Les secrets des entreprises qui cartonnent
Elles affichent des taux de croissance record. À travers une étude menée auprès des directions commerciales de 14 pays, dont nous publions en avant-première les résultats, découvrez les secrets de ces sociétés françaises dans lesquelles la fonction commerciale tient un rôle de choix.
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Plus de 34 % de croissance du chiffre d'affaires en 2006. Une rentabilité
nette de 11 %. Et à la fin de décembre 2006, une nouvelle hausse de plus de 40
% des prises de commande par rapport à l'année précédente. Que dire de plus
pour prouver la performance commerciale du fabricant de nacelles de chantier et
d'engins de manutention Haulotte ? Reste à percer le secret de cette
croissance. « Nous avons longtemps vécu en totale dépendance de notre outil
industriel, relate Pierrick Lourdain, directeur des ventes et du marketing chez
Haulotte Groupe. Nous proposions nos produits au marché sans vraiment chercher
à les vendre ! Mais en 2006, nous avons pour la première fois mis sur pied une
véritable stratégie commerciale et nommé un directeur général en charge des
ventes. Et nos résultats ont explosé. » Le passage d'une entité industrielle à
la création d'une structure commerciale organisée, voilà la recette de
l'industriel. Et qu'en est-il pour les autres ? C'est pour déceler les secrets
de ces entreprises qui cartonnent que Mercuri International, cabinet de conseil
en stratégie, a sondé 747 directeurs commerciaux issus de sociétés originaires
de 14 pays différents (lire notre encadré Méthodologie). « L'excellence
commerciale n'est pas un accident. Elle respecte certaines règles », pointe
Gérard Baillard, président de Mercuri International France. Fort de ce constat,
le cabinet de conseil en stratégie et l'Institute of marketing and retailing de
l'université suisse de Saint-Gall se sont penchés sur l'approche de la vente et
la contribution des directions commerciales au succès de leur entreprise. «
Nous avons réalisé que les plus performantes ne fonctionnaient pas de façon
classique », remarque Gérard Baillard, qui en conclut qu'il n'y a pas « un
modèle unique de vente, mais une multiplicité ». Surtout, ces sociétés ne
craignent pas d'allouer un budget important à la direction commerciale et à
l'ensemble de son fonctionnement. Les entreprises du Top 10 lui consacrent, en
effet, jusqu'à 30 % de leur budget, contre une moyenne de 15 % pour l'ensemble
des sociétés. Celles du Bottom 10 (qui regroupent les dix entreprises les moins
performantes) y allouent simplement 10 % de leur budget ! « Tout comme un
investisseur expérimenté place son argent sur les marchés de capitaux générant
le plus de retour, une entreprise qui réussit oriente ses capacités de ventes
pour qu'elles génèrent le plus grand rendement », conclut l'étude. De la
définition de la stratégie commerciale à l'image des vendeurs dans
l'entreprise, en passant par la mise à plat de processus commerciaux et une
segmentation client fondée sur l'analyse de leurs attentes, nous allons passer
en revue les facteurs principaux du succès et de l'excellence commerciale des
entreprises qui cartonnent.
