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Les marques de cosmétiques à la conquête des hommes

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Les grands noms de la cosmétique misent aujourd'hui sur les hommes en étant présents sur tous les canaux de distribution. Mais si la croissance est forte, le marché reste encore modeste.

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Le marché des cosmétiques pour hommes progresse 1,5 fois plus vite que celui des femmes », constate Alain Grangé-Cabane, président de la Fédération des industries de la parfumerie (Fip). En France, il représente aujourd'hui 10,4 % du marché total des cosmétiques, soit un chiffre d'affaires de 680 millions d'euros en 2003. Un secteur qui vit, ces dernières années, un véritable décollage, attendu depuis quinze ans par les professionnels du secteur, dont les premiers se sont lancés sur le marché de l'homme au milieu des années quatre-vingt. « À l'époque, ni les hommes ni la distribution n'étaient prêts pour ce type de produits, reconnaît Christophe Clavel, directeur category management, en charge de la gestion des produits par univers de consommation au sein du groupe Beiersdorf, qui commercialise notamment les marques Nivea For Men et No Bacter. Ce n'est donc qu'au milieu des années quatre-vingt-dix, avec la naissance de la presse masculine et l'évolution des mentalités des hommes, que cette cosmétique a commencé à vraiment émerger. »

Preuve du dynamisme des produits de beauté pour hommes : l'arrivée d'acteurs phares de la cosmétique féminine, comme Clarins en 2002 ou L'Oréal en 2004, qui ont respectivement lancé les gammes Clarins For Men et L'Oréal Men Expert. Une des caractéristiques de ce secteur concerne le cloisonnement des réseaux de distribution. Il est rare qu'une marque se positionne sur plusieurs réseaux à la fois. Parfumerie, grande distribution et pharmacie sont donc abordées individuellement, les prix et positionnements des produits étant différents d'un canal à l'autre. Biotherm fait exception à la règle puisque la marque est présente, depuis toujours, aussi bien en parfumerie qu'en pharmacie. La croissance de ce marché provient de la vente des produits de soin du visage séduisant un consommateur urbain âgé de 30 à 40 ans, qualifié de “métrosexuel”. Les plus jeunes constituent également une cible à part entière.

1-Éduquer consommateurs et distributeurs

« Nous devons prouver aux hommes qu'il existe des soins qui leur sont spécifiquement destinés », conseille Christophe Novelli, responsable de la marque Nivea For Men, qui insiste sur l'importance d'éduquer le consommateur. Mais les acteurs du marché doivent avant tout former la distribution à ces nouveaux produits. Biotherm a, par exemple, organisé des soirées dans plusieurs villes de France, réunissant environ 300 conseillères beauté de magasins (aussi bien les points de vente indépendants que les chaînes) pour leur exposer le positionnement de la marque, les nouveautés, les évolutions, etc. « Nous avons effectué, à la fin de l'été 2004, un important focus sur les produits pour hommes par rapport à notre gamme pour femmes », précise Thierry Ruin, directeur commercial de Biotherm. Un travail surtout réalisé pour les réseaux de distribution sélective (parfumeries, indépendants, chaînes de franchises comme Sephora ou Marionnaud). Selon les chiffres 2003 publiés par la Fip, les parfumeries étaient en tête du marché pour la vente de cosmétiques pour hommes, avec 47,5 % du chiffre d'affaires total.

Les raisons de ce succès ? « La parfumerie a bien pris en compte les gammes de soins pour hommes en les identifiant comme une source de croissance potentielle », souligne Thierry Ruin. Par ailleurs, les marques ont investi ce canal de façon offensive avec des innovations, comme la gamme Clarins For Men, créée il y a deux ans à peine.

L'éducation des consommateurs comme des distributeurs diffère selon les marques. Nickel, spécialiste des soins pour hommes lancé en 1996, se démarque de ses concurrents en communiquant de façon percutante, notamment à travers le nom de ses produits : Lendemain de fête, Bonne gueule, etc. « Nous insistons auprès de notre force de vente pour faire passer ce message original et décalé, et bien positionner la marque dans l'esprit des distributeurs. Nous qui ne faisons ni cosmétiques pour femmes, ni parfums, avons besoin de nos propres vendeurs pour accroître notre notoriété, plutôt que de confier nos produits à un représentant qui dispose d'un large portefeuille de marques, insiste Philippe Dumont, p-dg de Nickel, qui revendique 9 % du marché de la distribution sélective. « L'arrivée massive des grandes marques sur ce marché nous apporte de la clientèle, ajoute-il, mais nous ne souhaitons pas être référencés de façon anarchique. Nous visons les magasins où l'espace pour l'homme est suffisamment grand et où les produits sont en libre accès, car le consommateur ne demandera pas conseil à une vendeuse ! »

Autre stratégie pour éduquer le consommateur masculin : la segmentation des gammes selon des typologies de produits telles que rasage–après-rasage–soin (chez Nivea For Men) ou soins–rasage–hygiène (chez Tom Robinn). Une division qui cible les usages mais aussi les clientèles selon leur âge. « Nous proposons des soins spécifiques aux 15-25 ans, très attachés à leur apparence. Ils sont différents de ceux pour les 20-30 ans, plutôt orientés vers l'hydratation de la peau », analyse Christophe Novelli, de Nivea For Men. Tom Robinn aborde la cible un peu plus largement en englobant les hommes âgés de 25 à 45 ans. « Les clients les plus matures sont plus difficiles à convaincre, car ces produits de beauté ne sont pas du tout dans leurs habitudes d'achat », constate Francis Paoli, responsable et fondateur de la marque.

