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Leica : au-delà du mythe, un objectif de démocratisation

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Prouver qu’un Leica est à la portée de tout bon photographe amateur, tel est le pari qu’a décidé de relever la marque allemande.

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Sans le Leica, je ne serais jamais devenu photographe », déclarait, en 1999, Henri Cartier-Bresson, interrogé par le quotidien Libération. Adepte du mythique M dès sa naissance, en 1954, l’artiste dira de lui qu’il « peut être comme un baiser passionné, un coup de revolver ou le divan d’un psychanalyste ». Mais c’est trente années plus tôt, au lendemain de la Première Guerre mondiale, que débute l’épopée de la marque allemande. D’année en année, la fièvre “leicaïste” va gagner tous les grands noms – ou presque – de la photographie internationale, de Robert Doisneau à Robert Capa, en passant par Larry Burrows, le grand imagier du Viêt-Nam, Manuel Alvarez Bravo, la référence de la photographie mexicaine, ou encore Gisèle Freund, pionnière du portrait en couleur. Aujourd’hui, Leica reste LA référence, pour des milliers d’amateurs et de professionnels passionnés. Mais l’entreprise, qui a enregistré un recul de 11 % de son chiffre d’affaires international au cours de l’exercice 2001-2002, doit composer avec une concurrence nippone de plus en plus performante, parvenue à faire du numérique son domaine de prédilection, et une image très haut de gamme qui lui joue parfois des tours. « Le mythe peut effrayer certains clients », confie Michel Ellert, le directeur de la filiale française. Après s’être fait sa place dans le Gotha du photojournalisme, après s’être hissé au rang de griffe de luxe – au point de susciter l’intérêt du groupe Hermès, désormais actionnaire majoritaire –, Leica s’attaque donc à un nouveau pari : être, plus qu’un objet culte adulé des collectionneurs et des initiés, le complice des voyages et loisirs de monsieur tout-le-monde, ainsi que l’un des acteurs du marché de la photo de demain. Un challenge que le groupe s’efforce de relever, grâce à l’appui technologique du Japonais Matsushita Electric Industrial Co, plus connu sous les noms de ses marques, Panasonic et Technics.

1/ Des revendeurs plus impliqués

Un R (pour Reflex), et a fortiori un M, sont des trésors de précision et de performance, qui ne peuvent se vendre que chez de véritables spécialistes. Tel est le credo de Leica qui, pour distribuer ses joyaux (dont les prix oscillent tout de même entre 2 500 et 3 500 euros, auxquels il faut ajouter 1 300 à 16 000 euros pour l’objectif), sélectionne ses partenaires avec une rigueur draconienne. C’est pourquoi, si les appareils numériques ou compacts, les jumelles, lunettes terrestres et projecteurs diapo sont diffusés par un réseau de 1 300 revendeurs photo, opticiens et armuriers, les précieux R et M, eux, font l’objet d’un contrat de distribution sélective mis en place dès 1980. « Tels des concessionnaires automobiles, nos centres conseils se doivent d’être représentatifs de notre marque, explique Michel Ellert. S’ils ont l’entière liberté de distribuer d’autres marques, ils s’engagent toutefois à référencer toute la gamme des R et des M, avec les objectifs associés. » Des centres conseils Leica (CCL) qui étaient au nombre de 130 dans l’Hexagone, il y a encore quatre ans. « En 1999 et 2000, nous avons considérablement concentré notre réseau, poursuit le directeur de la filiale française. À l’heure actuelle, il ne comprend plus que 87 CCL. » 87 partenaires qui, pourtant, pèsent plus lourd, en termes de chiffre d’affaires, que les 130 revendeurs d’hier. « Nous avons voulu moins de points de vente, mais générant un volume de ventes important. Nous n’avons donc pas hésité à cesser toute collaboration avec les revendeurs qui se contentaient d’utiliser Leica comme un faire-valoir pour leur magasin. » Quitte à voir plonger les ventes dans certaines villes, faute de distributeur… « Nous avons été quelque temps absents de Lyon, confie Michel Ellert. C’est le prix à payer pour construire un réseau vraiment performant. »

Un engagement réciproque

Désormais, les six représentants parcourent le territoire à la recherche des bons distributeurs. « Ce n’est ni l’emplacement de la boutique, ni le pouvoir d’achat de la clientèle locale qui conditionne le succès, mais la motivation du revendeur. Nos commerciaux repèrent ceux qui ont envie de jouer le jeu, puis les intéressent à notre marque. Et s’ils y parviennent, c’est presque gagné ! » Un pari que Leica semble en passe de remporter grâce à une politique commerciale basée sur un engagement réciproque : « Nous avons ouvert sept “shops in shop” et, partout, le concept fait ses preuves. Il nous reste du chemin à parcourir – nous pourrions faire trois fois mieux à Toulouse et n’avons pas trouvé de partenaire de qualité à Marseille –, mais nous progressons. » Une stratégie qui, espère-t-on chez Leica France, permettra de lutter contre l’érosion des ventes.