Les entreprises qui cartonnent valorisent l'image de leurs vendeurs
En examinant de près les sociétés qui sont performantes, les experts du cabinet conseil et formation Mercuri International ont fait une découverte qui va ravir tous les lecteurs d'Action Commerciale : « Dans les entreprises du Top 10, le commercial est perçu et reconnu comme un collaborateurclé ! » Mieux, « dans près de neuf sociétés sur dix du même classement, leur image est excellente, contre seulement une sur deux dans celles du Bottom 10 ». Au point que dans 56 % de ces entreprises modèles, l'ensemble des employés se considèrent comme commerciaux, contre seulement 25 % dans les sociétés à la traîne. “Tous vendeurs ?” C'est dans cet esprit que Coca-Cola avait imaginé, il y a quelques années, l'opération “m2”. Le principe était simple : chaque collaborateur était sollicité afin de trouver de nouvelles implantations pour les distributeurs automatiques de boisson. Les informations remontaient alors directement auprès de la force de vente chargée de prospecter et de transformer les propositions. « Audelà de l'objectif purement économique, il est clair que ce type d'opération contribue à développer la culture commerciale de l'entreprise », souligne Virginie Pétrel, en charge de la communication de Coca-Cola. Faire de chaque collaborateur un “commercial en puissance” est une idée qui fait son chemin dans de nombreuses sociétés. C'est ainsi que chaque année le groupe Manpower (+ 8,4 % de chiffre d'affaires en 2006 et un résultat d'exploitation en hausse de 18 %) organise l'opération “Global sales day”. Durant un jour, tous les collaborateurs partent sur le terrain avec les commerciaux pour quelques heures dédiées à la prospection. Ce type d'initiative est plébiscité par l'étude Mercuri : « La vente doit être vécue et expérimentée par chaque employé, conseille Gérard Baillard, président de Mercuri International France. Toute personne qui n'est pas confrontée à des résultats commerciaux, à l'acquisition et à la perte de client, ne perçoit pas forcément l'importance de l'orientation clients dans la stratégie de la société. »
Fierté d'appartenance
Mais pour réussir une telle mobilisation, la fierté d'appartenance à l'entreprise doit être bien réelle. Pari gagné par la société Carglass ! « Elle est très supérieure ici à tout ce que j'ai connu dans mes expériences professionnelles passées, avoue Samuel Avenel, directeur commercial de Carglass. La preuve : 78 % des collaborateurs sont fiers de porter les couleurs de l'entreprise (selon une enquête réalisée par un cabinet externe, ndlr). Au sein du service commercial, je ne dispose pas des chiffres, mais le taux, j'en suis certain, doit avoisiner les 95 % ! » Et côté résultats, la société “assure” : l'effectif a été multiplié par trois en dix ans et le chiffre d'affaires était en hausse de 13,5 % l'an passé. Dans ces entreprises qui cartonnent, le département commercial a également su faire valoir ses résultats auprès des autres services de la société. « Les directeurs commerciaux doivent apprendre à utiliser les méthodes marketing qu'ils appliquent à leurs produits pour valoriser leurs actions aux yeux de l'ensemble des collaborateurs », conseille Gérard Baillard. C'est ainsi que chez Carglass, chaque manager (directeur des ressources humaines, directeur administratif et financier, directeur des systèmes d'information…) reçoit tous les matins les chiffres des ventes, par région ou encore par produit. « Cela contribue à valoriser l'action commerciale et à forger une culture du résultat », assure Samuel Avenel. Pour Gérard Baillard, c'est un minimum. Il n'hésite pas à conseiller de transmettre les informations sur les résultats de l'entreprise à tous les employés, sous forme de newsletters, de rapports ou de notes internes. Il est alors plus facile de mobiliser l'entreprise autour du service clients. En témoigne encore le directeur commercial de Carglass : « Récemment, l'un de nos gros clients, Swiss Life, nous a demandé d'intégrer l'échange de données informatisées (EDI) dans nos process. » Une tâche qui n'est pas du ressort de la direction commerciale mais de la direction informatique. « Je l'ai donc sollicitée en lui précisant l'importance de ce client pour l'entreprise. En une semaine, ce service a répondu à la demande, quand cela aurait dû prendre huit à dix semaines en temps normal. Un effort de sa part qui nous a permis de pleinement satisfaire notre client. » L'implication de la direction générale dans la vente est également souvent salutaire. Ainsi, selon l'enquête Mercuri International, si la direction est “très impliquée” dans 78 % des entreprises qui cartonnent, elle ne l'est que pour 55 % dans celles qui sont moins performantes. « En participant au développement de certains marchés ou en se rendant aux conventions, les membres de la direction générale démontrent à tous que la seule et unique mesure de performance est la reconnaissance des clients et de l'action commerciale », conclut Gérard Baillard.
