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Les commerciaux les mieux équipés sont-ils les moins isolés ?

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Internet, intranet, ordinateurs portables, assistants personnels, téléphones portables, etc. : les commerciaux disposent d’une panoplie de nouvelles technologies de plus en plus étendue. L’objectif : renforcer la mobilité et la présence sur le terrain des forces de vente. Mais n’est-ce pas également un facteur supplémentaire de solitude pour des hommes déjà très isolés ?

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Stéphanie Wailliez, consultante spécialisée en informatisation des forces de vente au CXP « Les rencontres restent fondamentales et ne doivent pas disparaître, faute de quoi le commercial se sentira effectivement très seul. » Je constate quotidiennement que l’on a facilement tendance à envoyer un mail à une personne se trouvant deux étages au-dessus de soi. Le mail reproduit un dialogue oral et c’est pratique, on le fait parce qu’on se dit que l’on dérangera moins l’autre, que la personne y répondra quand elle aura le temps. Il est donc évident que l’e-mail modifie les communications au sein de l’entreprise. Mais attention : cela ne signifie pas pour autant que le mail remplace le téléphone. Avec l’apparition du GSM, les commerciaux téléphonent beaucoup plus quand ils sont sur le terrain : ils restent ainsi en contact permanent avec l’entreprise, ce qui était bien plus difficile avant. En fait, je crois que les nouvelles technologies modifient plus le type d’échanges que leur quantité. On posera par mail une question moyennement urgente, par téléphone une question très urgente et on réservera les rencontres physiques avec son manager et le reste de l’équipe commerciale aux questions de fond. Les nouvelles technologies ne rendent donc pas le commercial plus seul, mais elles modifient l’utilisation des différents moyens de communication. Un nouveau canal de communication n’en remplace pas un autre, il vient s’y ajouter : on invente une nouvelle façon de communiquer. Ces outils accélèrent les choses et rendent le travail plus qualitatif. Mais cela ne doit pas remplacer l’animation commerciale et la motivation, qui passent et passeront toujours par les réunions réelles. Les rencontres restent fondamentales et ne doivent pas disparaître à cause des nouvelles technologies, faute de quoi le commercial se sentira effectivement très seul. Naji Najjar, directeur e-business mobile chez IBM pour l’Europe de l’Ouest « La mise en place des nouvelles technologies doit s’accompagner d’une approche de management. Le rôle du manager commercial est accru : il doit garder le contact avec ses vendeurs. Je pense donc que c’est le management qui fera qu’un projet “nouvelles technologies” sera une réussite ou non. » Chez IBM, nous conduisons, depuis plusieurs années déjà, des expériences destinées à renforcer la mobilité géographique de nos collaborateurs et en particulier de nos commerciaux. Ceux-ci sont bien sûr équipés d’ordinateurs portables connectés à l’intranet de l’entreprise et ont tous un téléphone portable. Grâce à ces outils, ils passent plus de temps sur le terrain, gagnent donc en productivité et en efficacité. Pour l’entreprise, le bénéfice est donc évident. Mais les commerciaux y trouvent eux aussi leur compte. Avant, ils étaient souvent obligés de revenir au bureau pour réaliser des opérations administratives qu’ils effectuent aujourd’hui de chez eux ou bien directement sur le terrain. Les commerciaux sont donc plus disponibles et gèrent plus efficacement leur temps de travail avec un impact positif sur leur vie personnelle puisque, s’ils le désirent, ils peuvent rentrer plus tôt chez eux. Alors, évidemment, le risque serait qu’ils ne repassent plus du tout dans nos bureaux, qu’ils ne soient plus du tout en contact avec le reste des équipes. Pour éviter cela, la mise en place des nouvelles technologies doit s’accompagner d’une approche de management. Dans un tel contexte, le rôle du manager commercial est accru : il doit garder le contact avec ses vendeurs. Il doit les réunir régulièrement pour qu’ils aient un sentiment très fort d’appartenance à une équipe. Je pense donc que c’est le management qui fera qu’un projet d’équipement des commerciaux