2/ Vers un discours vendeur

« Nous avons abandonné notre jargon d’experts de la photographie afin de nous doter d’un argumentaire de vente. » Fin 1999, confronté à un essoufflement de ses ventes sur certaines lignes de produits, Leica France fait appel au cabinet conseil Open Step, filiale d’Orga Consultants, pour réaliser un audit. Après avoir ausculté la base de données de l’entreprise, les consultants interrogent les revendeurs, puis les représentants, dont ils radioscopient, en quelque sorte, la mission. Leur diagnostic est double : primo, si la force commerciale possède une excellente connaissance de l’offre produits et maîtrise parfaitement les secrets de fabrication de Leica, en revanche, elle pèche par manque de communication et ne fournit pas assez d’arguments de vente à ses clients revendeurs, qui n’ont donc pas les moyens de se construire leur propre argumentaire. Secundo, les dépositaires de la marque hésitent, bien souvent, à proposer un appareil Leica de prime abord. Par conséquent, un client qui entre pour acheter un bel appareil photo se voit proposer… différentes marques, mais rarement Leica !

Former les forces de vente

« Il nous fallait, en premier lieu, évangéliser notre propre force de vente, travailler avec elle pour lui faire adopter un nouveau discours, commercial et non plus technicien, poursuit Michel Ellert. Nous avons organisé une sorte de long brainstorming avec nos représentants. Notre objectif était de sélectionner, pour chaque gamme de produits, trois ou quatre arguments de vente essentiels et, surtout, à la portée de n’importe quel client. » Préliminaire indispensable avant de s’attaquer à la phase critique : la formation de la force de vente du réseau, d’autant plus nécessaire que « les revendeurs photo sont des passionnés, rarement des commerciaux. Or, aucun réseau photo ne dispense de vraie formation commerciale à ses adhérents. » Pendant des mois, le fournisseur a donc reçu les vendeurs par groupes de six à dix personnes. « Nous souhaitions les amener à porter un regard neuf, dénué de tout a priori, sur notre marque. » Mission : montrer aux commerciaux des centres conseils que Leica est, au-delà du mythe, une marque – presque – comme les autres, susceptible de répondre à la demande d’un client lambda. « Nous leur avons dit : “Osez. Ne mentionnez pas les prix d’entrée de jeu, tentez d’abord de cerner le besoin du client, intéressez-vous à lui, puis faites-lui prendre en main un très bel appareil.” » À ses ambassadeurs, Leica fournit en outre des outils d’aide à la vente : un guide de vente qui, pour chaque famille de produits, brandit des arguments simples et capables de convaincre les néophytes. Autant d’efforts dont les résultats ne se sont pas fait attendre : le chiffre d’affaires a, en effet, bondi de 18 à 65 % selon les points de vente, et le taux de revente a grimpé, en moyenne, de 20 % chez les distributeurs “formés”. « Nous avons donc poursuivi dans cette voie en 2002, précise Michel Ellert, en dispensant, en outre, un complément de formation aux plus réceptifs des vendeurs formés en 2001. » Un travail de fourmi que Leica entend poursuivre en 2003.

3/ Cibler les amateurs éclairés

« Un leicaïste est, par définition, un connaisseur et un passionné. Notre objectif n’est donc pas tant de nous adresser à ces fervents admirateurs que de familiariser les néophytes avec notre marque et nos produits. » Michel Ellert en convient bien volontiers : Leica est, en quelque sorte, victime de son mythe. « Les personnes qui n’ont jamais acheté de Leica pensent que le produit leur est inaccessible. À nous de leur prouver le contraire. » Pour cela, la marque multiplie les initiatives. Elle a ainsi bâti une offre de financement, sous forme de location avec option d’achat. « Cela permet à un amateur de s’offrir un M7 pour moins de 100 euros par mois. » De même, elle soutient le dynamisme du marché de l’occasion. « Tous nos revendeurs commercialisent des produits de seconde main. Ici encore, il s’agit de démocratiser nos produits qui, de toute façon, sont conçus pour durer des dizaines d’années. » Par ailleurs, la toute dernière mouture du site Web Leica (www.leica-camera.com) propose une rubrique “Volés ou perdus”, qui permet aux clients désireux d’acheter du matériel d’occasion de s’assurer, au préalable, que l’appareil convoité n’a été ni volé ni égaré.