La pharmacie, qui ne représente encore que 2 % des ventes, est un autre axe de développement pour les acteurs de ce marché. Le travail des marques ? Faire réaliser aux pharmaciens le potentiel de croissance de ce type de produits. « L'homme est une catégorie de clients délaissée en pharmacie. Les officines n'ont pas conscience du poids potentiel de ces produits dans leur chiffre d'affaires, ni de leur vraie légitimité dans leur point de vente », remarque Christophe Vaurès, chef de produit Vichy Hommes.

Ainsi, pour sensibiliser les pharmaciens, les Laboratoires Vichy les ont rassemblés cette année en séminaire pour les informer sur le marché et les outils d'aide à la vente. La force de vente dispose en outre d'argumentaires spécifiques. « Nos commerciaux doivent leur exposer le décalage entre la croissance du marché des soins pour hommes sur les autres circuits et la stagnation des ventes en officine depuis deux ans », indique Christophe Vaurès.

Vichy réalise 70 % de son chiffre d'affaires sur 800 officines, contre 30 % sur les 7 200 autres points de vente. « Cette concentration est inhérente à ce marché, qui cible l'homme urbain », ajoute le chef de produit. Même discours chez No Bacter, du groupe Beiersdorf : « Il faut faire des piqûres de rappel auprès des pharmaciens, qui ont tendance à référencer nos produits sans insister sur leur promotion, note Guillemette Moreau, directrice marketing de No Bacter. Nous réalisons donc un travail continu de relance, notamment via des campagnes de visibilité dans les officines avec des panneaux-vitrines installés, en ce moment, dans 7 000 points de vente. »

2 -Offrir des échantillons pour séduire

« Aller chercher le consommateur masculin là où il se trouve et lui mettre les produits dans la main. » Tel est le credo des acteurs des cosmétiques dédiés à la gent masculine. L'échantillonnage est la meilleure façon de toucher cette cible, par exemple à la sortie des vidéo-clubs, des boîtes de nuit, des salles de concerts, des restaurants branchés, dans les grands magasins ou encore lors des randonnées à roller. Tom Robinn couple échantillonnage et marketing direct. « Nous distribuons 5 000 cartes postales au cours de quatre ou cinq opérations par an, précise Francis Paoli. Nous nous associons en outre à des mailings de la Samaritaine et aux sites Internet des distributeurs comme Sephora. » Biotherm, pour sa part, dispose d'un fichier de 15 000 prospects masculins et réalise régulièrement des opérations de mailing et d'e-mailing à l'aide de cette base.

L'événementiel est également utilisé pour promouvoir les cosmétiques auprès des hommes. Sans aucune publicité, Nickel se fait ainsi connaître au travers de manifestations originales mises en place lors des lancements de produits. « Nous avions par exemple organisé une soirée avec les pompiers de New York en 2003 pour promouvoir notre marque et nos produits, indique Philippe Dumont. Nous nous voulons, par ce biais, moins conventionnels que nos concurrents. » S'adressant au départ aux gays, Nickel a voulu élargir sa clientèle, d'où sa présence accrue dans les points de vente ainsi que son partenariat avec Monoprix. « Pour gagner en notoriété, nous avons confié une licence à cette grande surface, qui a lancé la marque “Coaching by Nickel”, ce qui nous permet en outre de mettre un pied dans les grands magasins », ajoute-t-il.

Biotherm a, de son côté, bâti en 2003 une opération baptisée “Beauty Lab”, renouvelée chaque année. Il s'agit d'un road show dans 15 écoles de commerce en France – les facultés interdisant aux marques ce genre d'opérations commerciales. L'objectif ? Faire découvrir l'ensemble des produits Biotherm hommes et femmes. « Nous touchons ainsi une cible jeune qui n'a aucun frein face aux cosmétiques », constate Thierry Ruin. Dans un laboratoire monté sur place, Biotherm réalise alors pour chaque étudiant un diagnostic de sa peau. Ces derniers repartent avec des échantillons et, depuis l'édition 2004, un chèque-cadeau d'un montant de 6 euros, à valoir sur l'achat d'un produit de la marque. « Ce chèque permet de créer du trafic dans les points de vente », note Thierry Ruin, qui précise relever des taux de progression des ventes de 30 % à 100 % selon les produits, à l'issue de l'opération. La filiale de L'Oréal a également distribué 10 000 flyers dans les grandes écoles en 2003. Par ailleurs, Biotherm fêtera cette année les vingt ans de sa gamme de soins pour hommes au travers d'animations en magasins. Autre type d'événement, toujours chez cette marque : la distribution, dans les loges du Stade de France, de 3 000 “coffrets hommes”, le 4 février dernier, lors du match France-écosse de la coupe des VI Nations. Nivea For Men réalise également des opérations d'échantillonnage, cette fois en partenariat avec des grands magasins, comme les Galeries Lafayette à Paris.

