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Mobilité externe. Passer d’un leader à un challenger

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Quitter un acteur majeur de votre secteur pour un outsider : un parcours atypique qui présente quelques risques mais peut vous mener loin.

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Quatre mois, c’est le temps qu’il a fallu à Paul Barrocas pour prendre la décision de quitter son poste de chef de région chez Renault SA afin de rejoindre Skoda France, dans la même fonction. « Entre septembre et décembre 1999, j’ai hésité, changé d’avis, hésité à nouveau pour, finalement, me lancer dans cette aventure », déclare-t-il. Une décision difficile à prendre, et pour cause ! « À l’époque, Skoda ne bénéficiait d’aucun prestige et faisait figure de petit acteur dans le paysage automobile français », explique-t-il. Alors pourquoi quitter la célèbre marque au losange ? « Pour le challenge ! », répond le chef de région de Skoda France. Le challenge, le goût du risque : voilà ce qui pousse certains managers commerciaux à abandonner une position enviable au sein d’une société leader sur son marché pour intégrer une plus petite entreprise. Un parcours qui, s’il est encore atypique, tente un nombre croissant de managers commerciaux, du fait, notamment, de la conjoncture économique. « Depuis une dizaine d’années, le marché de l’emploi est plus dynamique dans les petites et moyennes entreprises que dans les grandes sociétés », explique Richard Bèque, directeur du cabinet de conseil Homme et Mobilité. Résultat : lorsqu’un cadre dirigeant quitte – volontairement ou non – une entreprise prestigieuse, il lui est souvent plus facile de retrouver un poste équivalent chez un outsider. « Par ailleurs, depuis l’engouement spectaculaire suscité par les start-up, passer d’une grande entreprise à une petite n’est plus vécu comme une rétrogradation », ajoute Élisabeth Bré, directeur général du cabinet de recrutement Harvey Nash. Les managers français semblent même avoir retrouvé le goût du risque, une qualité indispensable pour intégrer un challenger après plusieurs années passées chez un leader. « Une petite structure est beaucoup plus sensible aux aléas de la conjoncture économique et représente parfois une proie facile à racheter », indique Richard Bèque (Homme et Mobilité). Il est donc primordial de s’assurer au préalable de la santé financière du challenger. »

Avoir soif de conquête

Mais il ne suffit pas d’être audacieux ; encore faut-il montrer de réelles capacités à relever un challenge. « Par définition, un challenger a un comportement offensif, tandis qu’un leader, attaché à conserver ses parts de marché, a plutôt une attitude défensive, rappelle Yves Cahen, directeur général de la transition de carrière chez Right Garon Bonvalot. Avant toute chose, le candidat doit s’interroger sur son propre esprit de compétition et sur son désir de conquête. » Ainsi, c’est au cours d’un bilan de compétences que Pierre Lebrun se découvre un intérêt pour les petites structures. « J’étais las des considérations d’ordre politique, qui sont monnaie courante dans les grandes entreprises ; j’aspirais à plus d’autonomie. » Après huit années passées chez Sensormatic, un acteur majeur de la télésurveillance, Pierre Lebrun accepte donc de se charger du lancement de l’activité de Verint en Europe du Sud. Un challenge à la hauteur de ses attentes. « En France, par exemple, cette société de surveillance ne disposait d’aucune référence ; tout était à faire. » « Relever un challenge avec peu de supports et peu de moyens n’est pas à la portée de tout le monde, souligne Élisabeth Bré (Harvey Nash). Les recruteurs préféreront donc quelqu’un de proactif à quelqu’un de passif, et seront attentifs à l’esprit créatif du candidat. » En d’autres termes, le prestige de la carte de visite ne suffit pas – loin s’en faut – à ouvrir toutes les portes. Elle peut, parfois même, être un obstacle. « Les interrogations des recruteurs sont légitimes, avance la directrice d’Harvey Nash. Ils sont en droit de se demander ce qui peut motiver un manager à quitter une entreprise de premier plan pour un outsider. » Le candidat devra donc faire preuve d’une volonté de fer et d’une motivation hors pair pour convaincre son interlocuteur du bien fondé de sa démarche.