Elles se dotent de stratégies commerciales dignes de ce nom
« Avant, nos produits étaient rois ! Désormais, nous tenons bien plus compte des besoins de nos clients pour leur proposer des produits adaptés, explique Pierrick Lourdain, directeur des ventes et du marketing chez Haulotte Groupe. De culture industrielle, l'entreprise s'est davantage tournée, depuis 2006, vers la fonction commerciale. » Et selon l'enquête Mercuri International, la formulation d'une stratégie commerciale est bien l'un des fondements principaux du succès. Il s'agit même « d'une évidence, mais dont, malheureusement, beaucoup d'entreprises ne font pas grand cas », déplore Gérard Baillard, président de Mercuri International France qui insiste sur l'importance d'associer la direction commerciale à cette formalisation de la stratégie commerciale. « Si le sujet est abordé sans la vision du directeur commercial, alors les aspects opérationnels seront ignorés. » D'où la nécessité d'intégrer le manager en charge de la stratégie commerciale dans le comité de direction. C'est ce qu'a entrepris Haulotte. « En 2006, nous avons resserré le comité de direction. Le directeur général adjoint a désormais en charge la stratégie commerciale de l'entreprise », détaille Pierrick Lourdain. Même stratégie chez le fabricant de chariots élévateurs Still. Avec une croissance de 15 % de ses ventes de chariots en 2006, l'entreprise a redressé la barre après avoir accusé une baisse de son chiffre d'affaire en 2005. Comment ? En confiant la direction commerciale de l'entité française au président de la filiale ! De quoi mettre la fonction commerciale au coeur du processus et doper les ventes. Reste à coucher noir sur blanc cette stratégie décidée au plus haut niveau. « L'excellence commerciale ne peut être atteinte que par la communication entre les différents services », expliquet- on dans l'enquête Mercuri. Pour preuve, 72 % des entreprises du Top 10 définissent sous forme écrite leur stratégie commerciale, contre 49 % du Bottom 10. Et 87 % du Top 10 discutent régulièrement de leur stratégie avec les personnes impliquées dans la vente, contre 54 % du Bottom 10…
Elles segmentent leur approche commerciale selon les besoins de leurs clients
Oracle, Spie Batignolles, France Express, Microsoft. Qu'ont donc en commun ces quatre entreprises ? A priori pas grand-chose, si ce n'est leurs bons résultats… et leur façon de segmenter leurs clients. Toutes regroupent, en effet, leurs clients selon leurs besoins et leurs attentes. Et toutes enregistrent des croissances de 10 à 35 % de leur chiffre d'affaires chaque année. Une réalité confirmée par l'enquête Mercuri. Les entreprises du Top 10 interrogées se concentrent, en effet, sur les besoins clients. Celles du Bottom 10, en revanche, segmentent le plus souvent par zone géographique. Des commerciaux spécialisés par secteur d'activité Plus une entreprise se concentre sur l'amélioration de la performance de ses clients, plus elle propose à ces derniers des services personnalisés et plus les marchés doivent être segmentés en fonction des besoins du client. C'est le cas chez Oracle Applications, la branche ERP (système d'information intégré des entreprises) de l'éditeur de bases de données. Les 30 commerciaux et managers sont spécialistes d'un seul produit, et non d'un catalogue complet, mais aussi, et surtout, d'un secteur d'activité. « Les vendeurs doivent connaître les besoins fonctionnels de nos clients et ils les connaissent d'autant mieux qu'ils ne vendent qu'un produit », assure Annie Eyt, directrice commerciale d'Oracle Applications. L'équipe de l'éditeur de bases de données est donc finement segmentée par type d'industrie : banque, grande distribution, etc. « Une segmentation selon les besoins des clients met davantage en avant les aspects qualitatifs tandis qu'une segmentation par région se concentre sur le quantitatif », commente Gérard Baillard, président de Mercuri International France. Une vision des choses confirmée par la directrice commerciale d'Oracle Applications. « Les ingénieurs commerciaux comprennent mieux le langage des clients et des partenaires, qui sont également organisés par industrie. Ils saisissent donc les enjeux des clients. » Pourtant, beaucoup d'entreprises demeurent encore enfermées dans un découpage géographique. « Vivons avec notre temps ! En remettant à plat les processus commerciaux, on réalise que le face-à-face n'est pas nécessaire à chaque étape du processus de vente et qu'une conférence téléphonique peut très bien faire l'affaire ! » insiste Gérard Baillard (Mercuri International).
