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Pétroliers contre grandes surfaces

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L’essence a récemment fait couler beaucoup d’encre. Mais outre les problèmes de prix et de taxes, le secteur pétrolier français est le théâtre d’une guerre commerciale qui oppose le réseau traditionnel de distribution de carburants à celui des grandes et moyennes surfaces.

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Erika, flambée des prix, grèves, etc. Le secteur de la distribution de carburants s’est retrouvé, cet été, sous la lumière des projecteurs. Il aurait suffit d’une seule goutte d’essence pour faire déborder la pompe. Le cabinet d’études Coface scrl a récemment publié une enquête qui permet de mieux comprendre la situation dans le secteur pétrolier. Première constatation : en France, le pétrole demeure la principale énergie puisqu’il couvre 40 % des besoins énergétiques du pays. Les résultats économiques courants dégagés par la filière pétrolière étaient encore de 6,1 milliards de francs en 1998, année qui fut cependant marquée par la baisse du prix du baril de brut. Depuis, et c’est bien là que le bât blesse, la tendance s’est inversée brusquement, ce qui s’est traduit par une remontée spectaculaire des cours. Associée au niveau élevé des taxes dont, entre autres, la très fameuse TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), cette hausse des cours provoque depuis quelques mois la grogne des consommateurs français et européens. Sur le front de la distribution des carburants, la bataille a redoublé d’intensité depuis quelques années. Un bras de fer permanent oppose le réseau traditionnel des grands groupes pétroliers à celui des GMS (grandes et moyennes surfaces), dont la stratégie est basée sur une politique de prix bas, parfois à la limite de l’abus. Les grandes surfaces détiennent plus de la moitié du marché des carburants et gagnent chaque année un peu plus de terrain. De grands bouleversements ont accompagné cette croissance. En 1997, les principales filiales des grands groupes de GMS claquent la porte de la Fédération française des pétroliers indépendants (FFPI) et créent dans la foulée l’Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP). Cette union regroupe les centrales d’achats qui approvisionnent la majorité des réseaux des enseignes, à l’exception de quelques indépendants et franchisés. L’étude de Coface scrl révèle qu’au début de l’année 1999 on dénombrait 17 125 points de vente de carburants, dont 4 232 relevaient des GMS. Cette enquête permet également de démontrer qu’en réalité s’il est vrai que le réseau des grandes et moyennes surfaces progresse grandement, il le fait plus en quantité de parts de marché qu’en nombre de points de vente. Guerre des prix ou guerre psychologique ? En termes de stratégie, les deux réseaux se trouvent en totale opposition. Si les stations des pétroliers ont toujours pris soin de mettre en place de véritables politiques marketing, le carburant est, à l’inverse, considéré avant tout comme un produit d’appel par les GMS. Son seul rôle est de créer du trafic dans leurs magasins. L’instigateur de ce mouvement a été Édouard Leclerc qui, dès la fin des années 70, dénonçait le monopole des pétroliers. La politique des GMS en matière de distribution de carburants s’appuie sur des prix très bas qui exercent un effet psychologique sur le consommateur. En réalité, des études ont démontré que pour le consommateur la différence de prix, sur une année, entre les stations des GMS et celles des pétroliers n’est que de 700 francs, environ. Pour répondre à la pression qu’engendre la croissance du réseau des stations des GMS, les pétroliers disposent d’une large palette d’arguments. L’un des plus récurrents est celui de la mauvaise qualité des produits distribués par les grandes surfaces. De manière plus générale, l’industrie pétrolière française se porte plutôt bien et sa santé financière lui permet de réaliser les investissements nécessaires pour rééquilibrer sa production. Pour faire face aux GMS, les stations des pétroliers misent d’abord sur une stratégie commerciale axée sur le client. Elles se distinguent notamment de leurs concurrentes en proposant une multitude de services aux consommateurs (distributeurs de billets, services gratuits, etc.). Mais elles parient également sur une arme encore peu employée par les grandes surfaces : la fidélisation. Une véritable stratégie marketing a été élaborée dans ce but : les stations pétrolières offrent toutes des cartes de fidélité. Autre élément de différenciation entre les deux protagonistes : le maillage du réseau des pétroliers. Leur stratégie consiste en effet à offrir aux automobilistes la possibilité de trouver une de leurs stations pratiquement partout. Ainsi, le maillage représente une part importante des investissements de Total-Fina et Elf. Les réseaux de moindre importance et les indépendants ont, quant à eux, choisi de fortement développer leur présence dans les régions où ils sont déjà bien implantés. C’est notamment le cas pour BP et Shell. Le combat entre grandes surfaces et pétroliers fait rage mais chacun des protagonistes ayant des politiques bien différentes, aucun bouleversement majeur n’est à prévoir dans les prochaines années. Malheureusement pour le consommateur !

« Pour une enseigne de supermarché, et surtout quand elle est implantée en zone rurale, l’essence est avant tout un service complémentaire. » Thierry Desouches, chargé de communication de Système U Système U est une entreprise spécialisée dans l’alimentaire disposant d’un réseau de 800 supermarchés en France. La majorité de ses magasins, implantés dans des petites communes sont équipés de stations-service. « Cependant, la vente de carburants ne constitue pas notre activité principale, explique Thierry Desouches. Il faut être réaliste, ce n’est pas avec nos stations-service que nous faisons de gros revenus. Mais l’essence est un bon produit d’appel car son prix, c’est la première chose que l’on voit sur le bord de la route ! » Les stations des supermarchés Hyper U, Super U et Marché U se trouvent surtout en milieu rural, contrairement à celles des pétroliers. C’est donc un service apprécié par les consommateurs qui ne souhaitent pas faire des kilomètres pour remplir leur réservoir. « Maintenant, la station-service est devenue un rayon à part entière de nos magasins, elle participe à notre image de marque. C’est pourquoi nous ne prenons pas comme prétexte d’être des discounters pour proposer des services au rabais. » En effet, Système U a particulièrement mis l’accent sur la modernisation de ses points de vente en généralisant, par exemple, l’ouverture 24 heures sur 24 ; un plus très apprécié dans les campagnes. « Avant, les services aux consommateurs se trouvaient plutôt chez les pétroliers, mais nous avons fait beaucoup d’efforts pour développer les mêmes offres en gardant toutefois des prix très compétitifs. » Système U a confié son approvisionnement à la centrale Siplec, qui alimente également en essence les stations-service des centres Leclerc.

Repères en chiffres 17 125: c’est le nombre de points de vente de carburants en France. 52 % : c’est la part du marché des carburants détenue par les grandes et moyennes surfaces. 106 800 : c’est le nombre de personnes employées dans l’industrie pétrolière, dont 43,3 % dans le secteur de la distribution de carburants. 8 208,6francs : c’est ce que dépense en moyenne chaque année un ménage pour le carburant. 77 % : c’est la part des taxes dans le prix d’un litre de gasoil. 84 %: c’est la part des taxes dans le prix d’un litre de super plombé.

 
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Isabelle Condou

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