Par ailleurs, Internet fait partie des canaux de recrutement, les hommes étant très réactifs à ce média. Ils n'ont en effet, ici encore, aucun intermédiaire et vont ainsi chercher l'information librement. Nivea For Men enregistre ainsi un taux de visites important sur son site www.nivea.fr, qui présente ses produits. L'inscription à la newsletter permet en outre de recevoir des conseils personnalisés, des informations sur les nouveaux produits, et des offres exclusives. Clarins et L'Oréal Men Expert disposent aussi de sites Web complets sur leurs produits. Internet se veut un outil de recrutement mais aussi d'éducation. Chaque marque consacre, par exemple, une rubrique sur les spécificités de la peau de l'homme et ses problèmes. En revanche, aucun des sites n'est marchand.

En pharmacie, Vichy et No Bacter ne misent ni sur Internet, ni sur des campagnes de mailing. « Le marché n'est pas encore assez mature, argumente Christophe Vaurès. Nous ne disposons pas encore d'un vivier de consommateurs assez important, et en recrutement, l'échantillonnage ou la communication sur le lieu de vente sont plus efficaces. »

3 -être plus présent sur le lieu de vente

Pour accroître leur visibilité, les acteurs jouent sur les animations dans les points de vente et la visibilité de leur marque dans les linéaires. « Trois fois par an, nous organisons dans chaque chaîne de distribution, et ce, pendant quinze jours, des opérations promotionnelles, en offrant un produit pour l'achat d'un autre », précise Thierry Ruin, directeur commercial de Biotherm. Chez Nickel, on joue sur des packagings et des opérations de promotions des ventes au ton décalé. « Lors de notre opération intitulée “Socks appeal”, nous offrions une paire de chaussettes de foot aux clients, note Philippe Dumont, p-dg de Nickel, qui mise beaucoup, à l'instar de ses concurrents, sur les opérations montées avec les distributeurs. « Nous avons par exemple lancé en exclusivité chez Sephora des produits sur le thème station-service (pots en forme de bidon d'huile notamment). »

Les marques ciblent bien sûr les magasins où le potentiel de clientèle hommes est le plus fort, comme le point de vente Sephora de la rue de Rivoli à Paris. « Nous avons beaucoup investi dans ce magasin où nous réalisons 50 % de notre chiffre avec les produits destinés à cette clientèle », précise Thierry Ruin chez Biotherm.

Côté grande distribution, la problématique est la même. Le dynamisme des uns encouragent celui des autres. « La distribution attendait qu'un acteur mette des moyens conséquents pour faire connaître les produits », argumente Christophe Clavel, chez Nivea. La marque a tenu ce rôle de “dynamiseur” dès 1989 avec le lancement de cinq produits dès sa première année sur ce segment de marché. « Nous avons ensuite innové avec un produit par an pour installer la marque et créer un véritable marché de la cosmétique pour homme », poursuit Christophe Clavel.

Tom Robinn, qui ne bénéficie pas de la notoriété des grandes marques, multiplie les points de présence en distribution. Le fabricant est non seulement présent dans les parfumeries mais aussi dans des centres de soins pour hommes ou dans des corners en grands magasins (Galeries Lafayette, Samaritaine, Printemps). « Nous souhaitons accroître notre présence cette année en référençant nos produits dans 280 points de vente, contre une centaine aujourd'hui », confie Francis Paoli. Et pour exploiter le potentiel de vente de la distribution sélective, Tom Robinn a noué un partenariat avec le distributeur Oloyd, qui commercialise ses produits à travers l'Europe.

Un travail que réalisent également les marques présentes en pharmacie, à la différence près que ce secteur de vente n'a pas ou peu connu d'innovations majeures ces derniers temps. Les marques tiennent donc un discours beaucoup plus pédagogique. « Nous travaillons sur notre présence à travers le merchandising, le balisage des rayons, etc., pointe Christophe Vaurès (Vichy Homme). Il s'agit de donner plus de place aux soins pour hommes dans le point de vente, donc plus de place à Vichy, en réorganisant les rayonnages. » No Bacter organise en outre des actions de promotions des ventes avec des échantillons offerts dans le pack acheté, ou distribués sur le lieu de vente. L'objectif ultime est donc de faire venir et revenir le consommateur en pharmacie. Pour cela, Vichy réalise du “street marketing” dans les centres d'affaires, aux sorties de métro, etc. Une opération de plus pour convertir la moitié de la population française aux bons soins des cosmétiques.

 
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Isabelle de Chauliac

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