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Psychologie. Faire face aux fortes têtes au sein d’une équipe

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Encadrer des collaborateurs au caractère bien trempé demande du cran. Le manager doit allier souplesse et fermeté, et fixer des objectifs ambitieux.

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Autonome, charismatique, organisé… Voilà pour les qualités. Mais la forte tête a aussi – et surtout – des défauts. Réfractaire à toute forme d’autorité, obstinée, provocatrice, narcissique, rigide, elle fait étrangement penser à un garnement en culottes courtes faisant naître chez ses parents hystérie et sentiment d’impuissance. « La ressemblance est effectivement frappante, lance, en souriant, Pierre Bourdellon, directeur associé du cabinet Insep Consulting. Car les fortes têtes ont, comme les enfants, la réputation de mettre à rude épreuve la personne qui les encadre. » Les managers commerciaux n’échappent pas à leur quota de collaborateurs “récalcitrants”. Ils seraient même davantage exposés au phénomène que leurs homologues des services financiers ou des ressources humaines. « Composées d’individus indépendants, extravertis, fonctionnant à l’affectif, les forces de vente constituent un terreau fertile à ce type de profil », souligne Rebiha Couillet, consultante coach chez Centor Idep. Posséder dans son équipe une ou deux fortes têtes n’est toutefois pas dramatique. À condition de connaître les risques encourus et les méthodes pour canaliser l’énergie de ces personnalités rebelles.

Un électron libre

Car la forte tête est, bien souvent, déstabilisante. « D’un côté, elle déploie un formidable sens de l’écoute auprès de ses clients, note le porte-parole d’Insep Consulting. De l’autre, elle se montre totalement hermétique au discours de son supérieur hiérarchique. » Selon Rebiha Couillet, « dès lors que ce genre de personne perçoit une pression de la part de son manager, elle enclenche un mécanisme de défense basé sur l’agressivité, la contestation, le cynisme, etc. ». Au quotidien, cela se traduit par le non-respect de règles : manque de ponctualité chronique, refus de s’équiper d’un assistant personnel ou de se plier au reporting quotidien, par exemple. « C’est symptomatique, observe Pierre Bourdellon. Un manager commercial me racontait l’autre jour que l’un de ses collaborateurs lui avait rendu un rapport de visite avec la seule annotation RAS – rien à signaler – ; deux jours plus tard, il recevait une très grosse commande de la part du client démarché par ce vendeur ! » Avec ses collègues la forte tête se montre tout aussi imprévisible. Tantôt en retrait, tantôt agressive et bagarreuse, elle s’emploie à semer la zizanie au sein du groupe. Neuf fois sur dix au détriment du manager. « Le rebelle sait appuyer là où ça fait mal et mettre son chef dans l’embarras », souligne l’expert. Responsable commercial sur le marché des chariots élévateurs, Julien* acquiesce. Récemment, l’un de ses collaborateurs l’a mis en porte à faux vis-à-vis de son équipe. « J’ai vu quinze paires d’yeux se tourner vers moi, relate-t-il. Un vendeur m’a publiquement reproché d’être revenu sur ma décision de refuser à l’un de ses clients le remplacement gratuit d’une pièce cassée. Or, entre temps, ce client m’avait rappelé pour m’informer qu’il comptait renouveler son parc de machines. Entre un devis de plusieurs milliers d’euros et une facture de pièce détachée, je n’ai pas hésité et j’ai, bien sûr, informé le client que j’accédais à sa demande. Ce que mon commercial a critiqué, considérant avoir été discrédité aux yeux du client. » Pire : la forte tête peut, sans aucun scrupule, se plaindre de son supérieur auprès de la direction générale. Pour le manager, la nécessité de maîtriser cet électron libre s’impose donc. Comment ? En bannissant, dans un premier temps, toute forme d’autoritarisme. La fermeté toute en souplesse : voilà la recette proposée par les experts en management. Très concrètement, cela consiste à se montrer intransigeant sur les résultats et à lâcher du lest sur d’autres points tels que l’organisation, le comportement en réunion, etc. « Le manager pourra ainsi spécifier au collaborateur difficile le caractère incontournable du reporting, mais lui laisser un à deux jours de délai supplémentaire et l’autoriser à ne remplir que les champs obligatoires », précise Rebiha Couillet. Pour canaliser son énergie, le manager veillera également à lui fixer des objectifs ambitieux à réaliser sur un secteur en perte de vitesse ou auprès de clients récalcitrants.