Un accélérateur de carrière

Reste que ce pari peut être gagnant. « Intégrer un challenger, c’est gagner en autonomie, en prise d’initiatives et en marge de manœuvre », assure Élisabeth Bré. Une affirmation que ne dément pas Richard Bèque (Homme et Mobilité). « Chez un outsider, les talents de chacun peuvent s’exprimer plus facilement et plus librement que dans une entreprise leader, où l’étendue des responsabilités est bien déterminée. » Mais, surtout, les perspectives d’évolution y sont souvent plus séduisantes. « Certes, les entreprises de renom offrent, le plus souvent, des chemins de carrière tout tracés, mais souvent assurés à très long terme. À l’inverse, les évolutions seront plus rapides chez un challenger », assure le directeur du cabinet de conseil Homme et Mobilité. Paul Barrocas en a fait l’heureuse expérience : « Chez Renault, il m’aurait fallu attendre au moins dix ans avant d’accéder à un poste de direction, assure-t-il. Chez Skoda France, deux années ont suffi. » Aujourd’hui, il est chef du département commercial de la marque, à la tête d’une douzaine de personnes, contre la moitié seulement chez Renault SA. Avec, en outre, la fierté d’avoir œuvré au développement de Skoda France : en l’espace de deux ans, la marque a doublé le nombre de ses immatriculations. Contribuer à l’envolée d’une petite entreprise, tel est, d’ailleurs, le véritable défi qui motive ceux qui empruntent un tel chemin. Et quiconque aura participé à son essor aura l’immense satisfaction d’avoir contribué à son succès.

Témoignage

Arnaud Dubar, ex-directeur des ventes chez Lexmark, devenu directeur général de Kyocera Mita France « Être grand chez un petit plutôt que l’inverse » À quarante-huit ans, Arnaud Dubar a quitté un leader pour un challenger à deux reprises. Les raisons ? « L’envie de casser la routine, de se remettre en question et, surtout, de relever un défi. » En 1991, il quitte IBM après seize ans de bons et loyaux services pour rejoindre Lexmark, alors département d’IBM et petit acteur du secteur de l’impression. Les promotions ne tardent pas : après deux ans comme directeur des ventes grands comptes pour la province, il est propulsé directeur général Bénélux, puis directeur des ventes PME/PMI, en France. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. « Fin 2002, un chasseur de têtes m’a contacté. Je pouvais terminer ma carrière chez Lexmark ou revivre une expérience de challenger. » Depuis 2003, il est le directeur général de la filiale française du Japonais Kyocera Mita, qui ne détient que 4 % du marché hexagonal. « Un poste que l’on était loin de me promettre chez Lexmark ! »

Avis d’expert

Yves Cahen, directeur général de la transition de carrière chez Right Garon Bonvalot « Ne pas se laisser influencer par son entourage » Ceux qui ont quitté une grande entreprise pour en rejoindre une plus modeste peuvent en témoigner : mieux vaut s’armer contre les objections. « Toute transition est une période de stress, rappelle Yves Cahen. Et celle-ci plus qu’une autre. Face aux inquiétudes – légitimes mais parfois exagérées – de l’entourage, il convient de se montrer ferme et convaincu de sa décision. » Le meilleur moyen de tester sa motivation ? « Rencontrer des managers qui ont emprunté ce type de parcours, conseille l’expert. Cela permet de se faire une idée concrète des difficultés que l’on est susceptible de rencontrer et de la meilleure façon de gérer cette transition. »

À retenir

- Après plusieurs années au sein d’une entreprise leader, certains managers peuvent se lasser des considérations d’ordre politique et être tentés de renouer avec l’opérationnel et les challenges. Rejoindre une plus petite entreprise peut le leur permettre. - Pour réussir une telle transition, il est essentiel de faire preuve d’un fort esprit de compétition et d’une grande capacité à prendre des initiatives pour retenir l’attention des recruteurs. - Les perspectives d’évolution sont souvent plus séduisantes au sein d’une petite société que chez un leader. Ainsi le directeur commercial d’un challenger peut espérer gravir rapidement les échelons jusqu’à la direction générale.

 
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Maud Aigrain

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