Nouveautés du côté des opérations promotionnelles
Peut-on, depuis la loi du 17 mai 2011, organiser des loteries avec obligation d'achat, des ventes subordonnées, offrir des primes d'une valeur supérieure à 7 %? Le droit français des promotions, qui n'avait pratiquement pas changé depuis 1986 est en train d'évoluer profondément. L'impulsion vient de l'Europe. Explications.
Je m'abonneLes pratiques commerciales déloyales se définissent selon deux critères cumulatifs. En premier, elles sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. En second, elles ne sont pas conformes aux exigences de la diligence professionnelle. Une liste de 31 pratiques est jointe à ces dispositions de principe. Selon une directive communautaire de 2005 et de l'interprétation qui en est donnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), une pratique commerciale qui ne figure pas dans cette liste ne peut être systématiquement interdite par une loi nationale.
C'est précisément le cas des opérations promotionnelles dont aucune ne figure dans la liste des pratiques nécessairement réputées déloyales. Le gouvernement français, bien que très hostile à cette évolution, a été contraint d'en tenir compte, après une mise en demeure adressée par la Commission européenne, pour modifier plusieurs de nos dispositions législatives. Ces modifications, dont le texte est reproduit ci-contre, sont intervenues du bout des lèvres mais leur impact est néanmoins incontestable.
« Lorsque la participation à cette opération [une loterie] est conditionnée à une obligation d'achat, la pratique n'est illicite que dans la mesure où elle revêt un caractère déloyal au sens de l'article L 120- 1 du Code de la consommation. »
Le législateur français reconnaît par conséquent sans ambiguïté qu'une loterie peut être liée à un achat à condition qu'elle ne rentre pas dans les deux critères cités plus haut.
La directive face au tribunal
La difficulté est aujourd'hui de comprendre comment ces notions seront interprétées par les tribunaux. A cet égard, un certain nombre d'indications ont d'ores et déjà été fournies par la directive elle-même et par les juridictions saisies des premières affaires. Ainsi, selon la directive, l'altération substantielle du comportement économique du consommateur correspond à « l'utilisation d'une pratique commerciale compromettant sensiblement l'attitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ».
Il est clair qu'il ne s'agit pas seulement de constater que la participation était liée à une dépense. Il ne suffit pas non plus d'une simple possibilité pour l'opération promotionnelle d'influencer la décision d'achat. Comme le rappelle l'avocat général de la CJUE dans ses conclusions liées à une loterie autrichienne: « le droit communautaire considère que le consommateur est en mesure de discerner le danger que représentent certaines pratiques commerciales et d'agir rationnellement en conséquence... Un consommateur moyen est conscient de ce que la publicité et les promotions de ventes dans une économie libre de marché visent à conquérir des clients et non pas uniquement par le prix et la qualité d'un produit mais en promettant une multitude d'avantages supplémentaires... C'est pourquoi il est logique, dans le cadre législatif fixé par le droit communautaire, de laisser à un tel consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé le soin de décider s'il achète un produit en raison des avantages vantés par la publicité, de sa qualité ou même de son bas prix... » et d'ajouter que toutes les législations portant une interdiction de principe d'une méthode de ce type « devraient être perçues comme une mise sous tutelle du consommateur ».
Les professionnels doivent rester raisonnables
Quant à la diligence professionnelle, elle est présentée par la directive comme le « niveau de compétences spécialisées et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marchés honnêtes et/ ou au principe général de bonne foi dans son domaine d'activité ». Ceci peut amener à considérer que dans le cadre de jeux, ce qu'il convient d'éviter est avant tout ce qui peut créer une addiction, une passion du jeu dans des conditions qui ressortiraient à certains égards de la manipulation. Il est difficile d'imaginer que les jeux promotionnels, dans leur majorité, puissent entrer dans ce cadre. Dans tous les cas, il faut espérer que les tribunaux interpréteront ces textes comme impliquant avant tout pour les professionnels mettant en oeuvre de telles opérations d'être particulièrement clairs et précis dans leur présentation aux consommateurs. On peut penser que plus les conditions de participation, les éventuelles obligations et les chances d'obtenir un lot seront détaillées et plus les risques seront faibles.
Il résulte de ces différents éléments que des raisonnements (pouvant être étendus en matière de prime ou de vente subordonnée par exemple) peuvent être construits pour justifier la mise en oeuvre de promotions qui auraient jusqu'alors été interdites. On peut donc estimer que la modification de la loi française amènera dorénavant de nombreux annonceurs à suivre les pistes tracées entre autres par Carrefour - qui a lancé pour la Coupe du monde de football 2010, une opération dont le gain variait en fonction des résultats de l'équipe de France - ou Renault - qui proposait de rembourser l'un de ses modèles à un acheteur sur 300. Ces enseignes ont su, les premières, tirer profit des nouvelles règles communautaires.
À savoir: Nouveaux textes: loi du 17 mai 2011 «de simplification et d'amélioration de la qualité du droit»
Article L.121-35 du Code de la consommation:
« Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou toute prestation ou offre de prestation de services faites aux consommateurs et donnant droit à titre gratuit immédiatement ou à terme, à une prime consistant aux produits, biens ou services sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la prestation, dès lors que la pratique en cause revêt un caractère déloyal au sens de l'article L 120- 1. Cette disposition ne s'applique pas aux menus objets ou services de faible valeur ni aux échantillons. ( ... ) »
Article L.121-36 du Code de la consommation:
« Les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrits qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort ne peuvent être pratiquées que si elles n 'imposent aux participants aucune contrepartie financière ni dépense sous quelque forme que ce soit Lorsque la participation à cette opération est conditionnée à une obligation d'achat la pratique n 'est illicite que dans la mesure où elle revêt un caractère déloyal au sens de l'article L 120- 1. ( ... ) »
Article L.122-1 du Code de la consommation:
« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L 120-1. ( ... ) »