Recadrer les choses en tête-à-tête

Toutes ces précautions ne suffisent parfois pas à éviter le conflit. Dans ce cas, la consultante recommande aux managers de faire preuve d’écoute et de ne surtout pas rompre le dialogue. Pas question, pour autant, de se laisser marcher sur les pieds, au risque de se décrédibiliser aux yeux de l’équipe. « Si quelqu’un perturbe une réunion, le manager doit interrompre le débat et lui demander pourquoi il se comporte ainsi, ajoute l’experte. Si cette première intervention ne suffit pas, il doit alors se livrer à une mise au point : “Cela fait 20 minutes que nous parlons sans être entendus. Si nous continuons ainsi, la réunion sera stérile. Je te propose donc de m’écouter jusqu’au bout ; après tu pourras t’exprimer.” En général, précise Rebiha Couillet, cela suffit à faire entendre raison à la personne. » Mais une fois l’orage passé, le manager aura tout intérêt à refaire un point avec son collaborateur, en tête-à-tête, cette fois. « Le rebelle fonctionne à l’affectif ; il est donc important de partager des moments informels avec lui », estime Caroline Duret, psychiatre et consultante chez Stimulus. Inutile de planifier ces rencontres, le manager doit les improviser. « Face à une telle personnalité, le directeur commercial doit avoir des capteurs allumés en permanence, conclut Pierre Bourdellon. Cela l’oblige à moduler ses principes de management en y introduisant des coefficients personnels. Ce qui est positif pour le reste de l’équipe. » (*) Afin de préserver l’anonymat de cette personne, nous avons modifié son prénom.

Avis d’expert

Caroline Duret, psychiatre et consultante chez Stimulus « Ne surtout pas entrer dans leur jeu » Caroline Duret distingue trois types de fortes têtes : les personnalités hautaines, arrogantes, ayant une haute opinion d’elles-mêmes, les perfectionnistes obsessionnels et les paranoïaques. Leur point commun ? « La rigidité », répond la psychiatre. Face à ces collaborateurs, le directeur commercial doit appliquer trois règles de management fondamentales : « Critiquer un comportement et non pas une personne, faire part de son mécontentement dans l’instant, sous peine d’accumuler des rancœurs, et équilibrer remarques négatives et positives. » Il doit également adapter son comportement à la personnalité de son collaborateur. « Face à une personne sûre d’elle et narcissique, il restera attentif aux tentatives de manipulation et veillera à éviter toute promesse en l’air. Avec un tâtillon têtu et obstiné, il essaiera de se montrer fiable et prévisible, et évitera toute forme d’ironie qui risquerait d’être mal perçue. »

À retenir

- La forte tête est autonome, charismatique, organisée mais aussi réfractaire à toute forme d’autorité, narcissique, provocatrice et rigide. Elle se complaît dans le conflit, qu’elle recherche inconsciemment. - Au quotidien, le collaborateur rebelle fait fi des règles : retard aux réunions, refus de réaliser le reporting ou d’alimenter la base de données clients, etc. - Pour maîtriser la forte tête et canaliser son énergie, le manager doit lui fixer des objectifs ambitieux, être intransigeant sur ses résultats, mais faire preuve de souplesse sur son organisation, sa participation aux réunions, etc.

 
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Emmanuelle Sampers

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