en nouvelles technologies sera une réussite ou non. Si on lâche les vendeurs dans la nature, il est évident qu’ils vont se sentir très seuls et que le sentiment d’équipe va se déliter. Chez IBM, nous avons, dans le même temps, mis en place des “bureaux de proximité” en divers lieux de la région parisienne afin que tous les collaborateurs disposent d’un point de chute proche de leur domicile. Ainsi, les commerciaux peuvent y passer un ou deux jours par semaine, y rencontrer d’autres collaborateurs mobiles, prendre un café. Cela rompt l’isolement dont ils pourraient être victimes. Stéphane Saraf, directeur du salon Mobile Office* « Ce débat me fait un peu penser aux peurs qui surgissaient à l’époque où sont apparus le téléphone ou l’informatique. Je crois que les nouvelles technologies sont d’autres moyens de communication et que la communication engendre automatiquement la relation. » Qu’ils soient équipés ou non de technologies mobiles, les commerciaux sont de toute façon seuls sur le terrain, à l’extérieur de l’entreprise. Je pense que les nouvelles technologies, qui renforcent effectivement la mobilité, permettent, au contraire, aux vendeurs de rester en contact permanent avec les autres collaborateurs. L’ordinateur portable relié au site de la société, le téléphone portable, etc. sont autant d’outils qui permettent aux forces de vente d’être moins isolées qu’auparavant. Aujourd’hui, un commercial qui n’a rien de tout cela, lorsqu’il se trouve dans sa chambre d’hôtel ou sur la route, est complètement seul. Les nouvelles technologies multiplient les accès à la relation humaine. On peut parfaitement imaginer que, demain, les commerciaux seront équipés de webcams qui leur permettront d’entrer en contact visuel avec le reste des équipes. De plus, il ne peut pas y avoir de rupture totale entre un collaborateur et son siège : le besoin de contact est inné, même lorsque l’on dispose de technologies qui permettent de se parler ou d’obtenir toutes les informations nécessaires. Chez Mobile Office, tous nos exposants ont un site Web et, pourtant, ils viennent à la rencontre du public et inversement. Pourquoi ? Parce que je crois que, fondamentalement, le contact réel, physique est le meilleur moyen d’établir une relation commerciale. Ce débat sur la solitude qui serait renforcée par les nouvelles technologies me fait un peu penser aux peurs qui surgissaient à l’époque où sont apparus le téléphone ou l’informatique. Je crois qu’il faut se dire que les nouvelles technologies sont d’autres moyens de communication, et que la communication engendre automatiquement la relation. Je suis donc persuadé que les commerciaux sont bien moins seuls grâce aux nouvelles technologies. * Salon Mobile Office, du 5 au 7 décembre 2001, au Palais des Congrès de Paris Luc Greth, directeur des ressources humaines de Würth « Lorsqu’un commercial se trouve chez un client avec son ordinateur portable et qu’il ne réussit pas à se connecter ou à utiliser correctement l’outil, il doit éprouver un intense sentiment de solitude. Je crois aussi, fondamentalement, que l’un des attraits du métier de commercial, c’est l’autonomie. » Chez Würth, nous avons 1 650 commerciaux de terrain et aucun n’est équipé d’une solution informatique. C’est une volonté car nous sommes très prudents : 90 % de notre clientèle est constituée d’artisans qui pourraient être gênés par l’arrivée d’un vendeur avec un ordinateur. D’autre part, nous ne sommes pas persuadés de la fiabilité à 100 % de l’outil. Nous pensons également que plus le commercial est équipé en nouvelles technologies, moins il voit le client. Car le temps passé devant son écran est autant de temps en moins passé face au client. Donc, je dirais que les outils technologiques peuvent être un facteur d’isolement supplémentaire ! En outre, lorsqu’un commercial se trouve chez un client avec son ordinateur portable et qu’il ne réussit pas à se connecter ou à utiliser correctement l’outil, ce qui évidemment peut se produire, il doit éprouver un intense sentiment de solitude et, en plus, risque de perdre une vente. Je crois aussi, fondamentalement, que l’un des attraits du métier de commercial, c’est l’autonomie : c’est un trait de caractère du vendeur, foncièrement solitaire. Pour autant, le commercial ne doit pas être