Prêter pour mieux vendre

Enfin, et surtout, Leica a emprunté au secteur de l’automobile une méthode éprouvée par la plupart des constructeurs : l’essai gratuit de matériel. Baptisée avec humour “Le bonheur est dans le prêt”, l’opération a débuté le 17 juin et se poursuit encore actuellement, forte de son succès. « Le principe est simple, explique Michel Ellert. Nous proposons à nos CCL de faire découvrir l’un de nos produits à des clients qui n’ont jamais acheté de matériel Leica auparavant. Pour cela, ils leur offrent l’opportunité (via un mailing ciblé ou de simples affichettes en magasin) de tester, pendant quelques jours, l’un de nos appareils : en l’occurrence, le nouveau M7, muni d’un objectif “trois en un”. » Le client emprunteur est donc amené, à trois reprises, à franchir le seuil de son point de vente. Primo, lors de la remise du matériel, le revendeur lui présente le principe du prêt, l’univers Leica et, surtout, l’appareil qu’il va avoir entre les mains. C’est une phase de découverte. Secundo, lors de la restitution, le client doit remplir une fiche de prêt, sur laquelle il fait part de ses impressions, remarques et de son éventuelle intention d’achat. À ce stade, le revendeur lui propose un développement qualitatif de ses photos. Tertio, le client vient chercher ses tirages. « S’ensuit une discussion sur les images qu’il a réalisées. Le commerçant conseille son client et en profite pour aborder de nouveau, plus en détail, certaines spécificités de l’appareil testé. » Sur la cinquantaine de centres conseils Leica participant à cette opération, tous, ou presque, se sont déclaré satisfaits des résultats obtenus. « Certains ont même décidé de renouveler cette formule, en l’élargissant au prêt d’objectifs, note le directeur de Leica Camera France. Ce genre d’offre suscite un véritable intérêt du grand public. La transformation n’est pas forcément immédiate, mais la graine est semée et elle déclenche bien souvent, à terme, un achat. »

Repères

Le mythe n’exclut pas la technologie

M : depuis près de cinquante ans

Le M, né en 1954 dans sa version M3, est le premier Leica de l’ère moderne. Sa maniabilité, sa rapidité d’exécution, associées à certaines innovations technologiques majeures, suscitent l’enthousiasme des professionnels et amateurs éclairés. La toute dernière version, baptisée M7, date de 2002 et intègre des améliorations notables. La commodité et la rapidité de l’appareil, par exemple, ont été accrues grâce à un système de réglage automatique du temps de pose.

R : l’autre “grand” de leica

Le R, pour Reflex, est l’autre appareil mythique de Leica. Né en 1965, il a abouti à l’actuel R9, un “prêt à photographier” qui promet d’être fiable en toute situation et de réaliser des images parfaites.

C : compacts et performants

La gamme des C, pour compact, comprend cinq modèles, dont deux nouveautés : les C2 et C3. Des appareils qui présentent l’avantage d’être aisément maniables tout en possédant les qualités optiques d’un produit Leica. Le tout à des prix raisonnables : entre 345 et 1 050 euros prix publics.

Leica dans la photo numérique

Leica a su négocier le virage numérique ! Le Leica Digilux 1, né de la collaboration technologique de Leica et de Panasonic, en apporte la preuve. Ses atouts ? Une qualité optique, une rapidité et une mobilité hors pair.

Les appareils optiques

Leica, c’est aussi une gamme de jumelles et de lunettes terrestres haut de gamme. Parmi ces outils de précision, la toute nouvelle Leica Duovid 8 + 12 x 42 est unique en son genre car elle offre deux possibilités de grossissement par simple rotation de bagues. C’est l’outil idéal des chasseurs, ornithologues et autres observateurs de la nature.

Pinmaster : l’outil des golfeurs

Le Leica Pinmaster est un outil étonnant. Très apprécié des joueurs de golf, il permet de déterminer la distance qui sépare son utilisateur d’un point donné : utile pour choisir son club en fonction de l’éloignement du drapeau !

Historique

Trois dates clés Tout commence en

1913

, lorsqu’Oskar Barnack, qui dirige le département R & D de Leitz, société allemande réputée pour ses microscopes de précision (utilisés dans le domaine médical), construit un prototype d’appareil photo de petite taille. Fini, l’antique engin de 10 kilos ; Barnack vient de concevoir le Leica Ur, de la taille d’un compact moderne et ne pesant pas plus de 380 grammes. Il invente aussi le format 24 x 36, qui bouleverse l’industrie photographique. En

1925

, Ernst Leitz II, son successeur, prend la décision de commercialiser le premier appareil 24 x 36 au monde, le Leica I. Lancé à la Foire de Leipzig, il surprend tellement, par son design simpliste et ses dimensions de “Liliput camera”, que ce qui devait être un événement se solde par un échec. Mais quelques photographes de presse ont flairé les possibilités de ce compact. En ces temps de libéralisme culturel en Allemagne, le photojournalisme moderne s’épanouit et, avec lui, la notoriété du Leica. Ernst Leitz vend 1 000 boîtiers en 1927, dix fois plus en 1928 et cent fois plus en 1933 ! En

1954

, enfin, naît le fameux M3, l’appareil culte d’Henri Cartier-Bresson, avec bague à baïonnette (pour un changement rapide des objectifs) et viseur multifocal à cadres lumineux (délimitant le champ de la prise de vue). Plus de vingt versions lui succéderont jusqu’en 1984, mais le M garde ses atouts uniques – silence de l’obturateur et fiabilité de la mécanique –, et les objectifs modernes pourront toujours être montés sur un appareil de première génération.

 
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Stéfanie Moge-Masson

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