigrissaient sur les grandes classes, explique Marta Thongsavarn. Depuis août dernier, nous regagnons les collégiens en leur proposant un produit nouveau : des classes virtuelles sur internet, accessibles à partir du CD-Rom." Plus on fidélise tôt, plus on garde ses clients par la suite. "La gamme de bagages Sammies est stratégique pour notre société, témoigne Paul Peeters, de Samsonite. Il s’agit en effet de la première rencontre du consommateur avec la marque." Pour approcher et séduire la cible exigeante des enfants, il faut offrir le rêve et promettre la réalité, rester dans l’univers coloré de l’enfance tout en tenant compte du statut de petit adulte de l’enfant.

"S’adresser aux enfants, c’est toucher deux cibles : il faut en même temps attirer l’enfant et rassurer la mère. Sur la brosse à dents, on constate une faible implication des adultes : son achat n’est pas prémédité." Arié Melka, responsable marketing des produits rasage Wilkinson et de la gamme de brosses à dents Jordan. En septembre 1998, la marque norvégienne Jordan, distribuée en France par Warner Lambert – détenteur de la marque Wilkinson –, a lancé Amigo, une brosse à dents en forme de navette spatiale. "Nous avons sur ces produits une stratégie de push, en essayant d’abord d’accroître la visibilité des produits sur le lieu de vente. La fidélisation passe avant tout par le renouvellement des produits : l’enfant peut être fidèle à un concept, mais pas à un objet."

"Nous avons un regard d’adulte, nous sous-estimons les capacités du bébé. Coup de Pouce Jardin d’éveil s’adresse aux petits de 1 à 2 ans. Nous comptons pour le faire connaître sur le bouche à oreille et les actions presse." Marta Thongsavarn, directrice marketing France de Cendant Software. Le logiciel Coup de Pouce est destiné à compléter les activités de découverte du monde réel. Avec Coup de Pouce, la société élargit sa cible vers les tout-petits. Conçu pour être visionné par parents et enfants, le produit doit convaincre les mamans. "Pour Coup de Pouce, nous avons organisé en amont des biberons goûters, afin de tester le produit. Nous comptons maintenant sur le bouche à oreille et les relations presse pour lancer le produit."

"Les enfants d’aujourd’hui communient avec les marques, apprécient la complicité avec les ambassadeurs de ces marques et s’approprient la communication. Pour la kid génération des 4/10 ans, la nouveauté, le rire, la musique et le sport sont des valeurs essentielles." Joël-Yves Le Bigot dirige l’Institut de l’Enfant (IED). Créé au début des années 70, l’IED observe les comportements des enfants et des jeunes, de 0 à 25 ans. Son président met l’accent sur le fait que l’enfant est décideur et prescripteur dès l’âge de 3 ans. Les marchés de l’alimentaire, du vêtement, des produits son, du jouet, de la papeterie, et de l’édition sont sous l’influence des 4/6 ans. Pour la tranche des 7/10 ans s’ajoutent les marchés de la vidéo, du sport, des loisirs et des vacances, de l’équipement de la maison et de l’hygiène.

Les enfants d’aujourd’hui - Nombre d''enfants de 4 à 10 ans en France : 5 202 700. La France est le troisième marché européen. - Dans le secteur alimentaire, le taux de prescription est de 75 % pour les céréales, 73 % pour les produits laitiers et 64 % pour les glaces. Les jeux et les jouets battent un record : 81 %. Il est de 71 % pour les cassettes vidéo, 67 % pour les livres et 63 % pour les activités des vacances. - Les marques préférées des plus jeunes : Nike prend la première place devant Coca Cola, Kinder, Adidas, Danone, Nestlé, Barbie, Reebok, BN, Lu et Haribo. - Les mères cautionnent en première marque Danone, puis Kinder, Nestlé, Nike, Kellogs, Yoplait, Adidas, Lu, Coca Cola, Lego et Barbie. - Le caddie-type des plus petits contient du Coca Cola, du Nesquick et de la Vache Qui Rit. - Les hypers préférés : Carrefour, puis Leclerc et Auchan. * Chiffres du baromètre 98 de l’Ins-titut de l’Enfant sur les 4/11 ans, réalisé à partir d’entretiens en face à face.

 
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L. Deschamps

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