complètement seul : il faut lui donner la possibilité d’entrer en contact avec son manager et avec ses collègues à tout moment et, pour cela, les téléphones portables sont tout à fait suffisants. Nous avons également une structure de management de proximité, avec au moins une réunion physique chaque semaine : nos vendeurs ne sont donc pas seuls pendant un mois entier, ce qui serait effectivement dramatique ! Je n’ai pas le sentiment que les nouvelles technologies révolutionnent la communication. Quand on voit, par exemple, que des personnes installées à cinq mètres les unes des autres dans un même bureau communiquent par e-mail au lieu d’aller parler autour d’un café, il y a de quoi être effrayé. Un chef de vente qui communiquerait par mail avec son équipe aurait des pratiques contraires à notre culture managériale : nous préférons investir dans les hommes plutôt que dans les machines. Yves Lasfargue, expert auprès de la Commission européenne dans le domaine des enjeux sociaux d’Internet et auteur de « Techno mordus, techno exclus, vivre et travailler à l’ère du numérique », (éditions d’Organisation) « On se rend compte, à travers les études menées en entreprise, qu’à condition que la réunion hebdomadaire n’ait pas disparu, les commerciaux se sentent bien moins seuls qu’auparavant grâce aux équipements technologiques d’information et de communication. » Avant le développement des nouvelles technologies, les commerciaux de terrain étaient totalement isolés. Leur seul lien avec l’entreprise et leurs collègues était la réunion hebdomadaire. Les technologies ont complètement changé la donne. On se rend compte, à travers les études menées en entreprise, qu’à condition que la réunion hebdomadaire n’ait pas disparu, les commerciaux se sentent bien moins seuls qu’avant grâce aux équipements technologiques d’information et de communication. Ils sont, en effet, plus souvent en contact avec l’entreprise, par exemple avec la base de données, et ont donc le sentiment d’être moins “démunis”. De plus, ils sont plus régulièrement et plus facilement en contact avec leurs collaborateurs, qu’il s’agisse des managers ou de leurs collègues. Dans la pratique, on s’aperçoit donc que plus ces technologies sont utilisées, plus elles génèrent de la communication, y compris des rencontres en “réel”. C’est certainement l’une des grandes découvertes de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication : la communication génère la communication. Ces outils permettent des communications venant s’ajouter à celles qui existaient déjà. Elles ne s’y substituent pas, ne les replacent pas, mais s’additionnent, contrairement à ce que l’on aurait pu penser. Et on le remarque dans les enquêtes auprès des cadres ou des commerciaux de terrain : plus on met d’interaction, plus on développe la communication physique. Pour être très concret, j’ai, par exemple, rencontré récemment un commercial export qui se sent moins seul à l’étranger parce que, grâce à son ordinateur connecté avec le siège de son entreprise, il obtient des réponses immédiates et instantanées à ses questions. Clairement, les nouvelles technologies diminuent le sentiment d’isolement d’un vendeur sur le terrain.

Ce qu’il faut retenir _ Avant l’apparition des nouvelles technologies, le commercial était déjà très seul sur le terrain. Les nouvelles technologies sont, pour lui, de nouveaux outils pour entrer en contact avec son entreprise, qu’il s’agisse de la base de données, de son manager, de son assistante ou de ses collègues. _ Les nouveaux moyens de communication ne doivent pas se substituer aux autres moyens de communication classiques. Il faut donc veiller à maintenir des contacts téléphoniques et des réunions régulières. _ Attention à ne pas sous-estimer le rôle du management dans un projet d’équipement des commerciaux en nouvelles technologies : le manager ne doit pas coacher ses équipes par mail, mais utiliser les moyens de communication en fonction du type d’informations qu’il doit transmettre : téléphone pour les urgences, e-mail pour des problèmes moins brûlants, et réunions réelles pour la motivation de l’équipe et les dossiers de fond.

 
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Propos recueillis par Frédéric Thibaud

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