Elles structurent et formalisent l'ensemble de leurs processus commerciaux
Parmi les entreprises du Top 10 de l'enquête Mercuri International, 88 % ont clairement défini leurs processus commerciaux en structurant, par exemple, de façon très précise la manière d'aborder la prospection ou la fidélisation. À l'inverse, les entreprises du Bottom 10 ne sont que 47 % à l'avoir fait. Beaucoup de sociétés ont établi des processus normés pour leur production ou leurs achats. La vente demeure, en revanche, souvent le parent pauvre en termes de structure. « Les entreprises françaises ont un retard important sur la mise à plat des processus de vente et leur optimisation », constate Gérard Baillard, président de Mercuri International France. Ce n'est pas le cas de BASF Agro, l'un des trois acteurs majeurs du marché des produits phytosanitaires, qui a restructuré, l'année dernière, ses processus commerciaux. Pourtant, l'industriel appartenait déjà aux entreprises leaders dans son secteur. La raison de ce remaniement ? L'évolution du secteur, qui a connu une baisse du nombre d'agriculteurs et une concentration de la distribution. Dans ce contexte, l'industriel a revu la façon de travailler de ses 17 vendeurs. Ces derniers vendaient jusqu'alors tout un catalogue produits présenté aux distributeurs. « Les commerciaux sont désormais amenés à dépasser l'offre produit et à prendre plus en compte les besoins clients », explique Didier Deshayes, responsable du service développement commercial chez BASF Agro. Pour assurer le suivi de ces processus dans le temps, BASF a rédigé des trames permettant aux commerciaux de préparer leur visite client de façon très structurée. Résultat : ce chantier lui a permis de gagner un point de part de marché sur l'exercice 2006, passant ainsi de la troisième à la deuxième place ! « Les entreprises doivent encore plus aujourd'hui, avec le développement de modes de vente agressifs, identifier les bons interlocuteurs chez leurs clients ou au sein de la chaîne de vente pour cibler celui qui sera capable de dire oui à leur commercial », insiste Gérard Baillard. Établir un processus de vente revient à répondre à la question : comment dois-je vendre et non que dois-je vendre ? Combien de visites me faut-il pour décrocher un client ? À qui la qualification de fichiers doit-elle être confiée ? « Ce n'est que lorsque les processus commerciaux sont divisés en étapes de travail et que les procédures ont été décrites que vous pourrez, par exemple, opter pour l'externalisation de certaines tâches commerciales. » Le spécialiste de l'affranchissement Neopost France a ainsi confié, début janvier, la fidélisation et la prospection de ses petits clients à un centre d'appels de 12 positions. « Cela nous a permis d'assainir le bas de notre marché qui n'était pas, jusqu'alors, forcément suivi comme il le fallait par les commerciaux terrain », justifie Thierry Bardin, directeur commercial de Neopost France. Source de remise à plat des processus commerciaux : l'informatisation des forces de vente. En installant, en 2003, un outil de gestion de la relation client pour sa force de vente, Nikon Instruments a revu l'ensemble de ses processus. L'outil Ines Sales Force choisi par l'industriel permet désormais de mieux répartir les comptes clients et prospects au sein de l'équipe de 17 vendeurs. Depuis 2006, le directeur commercial a d'ailleurs confié ces deux cibles clients à deux forces de vente distinctes. L'outil permet, qui plus est, un suivi de l'ensemble des indicateurs d'activités des équipes : statistiques d'appels, nombre de visites, liste des affaires en cours, etc. « Nous disposons d'une meilleure lisibilité de l'ensemble des ventes et avons constaté une amélioration de la réactivité commerciale. Si, lors de la croissance des effectifs, nous n'avions pas mis en place d'un tel outil, notre progression n'aurait probablement pas été la même », souligne Philippe Rideau, qui évoque la croissance de son chiffre d'affaires passé de 6,5 millions d'euros à la fin 2003 à plus de 10 millions cette année. Nikon Instruments améliore sans cesse ses processus commerciaux en ajoutant de nouveaux champs à son outil de GRC comme celui concernant les visites des grands comptes industriels créé en 2006. « Il nous fallait connaître l'échéancier des grands comptes pour mieux les cibler. Grâce à ces informations, les commerciaux anticipent pour contacter ces derniers au bon moment. » Tel est l'attitude des entreprises du Bottom 10 de l'enquête Mercuri qui conclut d'ailleurs : « À mesure que les relations clients deviennent plus complexes, l'intuition commerciale doit être combinée avec des approches analytiques. »
