Primes : adoptez le bon rythme
Avec la multiplication des indicateurs de performance, les primes sont de plus en plus nombreuses et parfois se chevauchent. S'il veut rester motivant aux yeux des vendeurs, ce système de bonus doit gagner en simplicité et en souplesse.
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Une prime individuelle liée au chiffre d'affaires et versée à chaque fin de
mois, des objectifs qualitatifs récompensés chaque trimestre, une prime
collective bimestrielle… Avec un tel système de rémunération variable, les
commerciaux ont de quoi être perdus ! Frédéric Bonneton, associé chez MCR
Consultants, cabinet de conseil en management et rémunération, explique cette
complexité : «Les critères visant à apprécier le travail du commercial se sont
élargis et ne concernent plus seulement sa capacité à générer du chiffre
d'affaires sur son secteur ». Aux objectifs liés aux résultats, s'ajoutent ceux
basés sur la qualité des reportings, sur la participation du commercial aux
réunions d'équipe ou sur sa capacité à travailler avec le service marketing.
«Résultat, on se retrouve avec une multitude de primes et des versements qui se
chevauchent», conclut l'expert. Ainsi, il n'est pas rare pour un vendeur de
toucher trois, voire quatre types de primes différentes dans l'année. Les unes
versées au mois, les autres au trimestre ou au semestre. Et c'est là que le bât
blesse. Difficile à appréhender car trop complexe, un tel système risque de
provoquer chez les commerciaux de l'incompréhension, voire un désengagement.
«Le commercial doit pouvoir associer le versement d'une prime à un objectif ou
à un effort particulier qui lui est demandé, souligne Jacques Inizan,
consultant associé chez Comanagement. Sans cette corrélation, la prime perd de
son effet stimulant.»
Simplicité et visibilité
Premier conseil des experts pour simplifier votre système de primes: se limiter, si possible, à deux périodicités dans l'année. Il ne s'agit pas de faire l'impasse sur les objectifs qualitatifs — bien vus des commerciaux car ils leur permettent de compenser des objectifs quantitatifs souvent difficiles à atteindre — ou de supprimer la prime collective, mais d'effectuer des choix. C'est l'option d'Yves Cadio, directeur commercial et responsable du projet rémunération de Leaseplan, spécialiste de la location longue durée de véhicules. Le manager vient de mettre au point un nouveau système de primes à l'intention de ses 160 ingénieurs d'affaires et chargés de clientèle. Un système allégé et identique pour les deux populations. «Jusqu'à présent, les ingénieurs commerciaux recevaient trois primes versées selon trois périodicités différentes, relate-t-il. La première, liée aux objectifs quantitatifs individuels, était versée tous les mois. La deuxième, basée sur des objectifs qualitatifs individuels, était trimestrielle. Enfin, une prime semestrielle était versée aux commerciaux ayant fourni des “efforts de vente” (prise de rendez-vous clients accrue, nombre de nouveaux contrats en hausse…).» Les chargés de clientèle n'étaient pas logés à la même enseigne et recevaient une prime individuelle basée sur des objectifs qualitatifs chaque trimestre et une prime collective liée à du quantitatif deux fois par an. «Nous voulions le même système pour tout le monde», explique le manager. Depuis quelques mois, les commerciaux qui atteignent leurs objectifs reçoivent donc deux primes individuelles trimestrielles, l'une basée sur des critères quantitatifs, l'autre sur des objectifs qualitatifs. Enfin, une prime collective, liée à des critères de satisfaction clients et d'efficacité des équipes, leur est versée chaque semestre. L'intérêt de cette nouvelle organisation est double: «Simplifiée, elle est plus en phase avec notre cycle de vente, dont la durée avoisine la plupart du temps les trois mois?», ajoute Yves Cadio. Et c'est bien là la seconde règle de base: «Corréler la courbe d'effort du commercial et la récompense», rappelle le porte-parole de MRC Consultants. Cet adage concerne les primes individuelles associées à la performance purement économique (le chiffre d'affaires réalisé, la marge brute, etc.). «Cela semble évident, mais nombre d'entreprises n'appliquent pas ce principe par manque de souplesse. Si, par exemple, elles ont déjà un système existant qui prévoit un versement mensuel de la prime alors que le cycle de vente s'allonge, elles ne vont pas forcément le modifier immédiatement», explique Jacques Inizan.
Versements échelonnés
Seulement voilà, qui dit versement des primes mal adapté, dit commerciaux démotivés. C'était le cas chez Leaseplan. «Nos ventes se réalisent en général au trimestre et nos ingénieurs commerciaux avaient des objectifs mensuels, commente Yves Cadio. Résultat: ils n'avaient pas le temps de les atteindre et étaient en permanence sous pression.» Le rythme de versement au trimestre a aussi pour but de responsabiliser les commerciaux du loueur, «de leur laisser le temps de prendre des initiatives». Adapter son système de primes à la cadence commerciale de l'entreprise semble donc évident. Mais pour les entreprises dont le cycle de vente s'allonge pour atteindre un an, parfois dix-huit mois, les choses se corsent. «Les ventes sont de plus en plus complexes, notamment en raison du nombre d'interlocuteurs croissant chez le fournisseur et chez le client, et les délais s'allongent», confirme Pierre Le Gunehec, responsable de l'activité rémunération au sein du cabinet Hewitt, spécialisé dans le conseil en management et ressources humaines. Si l'on se réfère à la règle qui consiste à faire corréler le versement de la prime à l'effort, une prime annuelle serait logique. «En effet, les ventes étant peu nombreuses, les moyens d'évaluer la performance du commercial à court terme sont inexistants», indique Jacques Inizan. Logique, mais dangereux. «En clair, le commercial fonctionne à la carotte. Si le manager ne lui donne qu'une fois par an l'occasion de la croquer, il risque d'être démotivé», ajoute le porte-parole d'Hewitt. Les experts conseillent ici la mise en place de primes intermédiaires, versées tous les trimestres ou deux fois par an, qui récompensent les efforts du vendeur à générer de l'activité. «Le manager peut déterminer des critères tels que le nombre de devis en cours ou les contacts pris par le commercial, souligne Frédéric Bonneton. Ces indicateurs mesurent, d'une part, du quantitatif et évaluent, d'autre part, l'aspect comportemental.»