Elles recrutent des commerciaux charismatiques et favorisent le travail en mode projet
Quelle différence y a-t-il entre un bon et un excellent commercial ? La qualité d'écoute vient immédiatement à l'esprit. Mais c'est sans compter sur l'enquête de Mercuri International qui apporte un nouvel éclairage sur les qualités professionnelles des meilleurs vendeurs : « La qualité d'influence a clairement pris le pas sur l'écoute du client », observe Gérard Baillard, président de Mercuri France. Cette évolution n'a pas échappé à Manpower qui est en train de passer d'une approche commerciale empathique à une approche plus offensive. Dans son enquête, Mercuri International a mis en évidence quatre points forts. Premier point : les qualités relationnelles. Un élément que l'on retrouve dans 87 % des entreprises du Top 10, mais dans seulement 46 % des sociétés du Bottom 10. Un concept que Gérard Baillard traduit ainsi : « Le commercial doit être le roi de la stratégie d'infiltration chez le client ! De nombreux vendeurs confondent souvent qualité relationnelle avec flatterie et obséquiosité… », poursuit le président de Mercuri France. Deuxième point fort récurrent dans les services commerciaux qui cartonnent : le degré d'expertise des vendeurs dans les métiers de leurs clients. “Une qualité que l'on retrouve dans 82 % des performers, mais dans seulement 46 % des entreprises à la traîne”, indique l'étude. Et que l'entreprise doit développer. C'est ainsi que Guillaume Le Royer, directeur commercial de la division B to B de LG et manager commercial de l'année 2006, expliquait que pour amener la grande distribution spécialisée à vendre ses produits auprès des TPE et des PME, il allait s'appuyer sur une gamme adaptée, mais aussi, et surtout, former leurs vendeurs aux particularités du B to B. C'est pour cette même raison que Manpower a créé des formations métiers. « Nos commerciaux suivent des formations de deux jours, durant lesquels nous les sensibilisons au métier et au marché sur lequel ils sont amenés à travailler », explique Isabelle Gogibus, chef de projet formation chez Manpower. À ce stade, le partage d'expérience entre vendeurs est capital. Dassault Systèmes, qui commercialise avec succès des logiciels industriels (+ 27 % de son chiffre d'affaires en 2006), a ainsi inauguré, il y a un an, un blog. Destiné en priorité aux 150 collaborateurs du service commercial, mais également visité par les services marketing ou recherche et développement, il décloisonne les services. « Les commerciaux y viennent, par exemple, pour trouver une information ou des conseils avant de ficeler une offre clients », illustre Arnaud Poujardieu, directeur de la division des ventes France de Dassault Systèmes.
Charisme et persuasion
Parallèlement à la qualité relationnelle et à l'expertise client, l'étude de Mercuri International nous apprend que le charisme et la force de persuasion – troisième point fort – font également partie des conditions préalables au succès commercial : une qualité présente dans 76 % des entreprises du Top 10 mais seulement 39 % de celles du Bottom 10. « L'achat n'est pas un processus purement rationnel et analytique, souligne Gérard Baillard. Souvent, le charisme et la persuasion d'un commercial peuvent inspirer la confiance nécessaire à la prise d'une décision. » Enfin, quatrième point : la capacité des entreprises, et notamment des directions commerciales, à travailler en mode projet. « En s'appuyant sur diverses compétences internes, on multiplie les ventes à valeur ajoutée, assure Gérard Baillard. Sans compter que rares sont les commerciaux qui cumulent toutes les expertises (financière, logistique, produit, etc.). » Cette étude confirme ainsi l'idée selon laquelle le vendeur est passé du statut de combattant isolé à celui de manager de projet client qui travaille en équipe. « Nous avons adopté cette méthode de travail il y a environ quatre ans, lorsque nous avons commencé à réfléchir à la mise en place d'un logiciel de gestion intégré (ERP), se souvient Patrick Thill, directeur des ressources humaines de Carglass. Cela permet de décloisonner les services et d'être plus efficace. » Et Gérard Baillard de conclure : « Les commerciaux ont parfois du mal à accepter de perdre leur monopole dans la relation avec le client au profit d'une gestion de compte transversale. Pourtant il s'agit d'un challenge gagnant.»
Elles favorisent la pédagogie et plébiscitent la formation à distance
“Les entreprises du Top 10 investissent dix jours par an dans la formation de leurs commerciaux quand la moyenne n'est que de sept jours.” Ces chiffres, qui ressortent de l'enquête de Mercuri International, parlent d'euxmêmes : la formation est un gage de succès ! Carglass, par exemple, consacre 4 % de la masse salariale à son budget formation, au lieu des 0,8 % obligatoires. Ainsi, chaque collaborateur suit environ cinq jours de formation par an, exception faite des vendeurs qui bénéficient, eux, d'une dizaine de jours. Mais pour former vos équipes commerciales, il est indispensable d'avoir, en amont, mis à plat les processus de vente-clés (lire partie 4 “Les entreprises qui cartonnent ont clairement défini leurs processus commerciaux”). « Chaque étape du processus de vente nécessite des compétences commerciales spécifiques, remarque Gérard Baillard. Et donc plus les exigences sont précises et détaillées, mieux elles peuvent être enseignées. » Par conséquent, les modules de formation classiques sur les techniques de vente dispensées en présentiel sont peu satisfaisants. « Ils sont adaptés à la formation de base des vendeurs, mais ne conviennent pas à l'optimisation des processus complexes sur des marchés sophistiqués », observe le porteparole de Mercuri France. La performance requiert bien davantage une formation que l'on pourrait appeler “chirurgicale”. Parmi les méthodes d'enseignement plébiscitées, l'e-learning arrive en très bonne place : 56 % des sociétés du Top 10 l'utilisent, contre seulement 24 % de celles du Bottom 10. Des entreprises d'ailleurs très critiques sur les modes d'apprentissage traditionnels en salle : « L'effet d'un tel séminaire de formation est généralement faible comparé aux efforts et aux dépenses que cela suppose. » Et les experts de Mercuri International de poursuivre : « L'effet sur la qualification réelle est, par ailleurs, généralement désespérément faible ! » La voie de la performance est, en réalité, celle d'une combinaison astucieuse d'e-learning, de formation en classe et d'un soutien de type coaching. L'e-learning ne peut, en effet, pas être un substitut à 100 % des séminaires traditionnels, notamment dans la formation comportementale. « Dans ce type d'apprentissage, la fonction du formateur en tant que modèle et l'impact de son aura personnelle ne peuvent pas être remplacés par un support en ligne », conclut Gérard Baillard. Une vision partagée par Philippe Gil, directeur de Demos e-learning Agency : « L'approche mixte ne peut que renforcer l'efficacité de la formation. Et parce qu'ils ont peu de temps et qu'ils ont beaucoup de pressions, les commerciaux constituent une cible privilégiée. Chez nous, plus d'un projet de formation sur deux qui comprend de l'e-learning s'adresse à des équipes commerciales. » Les avantages d'une approche mixte ? « La direction peut choisir le mode d'enseignement approprié pour chaque phase de l'apprentissage : l'autoformation en ligne (en mode asynchrone) est souvent utilisée pour les mises à niveau ; puis l'entreprise peut enchaîner avec un jour de formation en présentiel associé à des applicatifs en autoformation pour acquérir les notions principales ; enfin, mettre en place une classe virtuelle (en mode synchrone) pour les échanges de pratiques, les mises en situations, etc. » Il faut juste ne pas omettre de donner de la visibilité sur l'ensemble du parcours pédagogique proposé par l'entreprise. S'assurer que chaque module est bien perçu comme l'un des éléments d'une suite ambitieuse visant à la montée en compétence des collaborateurs.
Méthodologie
Le cabinet de conseil Mercuri International, en collaboration avec l'université suisse de Saint-Gall, a interrogé au dernier trimestre 2006 747 directeurs commerciaux manageant des forces de vente de plus de dix collaborateurs et issus de 14 pays (Allemagne, Belgique, Brésil, Chine, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Inde, Italie, Pays-Bas, république Tchèque, Suède et Suisse). Une cinquantaine d'interviews ont été effectuées par pays. 19 % des entreprises interrogées appartiennent au secteur de la production et de l'équipement, 9 % à l'industrie alimentaire et à l'agriculture, et 9 % à la métallurgie. Le reste se répartit de façon équitable entre la fi nance, la construction, le transport, l'électricité, les services, l'automobile, les médias, la vente en gros, le non-alimentaire et le textile. Pour vérifi er les facteurs générant le succès commercial, les pratiques des entreprises les meilleures (Top 10) ont été comparées à celles des entreprises les moins fl orissantes (Bottom 10). Sur cette base, Mercuri International et l'université de Saint-Gall ont identifi é les facteurs de succès des sociétés interrogées. Nous publions en avant-première les résultats de cette étude qui met en avant six leviers de performance commerciale.
En France, les directions générales ne sont pas assez proches du service commercial
Si 78 % des entreprises les plus performantes affirment, dans l'enquête, que leur direction générale est réellement impliquée dans les ventes, cela ne se vérifie que pour 40 % des entreprises françaises interrogées. En outre, les quatre cinquièmes des sociétés du Top 10 ont une stratégie d'entreprise couvrant explicitement les aspects commerciaux, contre seulement un tiers des entreprises françaises. 87 % des sociétés les plus performantes communiquent et discutent régulièrement de leur stratégie commerciale avec les personnes concernées, ce chiffre tombe à 50 % dans l'Hexagone. Les directions générales françaises semblent donc plutôt moins proches des ventes que celles d'autres pays. La formalisation d'une politique générale ne couvre pas toujours explicitement les aspects commerciaux et les dirigeants commerciaux s'impliquent de manière relativement faible dans les affaires. “Compte tenu des enjeux (coûts et gisement de productivité), le jeu en vaut pourtant la chandelle”, conclut, avec ironie, l'étude !
Bertrand Pointeau, associé au sein du cabinet de conseil en stratégie Bain & Company « Une bonne segmentation doit être simple et compréhensible »
Règle d'or pour construire une segmentation utile et performante : la simplicité. « La segmentation doit pouvoir être comprise de tous les collaborateurs de l'entreprise, affirme Bertrand Pointeau, associé chez Bain & Company, cabinet de conseil en stratégie. Elle doit se fonder sur des groupes homogènes de besoins et renvoyer à des éléments facilement repérables par le commercial. » Plus le marché est dense, plus la segmentation est facile à faire. À l'inverse, si le marché est diffus, la tâche sera plus compliquée. La facilité est alors de créer une force de vente par segment de marché. « Il convient de trouver un bon équilibre entre l'efficacité et la productivité. »
Jocelyne Canetti, directrice de la division entreprises au sein de la direction commerce d'EDF « Nous avons repensé nos processus pour faire face à l'évolution du marché »
EDF Entreprises a décidé, il y a trois ans, avec l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie, une refonte totale de son organisation. « Il a fallu apprendre aux commerciaux à proposer des choix aux clients », relate Jocelyne Canetti. L'opérateur historique a, par exemple, défini le nombre d'appels à passer pour réussir à vendre de nouvelles offres ou revu les scriptes de ses téléopérateurs, etc. « Nos huit centres d'appels se sont mis à faire de l'appel sortant. Ils ont appris à rebondir sur une question des clients pour leur vendre de nouvelles offres. » Avec ce dynamisme, EDF a limité l'érosion de sa clientèle B to B affichant, en 2006, une part de marché de 89 %.
Hubert Bro, directeur marketing de Canon Business Solutions (Branche B to B) « Nous souhaitons opérer un changement d'état d'esprit complet »
« Nous avons fédéré les forces commerciales autour d'une nouvelle stratégie, explique Hubert Bro, directeur marketing de Canon Business Solutions (CBS). Notre performance était liée à l'évolution du discours de la force de vente. Si le client est ouvert à la nouveauté, nos 500 vendeurs le sont moins naturellement et il faut les amener vers un nouveau modèle de vente. » Pour cela, CBS a conçu des saynètes, envoyées par mail, impliquant deux commerciaux-types, l'un issu de la vieille école, performant pour vendre des machines, l'autre – l'exemple à suivre désormais – prêt à vendre des solutions. « Nous avons créé l'image du commercial que nous souhaitions avoir. »
Quels types d'objectifs pour les commerciaux performants ?
“Il est frappant, souligne l'enquête, que les entreprises du Top 10 fixent souvent davantage d'objectifs à leurs commerciaux, des objectifs qui sont d'ailleurs plus ambitieux qu'au sein des sociétés du Bottom 10.” Ainsi, chez les entreprises performantes, à côté du chiffre d'affaires, on trouve des objectifs de marge, de vente de produits et de plus en plus de satisfaction du client. C'est le cas chez Carglass. « Nous avons supprimé toute référence à des indicateurs économiques pour ne l'indexer que sur la satisfaction clients mesurée chaque mois », explique Éric Girard, directeur général de Carglass France.